Pour aider à mettre en place des zones marines protégées et à mieux gérer les ressources, les scientifiques tentent de comprendre les mécanismes de la dispersion géographique des poissons et mollusques grâce à des marqueurs génétiques.

Sur les récifs coralliens, la plupart des animaux restent sédentaires à l'âge adulte mais leurs larves sont au préalable disséminées dans l'océan avant, pour certaines d'entre elles, de retourner sur leur lieu de naissance.

Chez Dascyllus aruanus, un type de poisson demoiselle, «60% des larves reviennent sur le récif où se trouvent leurs parents», a déclaré à l'AFP la biologiste Cécile Fauvelet à l'occasion d'un séminaire au Centre de recherches insulaires et observatoire de l'environnement (CRIOBE), sur l'île polynésienne de Moorea.

Un résultat obtenu grâce à des marqueurs génétiques permettant de connaître les liens de parenté entre poissons adultes et juvéniles, en ayant recours aux mêmes principes que pour établir par l'ADN une paternité chez l'homme.

Les scientifiques savent depuis quelques années seulement que la dispersion géographique des espèces coralliennes, aussi appelée connectivité, ne se fait pas au seul gré des courants marins.

Après avoir grandi entre 10 et 100 jours au large, les larves transparentes s'approchent des récifs, deviennent des juvéniles et acquièrent une couleur. Cette transformation s'opère en général par les nuits les plus noires de nouvelle lune pour échapper aux prédateurs.

Certaines larves parviennent à survivre loin de leur lieu de naissance.

«Dans les Caraïbes, le poisson bicolore Stegastes partitus (un autre type de poisson demoiselle) peut se disperser sur de grandes distances, de l'ordre de 200 km, en une seule génération. Mais nous ne savons pas si cela arrive fréquemment», a constaté au cours de ses travaux Derek Hogan, de l'université de Windsor, au Canada.

«Par la génétique, nous tentons de comprendre les mécanismes d'échanges globaux entre les systèmes coralliens», explique pour sa part Paul Barber, de l'Université de Californie à Los Angeles.

«Si des populations ont des signatures génétiques relativement similaires, c'est parce qu'elles échangent leurs larves fréquemment», ajoute ce chercheur qui travaille sur un projet de suivi de 70 espèces de l'ouest du Pacifique, entre les Philippines, l'Indonésie et la Papouasie-Nouvelle-Guinée.

Connaître ces échanges et leurs distances s'avère fondamental pour protéger efficacement la faune marine.

«Quand les larves partent, on essaye de comprendre où, ce qui permettra de déterminer la distance nécessaire entre les aires marines protégées», souligne Mme Fauvelet, qui travaille à l'Institut de recherche pour le développement (IRD).

«Ainsi on aura des zones protégées pour la production de larves, qui profiteront à d'autres endroits et donc aux pêcheurs sans qu'on soit obligé de protéger tout le récif», ajoute-t-elle.

Mais la dispersion varie beaucoup entre les espèces et les milieux, rendant difficile l'établissement de principes généraux pour délimiter les aires à protéger.

Ainsi, sur les grands récifs coralliens en Australie ou en Nouvelle-Calédonie, les juvéniles se développent d'autant plus loin des lieux de ponte que leur état larvaire dure longtemps. Mais cette règle n'est pas valable dans les régions insulaires comme la Polynésie.

«Il y a des espèces écologiquement similaires, qui passent des temps similaires dans le plancton (à l'état larvaire) et qui ont des modèles de connectivité différents», relève M. Barber.