À bientôt 82 ans, le Français Étienne-Émile Baulieu, découvreur de la DHEA, «la pilule de jouvence», a gardé l'enthousiasme de la jeunesse pour défendre ses travaux actuels, toujours sur les hormones, mais au niveau du cerveau, promesses de nouvelles approches du vieillissement.

Inlassablement en quête de découvertes, le célèbre professeur - on lui doit également la pilule abortive «du lendemain» - est aussi en quête de financements. Et il ne boude pas son plaisir à exhiber un «chèque de l'Armée américaine», intéressée par ses recherches sur la réparation des traumatismes cérébraux, dans le contexte de l'engagement des Etats-Unis en Irak.

Officiellement «à la retraite» pour la recherche française, il a gardé un bureau sur le site de l'hôpital du Kremlin-Bicêtre, dans les locaux de l'Inserm. Mais il ne peut plus prétendre aux financements publics. Il a d'ailleurs créé un institut, l'Institut Baulieu (www.institut-baulieu.org), pour récolter des fonds.

Le Pr Baulieu a consacré la plupart de ses travaux aux hormones stéroïdes, aboutissant à la mise au point de la pilule abortive RU 486 et le conduisant à s'attaquer, avec la découverte de la DHEA, au phénomène du vieillissement.

«De la recherche sur pourquoi on vieillit, comment on vieillit, il n'y a pas grand chose», déplore-t-il. A la fin du siècle dernier, il a essayé de créer «un institut de la longévité et du vieillissement», enterré faute d'argent, alors qu'«il y avait des projets formidables».

Étienne-Émile Baulieu a également découvert ce qu'il a appelé les «neurostéroïdes», «c'est à dire la fabrication d'hormones stéroïdes par le cerveau».

«De fil en aiguille, on est arrivé à découvrir un nouveau mécanisme d'action de ces neurostéroïdes au niveau des microtubules, des petits tubes qui emmènent les molécules de nutrition et d'information d'un point à l'autre des neurones», explique-t-il.

«De là je l'ai essayé dans le traitement des traumatismes du système nerveux». L'idée est de «réparer plus vite et mieux les neurones après un traumatisme».

Séduit par les résultats sur la moelle épinière, le service de santé du département américain de la Défense a proposé au professeur une collaboration pour poursuivre les recherches au niveau du cerveau.

«À partir de là, je veux faire plus, pas seulement pour les militaires, mais pour les civils», souligne le Pr Baulieu. «Je veux élargir les applications aux maladies neurodégénératives». Pour cela, il faut montrer «que c'est approprié en termes de mécanisme biologique» et que c'est sans danger, y compris avec une utilisation sur le long terme.

«D'autre part j'ai une autre ligne de recherches sur le rétablissement de la mémoire, parce que, une des idées que j'ai, c'est qu'il y a beaucoup de lésions cérébrales acquises avec le vieillissement qui sont réversibles». Son équipe a mesuré chez l'animal «vieux» une baisse d'une hormone dans l'hippocampe, partie principale du cerveau en charge de la mémoire.

«Restituer la mémoire des gens vieillissants, ça devrait intéresser tout le monde, on devrait crouler sous l'argent...»

Regrette-t-il d'avoir à «quêter» pour financer ses travaux ? «Je trouve un peu vexant de ne pas être immédiatement reconnu alors que j'ai quand même inventé deux ou trois trucs. Ca fait du bien d'être obligé de se battre, mais dans certaines limites».

Un manque de financement public qui pourrait être lourd de conséquences: «Si je repousse d'un an la dépendance pour 10% des malades d'Alzheimer, l'économie pour la société française c'est un milliard d'euros».