Est-il possible de stimuler chez les jeunes la production d'«anticorps» qui leur permettraient, devant un échec ou un stress majeur, d'éviter les idées suicidaires? Le Dr Jean-Jacques Breton, psychiatre, croit que oui. Dans une étude à paraître, il démontre que de tels «facteurs de protection» existent et qu'ils pourraient bel et bien, s'ils sont développés chez les jeunes à risque, prévenir des suicides.

En interrogeant 283 adolescents recrutés dans sept écoles secondaires de Montréal, et en comparant leurs réponses avec celles des jeunes clients qu'il reçoit à la clinique des troubles de l'humeur, l'équipe du Dr Breton a déterminé plusieurs facteurs de protection bien précis.

 

Le médecin cite les raisons de vivre, la spiritualité, la façon d'aborder les problèmes, les habitudes de vie et les valeurs. La spiritualité n'est pas définie comme la pratique religieuse comme telle, mais comme une vie intérieure, une recherche de sens. D'autres facteurs de protection sont davantage liés au plan familial, soit l'attachement positif avec le parent ou le sentiment d'appartenance à la famille.

Par exemple, un jeune qui fait une dépression et qui a peu d'amis, qui passe beaucoup de temps devant la télé, qui pratique peu de loisirs et de sports et qui n'a pas de but précis dans la vie risque beaucoup plus de rechuter parce qu'il a peu de facteurs de protection. Encore plus si, par exemple, il est en conflit avec ses parents.

«On a beaucoup parlé des facteurs de risque dans la problématique du suicide. Mais ce qu'on a découvert, c'est qu'il y a aussi des facteurs de protection. S'il y a des facteurs de protection, le risque d'avoir des idées suicidaires diminue. Ce n'est pas magique, bien sûr, mais si on favorise ces facteurs de protection, les gens peuvent améliorer leur capacité à faire face aux événements stressants. On peut les outiller», explique le Dr Breton.

«L'idée, c'est de renforcer nos jeunes, de les aider à produire des anticorps. S'il y a une nouvelle «infection», qu'ils puissent y faire face. Donc que la probabilité d'une réaction négative diminue», poursuit-il.

Chaque année, entre 50 et 100 jeunes de 6 à 18 ans sont dirigés vers la clinique des troubles de l'humeur de l'hôpital Rivière-des-Prairies. La grande majorité sont dépressifs et ont fait des gestes à caractère suicidaire. «On rencontre ici des jeunes de 10 ou 11 ans qui ont des idées suicidaires, des enfants qui veulent mourir», raconte le Dr Breton.

Ils ont, la plupart du temps, été envoyés par les urgences de l'hôpital, où leur cas a été jugé sérieux. Jamais on ne les fait attendre: ils sont tout de suite reçus, évalués et traités. L'évaluation dure une journée complète, au cours de laquelle on évalue justement leurs facteurs de protection.