Il y a quelques semaines, on s'interrogeait sur la justesse des faits scientifiques dans Anges et démons. Mais on peut aussi s'interroger sur la justesse de la guerre entre science et religion qui est au coeur du film. Une vraie guerre, avec de vrais cadavres?

Depuis le 17e siècle, nous raconte l'auteur Dan Brown, un réseau secret de scientifiques, les Illuminati, dont aurait fait partie Galilée, serait engagé dans une guerre à finir contre l'Église : une guerre où l'Église répliquerait à coups d'assassinats et de duperies.

L'Église catholique a-t-elle tenté de tuer la science... et les scientifiques?

En fait, dans l'Europe du Moyen âge, c'est l'Église qui a fondé les premières universités et ce sont ses moines qui ont été les premiers à étudier les mathématiques, l'astronomie, l'optique... Thomas d'Aquin fut un des nombreux intellectuels du Moyen âge à soutenir (comme Aristote, 1000 ans avant lui) que la Terre était ronde, ce qui ne l'a pas empêché de « devenir » saint.

Mais passé un certain point, l'Église n'a-t-elle pas commencé à s'inquiéter et à prendre les grands moyens?

Giordano Bruno a effectivement été brûlé en 1600 pour « multiples hérésies », dont le fait d'avoir soutenu la vision de Copernic : le Soleil au centre de l'Univers, plutôt que la Terre. Mais dans les générations qui ont suivi, l'Ordre des Jésuites est réputé pour avoir compté de nombreux scientifiques. Plus près de nous, l'Église n'a pas eu de problèmes avec la théorie du Big Bang, et le pape actuel ne semble pas en avoir avec la théorie de l'évolution - au contraire des fondamentalistes religieux américains.

Et Galilée?

Soupçonné d'hérésie, il a été assigné à résidence en 1633 et le spectre du bûcher de Giordano Bruno planait sur lui. Mais dans l'ouvrage collectif récent Galileo Goes to Jail and Other Myths about Science and Religion, le philosophe américain des sciences Maurice Finocchiaro soutient que seule la frange la plus conservatrice - celle qui tient obstinément à lire la Bible au premier degré - était irritée par les propos de Galilée et de Copernic.

Bien plus, une partie de cet « affrontement » était en fait politique : face au protestantisme qui, depuis le siècle précédent, était en pleine explosion, la hiérarchie catholique resserrait ses rangs et le cas Galilée lui fournissait un prétexte pour jouer la carte de la fermeté.

Bref, la réalité est plus complexe que dans le film. Au lieu d'un affrontement sanglant, on aurait plutôt affaire à une guerre... philosophique. Entre deux visions du monde, deux façons d'expliquer le monde : la foi et les faits. Deux méthodes souvent inconciliables.

Dans cet affrontement entre foi et raison, le cinéma n'a-t-il pas tendance à toujours donner le dernier mot à la foi?

C'est en effet un thème récurrent. Même Anges et démons, en qui ses détracteurs ont vu une attaque frontale contre l'Église, s'achève sur une scène qui a profondément irrité l'essayiste Dennis Overbye :

« Tom Hanks, dans le rôle du "symbologiste" de Harvard Robert Langdon, vient juste de révéler le coupable qui a menacé de faire exploser le Vatican... Un cardinal remercie Dieu d'avoir envoyé quelqu'un pour les sauver. M Hanks réplique qu'il ne croit pas qu'il ait été "envoyé". Bien sûr que vous l'avez été, vous ne le savez tout simplement pas, lui réplique gentiment le prêtre. M Hanks, pris par surprise, sourit béatement. Soudain, il n'est plus si sûr.

Ça pourrait être un happy end. Foi et science réconciliées, se tendant la main devant le mystère. Mais pour moi, ce moment a gâché ce qui aurait autrement été deux heures agréables pendant un après-midi pluvieux. Cela cristallise tout ce qui ne va pas avec la façon dont la culture populaire observe la science : les scientifiques sont intelligents, mais les religieux sont sages.

C'était comme si le prêtre avait donné une petite tape sur la tête d'Einstein en souriant : "t'en fais pas fiston, un jour tu comprendras" »