« Ne vous inquiétez pas, ça va repousser », « Il y a de très belles perruques aujourd'hui, vous savez »...

Est-ce vraiment cette sorte d'encouragement, empathique, mais ô combien maladroit, que les femmes atteintes d'un cancer du sein, au moment d'amorcer leur chimiothérapie, veulent entendre devant la perte annoncée de leurs cheveux? Poser la question, c'est y répondre. Il existe pourtant un moyen de prévenir la perte capillaire. Un moyen, aux résultats encore partiels certes, et dont l'innocuité n'a pas été démontrée hors de tout doute, mais suffisamment efficace pour qu'on l'utilise de façon routinière en Europe : le bonnet réfrigérant.

Assez semblable visuellement aux bonnets de bain qu'on utilise en piscine, l'équipement en question qu'on pose sur la tête durant les séances de chimiothérapie est parcouru par un liquide réfrigérant qui abaisse la température du cuir chevelu, ce qui a pour effet de diminuer la circulation sanguine. Ce faisant, une quantité plus faible de substances chimiothérapeutiques est véhiculée via l'irrigation sanguine à la tête, entraînant une altération moindre des cellules capillaires avec comme résultat, une perte de cheveux plus faible.

Au Centre des maladies du sein Deschênes-Fabia, la plus importante clinique de l'Est-du-Québec, où on dit traiter chaque année quelque 800 nouveaux cas de cancers du sein, le bonnet réfrigérant est offert à toutes les femmes.

Selon la docteure et chercheuse Julie Lemieux qui mène actuellement une recherche sur l'efficacité précise du bonnet en rapport notamment avec les chimiothérapies actuelles plus agressives, ce serait même le seul endroit, non seulement au Québec, « mais possiblement dans toute l'Amérique du Nord » à proposer cet outil aux patientes. « On l'offre ici à toutes les femmes qui se font traiter pour un cancer du sein, et 85 % d'entre elles s'en prévalent. »

Et ça fonctionne? « J'hésite à donner des chiffres, parce que je n'ai pas encore de résultats de l'étude en cours. Mais si je me fie à ce que j'observe ici, on pourrait dire qu'environ une femme sur deux n'a pas de perte de cheveux assez importante pour nécessiter l'utilisation d'une perruque. »

La chercheuse dit comprendre les craintes que certaines personnes émettent, vis-à-vis de cette pratique, à savoir qu'un cuir chevelu moins « irrigué » par le médicament chimiothérapeutique puisse devenir un site privilégié de métastases. Toutefois, ces doutes n'ont pas été corroborés jusqu'à maintenant par des publications. « Dans une étude rétrospective que j'ai menée auprès de 640 patientes traitées chez nous entre 1998 et 2002, j'en suis arrivée à 1,1 % de femmes ayant montré des métastases au cuir chevelu. Et attention : chaque fois, c'était en présence d'un ou de plusieurs autres sites de métastases et, chaque fois aussi, le cuir chevelu n'apparaissait pas comme le site primaire de l'activité métastasique. »

Alors pourquoi cette différence aussi marquée dans l'adoption de cette technique entre l'Amérique et l'Europe? « Selon moi, outre cette crainte des métastases, ça pourrait s'expliquer de trois façons. Un : ce n'est pas tout le monde qui sait que ça existe, parce qu'ici du moins, ça ne nous est pas enseigné. Deux : je sais qu'aux États-Unis, ce n'est pas utilisé parce que les appareils de réfrigération du cuir chevelu ne sont pas approuvés. Et trois : il y a encore très peu de données probantes cernant l'efficacité de la technique avec les chimiothérapies actuelles. »

Dans l'étude en cours, pour laquelle la docteure espère rassembler 300 patientes, non seulement à Québec, mais aussi à Montréal et ailleurs à travers le Canada, les liens entre le cuir chevelu et les métastases, et entre la perte de cheveux et la puissance des nouvelles chimiothérapies, seront scrutés. Les participantes tiendront un journal de bord quotidien où elles évalueront tout au long du traitement le moment et la quantité de cheveux perdus. Le tout sera appuyé par des photos et corroboré par une coiffeuse professionnelle.