Le «sixième sens» qui permet aux pigeons voyageurs de s'orienter grâce au champ magnétique terrestre ne se situerait pas dans leur bec, comme on a pu le croire, selon une étude publiée en ligne mercredi par la revue britannique Nature qui relance le mystère.

«Il y a de plus en plus de preuves pour dire que le pigeon a un véritable système de navigation dans la tête, comme un GPS : il est capable d'enregistrer des valeurs de champ magnétique, mais également des repères visuels et des indices olfactifs», a expliqué à l'AFP Hervé Cadiou, un des chercheurs qui a participé à l'étude.

De précédentes recherches ont suggéré que la boussole interne qui permet à l'oiseau de s'orienter grâce au champ magnétique -la magnétoréception- se situerait sous la peau qui recouvre la partie supérieure du bec de l'oiseau. Selon cette hypothèse, des cellules nerveuses contenant des petits cristaux de magnétite, un oxyde de fer, expliqueraient la sensibilité magnétique.

Mais la nouvelle étude mise en ligne mercredi par Nature vient défier cette hypothèse : David Keays (Institut de Pathologie Moléculaire, Vienne, Autriche) et ses collègues ont montré que les cellules riches en fer du bec des pigeons sont en fait des macrophages et non des neurones (ou cellules nerveuses).

Les chercheurs ont utilisé l'IRM et le scanneur pour réaliser, en les colorant en bleu, une cartographie des cellules riches en fer de la partie supérieure du bec de pigeons voyageurs. Ils ont ainsi révélé «une variation inattendue dans leur distribution et leur nombre, observation incompatible avec un rôle dans la sensibilité magnétique».

Une analyse de ces cellules a par ailleurs mis en évidence des caractéristiques propres à des macrophages, cellules qui font partie du système immunitaire.

«L'équipe de Vienne a démontré que les dépôts de fer dans le bec du pigeon n'étaient pas cristallins, mais plutôt des dépôts organiques, et que ce fer n'appartenait pas à des neurones, mais à des macrophages», explique Hervé Cadiou.

Or, «pour qu'il y ait un sens, une réception sensorielle, il faut qu'il y ait des neurones».

Même s'ils ne peuvent exclure la possibilité qu'un petit nombre de récepteurs magnétiques épars soient situés «dans un endroit indéterminé» de la partie supérieure du bec des pigeons, les chercheurs n'ont trouvé aucune preuve de l'existence d'un système de sensibilité magnétique dans ce bec.

«Le bec n'est pas un organe magnétorécepteur», a conclu Hervé Cadiou.

Le mystère de la magnétoréception des pigeons resterait donc à élucider.

Mais les chercheurs ont d'autres pistes. «Ces cellules énigmatiques pourraient résider dans l'épithélium olfactif (muqueuse de la paroi du nez, ndlr), une structure sensorielle qui a été impliquée dans la magnétoréception de la truite arc-en-ciel», suggèrent-ils.