Les allergies alimentaires seraient plus fréquentes au sein des familles hautement scolarisées et moins parmi les immigrants, selon une enquête menée à travers le Canada.

Les parents plus scolarisés ont davantage tendance à retarder l'introduction d'aliments potentiellement allergènes dans l'assiette de leur enfant, ce qui, suggèrent de plus en plus d'études, pourrait augmenter le taux d'allergie.

Bien que des gènes de prédisposition semblent fort probablement contribuer au développement des allergies alimentaires, ils ne peuvent expliquer seuls leur accroissement au cours des deux dernières décennies.

D'autant qu'il a été observé que des populations ayant des bagages génétiques similaires peuvent présenter des taux d'allergies alimentaires différents, en raison de leurs habitudes alimentaires différentes.

Par exemple, les enfants juifs vivant au Royaume-Uni étaient beaucoup plus nombreux à souffrir d'allergies aux cacahuètes que ceux qui habitaient en Israël, et ce, même s'ils possédaient des bagages génétiques semblables. «La seule différence est qu'en Israël, on introduit les cacahuètes comme collation dès l'âge de six mois. Les très jeunes enfants en consomment beaucoup plus qu'au Royaume-Uni», a déclaré au Devoir le Dr Moshe Ben-Shoshan du Département d'allergie-immunologie de l'Hôpital de Montréal pour enfants, dont l'équipe a procédé à une enquête pancanadienne -ayant porté sur près de 10 000 individus- qui avait pour but de déterminer les facteurs démographiques, tels que l'âge, le sexe, le niveau de scolarité, les lieux de résidence et de naissance, qui, en combinaison avec des facteurs génétiques et environnementaux, seraient susceptibles de participer à l'apparition d'allergies alimentaires.

L'enquête a notamment révélé que les allergies aux arachides, aux noix et au sésame étaient plus fréquentes chez les enfants que les allergies aux poissons et aux fruits de mer. Toutefois, ces derniers étaient plus souvent l'objet d'allergies parmi les citadins. Mais plus étonnant encore, les allergies aux noix (noisettes, amandes, etc.) sont apparues près de deux fois plus fréquentes au sein des familles plus scolarisées.

Par contre, les allergies alimentaires, et particulièrement les allergies aux fruits de mer, étaient moins présentes parmi les immigrants. Les auteurs de l'étude, dont les résultats ont été publiés dans le Journal of Allergy, avancent différentes hypothèses pour expliquer cette prévalence accrue des allergies alimentaires dans les milieux plus scolarisés.

«L'hypothèse hygiénique est celle qui attire le plus d'attention, car elle impute l'augmentation des allergies dans les pays développés au style de vie: au fait que les enfants y sont plus souvent vaccinés et traités aux antibiotiques, qu'ils sont moins exposés aux animaux domestiques et de ferme, et qu'ils ont moins d'infections en jeune âge, souligne le Dr Ben-Shoshan. Des études ont montré que les familles qui ont plus de deux animaux (chats ou chiens) à la maison présentent souvent moins d'allergies de toutes sortes, que les personnes qui ont été exposées à de nombreuses infections durant la petite enfance sont moins susceptibles de souffrir d'allergies, et que les membres de familles nombreuses sont généralement moins victimes d'allergie. Bien sûr, ces associations ne sont pas prouvées.»

Les auteurs de l'article attribuent aussi au style de vie le taux moindre d'allergies parmi les immigrants. Une explication qui est corroborée par des observations indiquant que la prévalence des allergies s'accroît chez les immigrants proportionnellement à la durée de séjour dans un pays occidentalisé. Des enquêtes ont indiqué que les symptômes de l'asthme étaient moins fréquents parmi les adolescents chinois résidant en Chine continentale que parmi ceux vivant à Hong Kong ou ayant immigré au Canada. Et que leur fréquence était la plus élevée parmi ceux qui étaient nés au Canada.

Selon les chercheurs, certaines habitudes alimentaires et de style de vie, comme une consommation moindre d'aliments riches en acides gras oméga 3, une exposition à une quantité inadéquate de vitamine D et des modes de préparation différents des aliments pourraient contribuer au développement des allergies alimentaires. «En Asie, où on dénombre moins d'allergies aux arachides, on fait bouillir les cacahuètes au lieu de les rôtir comme on le fait en Amérique du Nord. Des études ont montré qu'en les bouillant, on réduit leur allerginicité. Ce qui expliquerait pourquoi les Asiatiques développent des allergies aux arachides lorsqu'ils déménagent en Amérique», donne en exemple le Dr Ben-Shoshan.

Les taux plus élevés d'allergies parmi les personnes plus scolarisées pourraient aussi s'expliquer par le fait que ces dernières reconnaissent plus facilement les symptômes de l'allergie et consulteront plus souvent un médecin le cas échéant, ce qui permettrait de diagnostiquer davantage les allergies, contrairement aux immigrants qui sont moins enclins à avoir recours à un médecin parce qu'ils sont moins renseignés et n'ont pas de médecin de famille.

De plus, les parents plus scolarisés ont davantage tendance à retarder le moment où ils donneront pour la première fois à leur enfant certains aliments potentiellement allergènes. «Autrefois, on affirmait que les arachides, les fruits de mer et autres aliments potentiellement allergènes ne devaient pas être introduits dans l'alimentation d'un enfant avant l'âge de trois ans, afin que le système immunitaire de l'enfant soit suffisamment mature pour faire face à ces aliments. Or, de plus en plus d'études suggèrent que le fait de retarder l'introduction de tels aliments ne réduit pas le taux d'allergies, et peut même l'augmenter», affirme le Dr Ben-Shoshan.