Le Nouvel An sera un peu en retard cette année: d'une seconde. Elle sera ajoutée à la dernière heure de 2008 pour refléter le ralentissement de la rotation de la Terre, sur fond de débat entre partisans de deux systèmes de mesure: le Greenwich Mean Time («heure moyenne de Greenwich», GMT), une institution britannique, et le Temps atomique international (TAI), calculé près de Paris.

Le 31 décembre, à 23 heures, 59 minutes et 59 secondes en temps universel coordonné (UTC), une seconde supplémentaire sera ajoutée. En France, où les montres sont en avance d'une heure par rapport à l'heure GMT en hiver, ce changement interviendra à 1 h du matin jeudi.Depuis 1972, une seconde dite «intercalaire» est ajoutée régulièrement par l'Observatoire royal à Greenwich, en Angleterre, pour tenir compte de l'infime ralentissement de la rotation de la Terre. Ces ajustements réguliers - la seconde intercalaire ajoutée à l'occasion du passage à 2009 sera la 24e en près de 40 ans - ont contribué à maintenir le statut de référence internationale du système GMT.

Certains scientifiques estiment toutefois qu'il devrait être remplacé par le Temps atomique international, dont ils soulignent la haute précision. Mais le TAI compte aussi des détracteurs, qui font valoir que les horloges atomiques, sans un ajustement périodique, seraient un jour désynchronisées avec les cycles du Soleil.

Le décalage ne serait pas visible pendant des décennies, mais d'ici un millénaire, midi, l'heure où le Soleil se trouve normalement au zénith, tomberait vers 13 h. Dans des dizaines de milliers d'années, le Soleil accuserait plusieurs jours de retard sur le calendrier humain. «(Nos descendants) nous en voudront moins si nous choisissons de laisser les montres indiquer 12 h lorsque le Soleil est au zénith», souligne Steve Allen, un analyste de l'Observatoire Lick à l'Université de Californie.

Les partisans du TAI répondent que les secondes intercalaires sont imprévisibles. La vitesse de rotation exacte de la Terre ne pouvant être déterminée à l'avance, elles sont ajoutées lorsque nécessaire, parfois, comme cette année, un 31 décembre, mais parfois aussi le 30 juin. Ces légers ajustements peuvent faire «boguer» des logiciels sensibles, en particulier en Asie où ils interviennent en cours de journée à cause du décalage avec l'heure GMT.

Mais les Britanniques souhaitent conserver la prééminence du système GMT. «Nous éprouvons une sorte de fierté nationale en Grande-Bretagne sur le fait que le temps est calculé à Greenwich», souligne Stephen Mallinson, 50 ans, un cadre d'une société de télécommunications, interviewé à Londres.

À l'observatoire royal de Greenwich, dans la banlieue de Londres, Susie Holt, une mère au foyer de 53 ans, n'est pas du tout favorable à l'abandon de l'heure GMT. Et sa fille Kirsty, 15 ans, de déclarer: «Nous ne voulons pas que les Français contrôlent l'heure. Ils risquent de se tromper.»

Reste qu'Elisa Felicitas Arias, du Bureau international des poids et mesures (BIPM), organisme qui calcule le temps atomique à Sèvres, près de Paris, milite pour l'abandon des secondes intercalaires et juge l'heure GMT «périmée».

Cette scientifique a déjà obtenu un très large soutien à sa cause, et l'Union internationale des télécommunications - l'arbitre des systèmes internationaux de calcul du temps - envisage d'organiser dès 2009 un vote sur le passage au temps atomique. Mme Arias assure que les États-Unis, la France, l'Allemagne, l'Italie et le Japon sont d'accord avec cette réforme.

Mais David Rooney, un responsable de l'Observatoire royal de Greenwich, ne veut pas voir disparaître les secondes intercalaires, qui permettent à tous de profiter du «meilleur des deux systèmes», explique-t-il. Ces ajustements permettent aux satellites ou encore aux physiciens de profiter de la précision du temps atomique tout en restant en phase avec la position du Soleil dans le ciel, ajoute-t-il.

La Société américaine d'astronomie (AAS) est officiellement neutre sur la proposition de passer à l'heure atomique, calculée à partir de plus de 200 horloges atomiques dans le monde.

Sans surprise, la Société royale d'astronomie en Grande-Bretagne s'est prononcée pour le maintien des secondes intercalaires. Leur abandon serait «pour le moins un grand changement culturel», souligne son porte-parole Robert Massey. «Abandonner le lien entre le temps et l'heure solaire serait vraiment un grand changement.»