Certes, prendre un médicament diminue le taux de cholestérol. Mais les médecins expliquent-ils suffisamment aux patients comment lutter contre le stress qui use leur système immunitaire? Prennent-ils le temps de leur enseigner comment pratiquer de la gymnastique sans aggraver leurs douleurs articulaires?

Le prestigieux Institut de Médecine, très influente association médicale américaine, milite aujourd'hui pour la reconnaissance d'une médecine du bien-être, une médecine préventive, prédictive et personnalisée.

«La santé, c'est plus que l'absence de maladie», résume le Dr Ralph Snyderman, organisateur des trois jours de débats au sein de l'Institut pour attirer l'attention du Congrès afin qu'il se penche sur cette médecine «intégrale», dans le jargon des médecins.

À la base, le concept va au-delà de la médecine standard, en englobant une série de facteurs extérieurs, notamment un bilan de santé, les habitudes de vie, les interactions corps-esprit, autant de paramètres qui jouent un rôle dans la prévention des maladies.

«On ne fait pas assez attention au bien-être», déplore Bill Novelli, président de l'Association américaine des personnes retraités (AARP), qui s'inquiète de l'absence de cette notion dans la réforme à venir du système de santé américain.

«Le médecin dit, "perdez du poids, faites du sport, je vous revois dans un an". On sait que ça ne marche pas», renchérit le Dr Tracy Gaudet, gynécologue-obstétricienne, qui dirige le service de médecine intégrale au centre médical de l'Université Duke.

Mais comment obtenir un financement pour que les gens restent en bonne santé? Cet obstacle alimente largement le débat au sein de l'Institut. Car même si, au bout du compte, la prévention coûte moins cher que le traitement lui-même, on ne sait pas d'où viendront les fonds.

Pourtant, un nombre de plus en plus important d'institutions médicales respectées se tournent vers ce type de soins: au centre Duke, des coach spécialement formés aident les patients à mettre en oeuvre un traitement personnalisé qui complète le traitement prescrit par le médecin, des soins qu'ils payent souvent de leur poche.

«Si je n'avais pas eu de coach, j'aurais abandonné», reconnaît Roberta Cutbill, 68 ans, envoyée par son cardiologue dans l'espoir qu'une meilleure alimentation et la pratique régulière d'un sport permettent de baisser suffisamment son taux de cholestérol pour lui éviter de prendre des médicaments.

Mais l'exercice est parfois délicat: il faut adopter des thérapies non-conventionnelles semblant aider les patients, tout en évitant les «thérapies alternatives» dont l'efficacité n'est pas prouvée, voire le charlatanisme pur et simple.

«Nous gaspillons beaucoup aux États-Unis dans le domaine de la santé parce que nous ne respectons pas (...) les capacités d'auto-guérison du corps lui-même, l'utilisation de voies moins technologiques pour obtenir la guérison», souligne le Dr Donald Berwick, expert en qualité des soins et directeur de l'Institut pour l'amélioration du système de santé, un organisme à but non-lucratif.

Des preuves d'efficacité de ces «méthodes douces» existent, comme cette étude financée par le système Medicare pour le centre Duke: 154 personnes d'âge moyen, à haut risque de maladie cardio-vasculaire, ont été «coachées» pendant 10 mois. Elles faisaient de l'exercice 3,7 jours par semaine, soit deux jours par semaine de plus qu'au début. Elles ont enregistré une diminution moyenne de 10 points du cholestérol. Ce qui équivaut à une petite, mais significative diminution du risque global de maladie cardio-vasculaire, bien supérieures à celle des personnes ayant un suivi standard.

Autre exemple: un cerveau stressé en permanence ordonne la sécrétion d'hormones ou d'autres substances chimiques qui affaiblissent le système immunitaire. Ce dernier ne peut plus défendre l'organisme contre une maladie ou accélérer la guérison, rappelle le Dr Esther Sternberg, de l'Institut national de santé mentale. Trop de stress peut même nous faire vieillir plus vite, ajoute-t-elle. Mais une activité physique régulière, une bonne alimentation, et des techniques de relaxation anti-stress, notamment la méditation ou le yoga, ont prouvé leurs bienfaits dans la lutte contre les effets négatifs du stress. Ce qui ne veut pas dire qu'elles puissent remplacer un traitement médicamenteux, avertit Sternberg.

«Nous disons qu'il faut faire les deux, avec les avancées modernes de la médecine», juge-t-elle. «Cela permet à notre organisme de recevoir ce traitement et d'y répondre de façon optimale, ce qu'il ne ferait peut-être pas».