Les Français Françoise Barré-Sinoussi et Luc Montagnier, ainsi que l'Allemand Harald zur Hausen, se sont vu décerner lundi le prix Nobel de médecine 2008. Ils ont reçu cette prestigieuse récompense pour avoir découvert le virus du sida et des virus provoquant le cancer du col de l'utérus.

Françoise Barré-Sinoussi et Luc Montagnier ont été cités pour leur découverte du VIH, et Harald zur Hausen pour la découverte de papillomavirus responsables du cancer du col de l'utérus, qui est le deuxième cancer le plus répandu chez les femmes.

Le chercheur allemand reçoit la moitié des 10 millions de couronnes suédoises attribués pour le prix, les deux Français se partageant le reste de la somme.

Françoise Barré-Sinoussi et Luc Montagnier ont pu identifier le virus du sida dans les lymphocytes de patients présentant des ganglions lymphatiques envahis dès le début de l'infection, et dans le sang des patients à un stage avancé.

Le VIH détruit le système immunitaire du fait de sa réplication massive dans les lymphocytes qu'il détruit. Cette découverte est à la base de la compréhension actuelle de la biologie de la maladie et de son traitement aniretroviral.

Le père de Françoise Barré-Sinoussi, Roger Sinoussi, joint lundi par l'Associated Press à son domicile dans la banlieue parisienne, a confié que sa fille était au Cambodge. «Je suis content pour elle,» a-t-il déclaré.

Harald zur Hausen a compris que l'ADN des virus VPH pouvait exister à un stade où la tumeur était silencieuse, et qu'on pourrait le détecter grâce à la recherche spécifique d'ADN viral. Il a par ailleurs découvert que les HPV formaient une famille de virus hétérogènes. Seuls quelques types de VPH sont à l'origine d'un cancer. Sa découverte a conduit à la compréhension de l'histoire naturelle de l'infection par les VPH, à celle des mécanismes qui induisent un cancer et au développement de vaccins prophylactiques.

L'an dernier, le prix Nobel de médecine avait été décerné aux Américains Mario Capecchi et Oliver Smithies, ainsi qu'au Britannique Martin Evans, pour une série de découvertes sur les cellules souches embryonnaires et la recombinaison de l'ADN chez les mammifères.

Le Nobel de médecine, annoncé à Stockholm, donne le coup d'envoi du défilé des Prix Nobel. Pendant huit jours, les noms des lauréats des prestigieux prix vont s'égrener: la médecine sera suivie par la physique mardi, la chimie mercredi, la littérature jeudi et l'économie le lundi d'après. Le Nobel de la paix sera décerné vendredi à Oslo.

Photo: Reuters

Françoise Barré-Sinoussi

Un Nobel qui clôt définitivement la polémique

L'attribution du Prix Nobel de médecine 2008 lundi aux Français Françoise Barré-Sinoussi et Luc Montagnier pour avoir découvert le virus du sida vient clore définitivement la longue bataille qui s'est déroulée dans les années 80 sur la paternité de la découverte entre les équipes de recherche française et américaine. En voici la chronologie:

- janvier 1983: l'équipe du professeur Luc Montagnier à l'Institut Pasteur isole le virus du sida, baptisé LAV (Lymphodenopathy Associated Virus) et publie dès le 20 mai suivant dans la revue américaine Science la première communication sur ce sujet

- 22 septembre 1983: l'équipe de Pasteur remet la souche du virus LAV à un collaborateur du Pr Robert Gallo au National Cancer Institute de Bethesda, le Dr Mikulas Popovic

- 5 décembre 1983: l'Institut Pasteur dépose une demande de brevet de test de dépistage devant le Bureau américain des brevets

- 23 avril 1984: le Pr Gallo et la secrétaire américaine à la Santé Margaret Heckler annoncent dans une conférence de presse la découverte du virus baptisé HTLV-III, déclaré virus causal du sida. Début de la polémique franco-américaine sur la parenté de la découverte

- 4 mai 1984: la découverte américaine est publiée dans quatre articles dans la revue Science, dont l'un est accompagné de photos du virus français

- janvier 1985: des études françaises et américaines démontrent que le LAV et le HTLV-III sont identiques

- 13 décembre 1985: l'Institut Pasteur porte plainte aux États-Unis afin de faire reconnaître l'antériorité de la découverte du virus du sida par l'équipe du Pr Montagnier

-31 mars 1987: le président américain Ronald Reagan et le Premier ministre français Jacques Chirac tranchent dans la polémique Gallo/Montagnier en les déclarant tous deux «co-découvreurs» du virus

- novembre 1989: le quotidien «Chicago Tribune» relance la polémique sur la paternité de la découverte du sida, en affirmant que la contribution du Pr Gallo ne pouvait résulter que d'un «accident ou d'un vol». En mars 1990, le journal révèle la dissimulation à l'administration américaine de documents concernant les travaux du Pr Gallo

- 30 mai 1991: le Pr Gallo admet que son virus est en fait le virus français. Il reconnaît qu'une «contamination» s'est produite dans son laboratoire et que donc son virus provenait bien de l'Institut Pasteur

- septembre 1991: le Dr Popovic révèle que le Pr Gallo lui aurait demandé de ne pas faire référence au virus envoyé quelques mois plus tôt par l'Institut Pasteur

- 10 février 1992: le Chicago Tribune confirme les «falsifications» américaines sur la découverte du virus du sida

- 19 avril 1992: le ministre français de la Recherche, Hubert Curien, se prononce en faveur d'une renégociation de l'accord de mars 1987

- 17 juillet 1992: les Etats-Unis rejettent la demande de M. Curien

- 31 décembre 1992: le Pr Gallo est reconnu coupable de «mauvaise conduite scientifique» dans un rapport officiel américain. Une accusation qui sera abandonnée en novembre 1993 par le Bureau de l'intégrité de la recherche (ORI) du ministère de la Santé

- 11 juillet 1994: l'Institut national de la santé américain (NIH) reconnaît que la paternité de la découverte du virus appartenait à l'équipe française.

Sur le Net: https://nobelprize.org/