Napoléon empoisonné? Mort d'un cancer? Arne Soerensen, un médecin danois à la retraite, à l'allure d'un lord anglais, feuillette quelques unes de ses milliers de notes écrites pendant 50 ans sur l'ex-empereur, et son diagnostic est sans appel: mort de ses reins.

Assis dans sa bibliothèque contenant plus de cinq cent livres sur Napoléon 1er, ce spécialiste en néphrologie, un grand nom de la dialyse en Europe dans les années soixante, affirme avoir trouvé les causes du décès de l'ex-empereur et «corrigé» ainsi l'histoire.

Dans un livre paru en mai, Napoleons Nyrer (Les reins de Napoléon), il a écarté les mythes entourant sa mort, affirmant qu'il est décédé, à 51 ans, d'intoxications rénales, et non d'un empoisonnement à l'arsenic ou d'un cancer de l'estomac.

«Je ne suis pas un historien, mais un médecin, passionné d'histoire, et j'ai étudié l'état de santé de Napoléon depuis son enfance à sa mort», dit-il, en regardant les portraits sur faïence de l'ex-empereur et de l'ex-impératrice Joséphine qui ornent ses murs.

Médecin-chef pendant 28 ans à l'hôpital d'Aalborg (nord du Danemark), et père de cinq enfants, il nourrit une grande passion pour ce personnage illustre, «même si le Danemark a été amputé de son territoire, a connu la banqueroute en étant son allié».

Depuis la fin de ses études jusqu'à ces dernières années, il a «acheté et emprunté au total quelques 2000 ouvrages sur Napoléon», passant en moyenne «3 à 4 heures» par jour à les étudier.

Dans son «cottage» de charme d'Aalborg, il ressort «comme un trésor inestimable», des petits papiers griffonnés de sa main «à chaque fois» qu'il lisait un livre» dit-il, jetant un regard attendri à Birte son épouse, qui a «patiemment tapé pendant des années (ses) notes sur ordinateur».

À 82 ans, «il se rappelle de toutes les dates de toutes ses batailles, mais ne se souvient pas des anniversaires de ses enfants», confie-t-elle sur un ton amusé.

Arne «partageait» sa passion avec les médecins et infirmières de l'hôpital d'Aalborg, où «pendant les pauses-café», il les «divertissait» avec Napoléon, leur expliquant «les conséquences importantes» de sa maladie sur ses décisions dans les champs de bataille.

En analysant à la loupe l'évolution de sa maladie et toutes ses batailles, Arne Soerensen a constaté un lien de cause à effet, d'autant que Napoléon «décidait tout» et ses maréchaux avaient «peur de lui, n'osant rien entreprendre».

«Dans ses soixante batailles, il avait les mêmes symptômes urinaires qui ont eu des répercussions sur ses facultés de jugement, comme ce fut le cas dans la bataille de Borodino le 7 septembre 1812 où il était apathique et absent».

Terriblement marqué par la maladie, il était aussi «engourdi et indécis», dans la bataille fatidique de Waterloo, le 18 juin 1815.

Napoléon avait «des ennuis de santé depuis «l'âge de 3 ans». Il était «agressif et difficile avec ses camarades» selon sa mère, relève Arne, persuadé qu'il avait «des troubles urinaires toute sa vie».

Il souffrait d'un rétrécissement autour du canal urinaire, d'infections chroniques d'une vessie atrophiée, une maladie rénale, une néphropathie obstructive, occasionnant un ulcère à l'estomac et des complications mortelles.

«C'était un homme en piteux état, mais qui cachait sa maladie, comme les grands hommes à l'instar de l'ancien président américain Roosvelt, mort d'une tumeur au cerveau», note-t-il.

«Le diagnostic final est enfin émis, mais le patient est mort, et c'est bien dommage» déplore-t-il, en prenant un nouveau livre à sa bibliothèque: la guerre civile aux États-Unis, qu'il est «en train de lire, jour par jour», une nouvelle passion...