Des psychologues de l'Université Laval ont mis au point un traitement révolutionnaire contre l'insomnie. Un an après le traitement, plus des deux tiers des patients sont guéris.

Cette avancée confirme qu'utiliser à long terme des somnifères ne règle pas ce type de problème. Pendant six semaines, le patient prend un somnifère tous les soirs et suit une fois par semaine une séance de groupe de psychothérapie comportementale; puis durant cinq mois, il rencontre le psychothérapeute individuellement chaque mois, sans prendre de somnifères.

«Les résultats sont très intéressants», a expliqué l'auteur principal de l'étude parue dans le Journal de l'association médicale américaine, Charles Morin. «Après un suivi d'un an, plus de 80% des patients ont des améliorations, et 68% n'ont plus d'insomnie chronique. Ce sont des taux de succès qui commencent à avoir de l'allure. Peut-être que ça va convaincre les gouvernements d'allouer davantage de ressources aux traitements non pharmacologiques.»

L'étude visait au départ à évaluer l'utilisation de somnifères en combinaison avec la psychothérapie. Des études antérieures, notamment certaines de M. Morin, montrent qu'un traitement comportant seulement des somnifères n'était pas efficace.

Les chercheurs de Québec ont recruté 160 adultes souffrant d'insomnie chronique qui avaient consulté l'hôpital universitaire. Ils devaient mettre plus de 30 minutes à s'endormir, ou rester 30 minutes éveillés au milieu de la nuit, au moins trois nuits par semaine. Leur problème devait perdurer depuis plus de six mois, mais en moyenne il datait d'au moins 10 ans.

La psychothérapie comportementale leur enseignait l'ABC du sommeil - par exemple, il faut dormir dans un endroit sombre et calme, faire des activités calmes avant le coucher, et ne pas se servir de son lit pour autre chose que la sexualité et le sommeil, même pas regarder la télé.

La moitié des adultes ont suivi la psychothérapie de six semaines, et l'autre moitié la combinaison psychothérapie-somnifères de six semaines. Par la suite, la moitié du premier groupe n'a plus reçu de traitement, et l'autre moitié a eu la psychothérapie mensuelle. Le deuxième groupe, qui recevait toujours la psychothérapie mensuelle, a aussi été séparé en deux: une quarantaine de cobayes ne prenaient plus du tout de somnifères, et les autres recevaient une dizaine de somnifères par mois qu'ils pouvaient utiliser n'importe quand. À la fin de chaque mois, ils devaient remettre les somnifères non utilisés et en recevaient 10 autres. Tous les traitements cessaient après six mois.

Après six autre mois sans traitement - donc un an après le début de l'intervention - les résultats ont été évalués. Le groupe ayant eu le plus de succès était de loin celui qui avait eu la thérapie combinée suivie par la psychothérapie mensuelle sans somnifère: 81% avaient des améliorations significatives de leur insomnie, et 68% n'en faisaient plus du tout. Les insomniaques ayant eu seulement la psychothérapie hebdomadaire, puis la psychothérapie mensuelle, avaient des résultats comparables à ceux qui avaient eu la thérapie combinée, puis des somnifères occasionnels: 63% d'amélioration, et 44% de rémission complète.

«Nous pensons que s'ils n'ont plus du tout de somnifères, les patients mettent plus d'énergie dans les changements à leur comportement», estime M. Morin.

Cela signifie que les médecins qui donnent à leurs patients des somnifères à utiliser au besoin font fausse route. «C'est approprié si l'insomnie est passagère, par exemple lors d'un divorce, d'une mise à pied, dit M. Morin. Mais en présence d'insomnie chronique, il faut absolument commencer par les changements comportementaux.»