Le 1er juillet 1909, le capitaine québécois Joseph-Elzéar Bernier a officiellement pris possession de l'Arctique au nom du gouvernement canadien. Alors que la Russie, le Danemark et les États-Unis contestent la souveraineté du Canada sur cette région riche en hydrocarbures, un petit musée du Bas-du-Fleuve célèbre cet anniversaire en organisant des conférences, des activités pour adultes et enfants et une exposition spéciale sur le capitaine Bernier.

«La première expédition du capitaine Bernier a eu lieu en 1904», explique Émélie Soucy, relationniste au Musée maritime du Québec à L'Islet-sur-Mer. «Il a commencé à prendre possession des îles de l'Arctique. Mais il s'est rendu compte qu'il y en avait tellement qu'il lui faudrait des années pour y arriver. Alors, dans son expédition de 1908-1909, il a solennellement pris possession de l'ensemble de l'archipel à l'île Melville.»

 

Cet événement tombé dans l'oubli suscite plus d'intérêt depuis que le gouvernement Harper a annoncé un plan de surveillance militaire de l'Arctique. Cette année, la Commission géologique américaine a annoncé que l'Arctique pourrait contenir 90 milliards de barils de pétrole, soit 7% des réserves mondiales, et le tiers des réserves de gaz naturel.

Le Royaume-Uni a donné l'Arctique au Canada en 1880. Mais quand le capitaine Bernier a proposé ses expéditions en Arctique au premier ministre Wilfrid Laurier, ce dernier n'a pas accepté de le financer. Les gouverneurs généraux militaient en faveur d'explorateurs britanniques, selon Marjolaine Saint-Pierre, auteure d'une biographie du capitaine Bernier. Il a fallu que les États-Unis s'y intéressent et que des baleiniers étrangers s'y promènent impunément pour que le marin québécois reçoive l'autorisation d'acheter un voilier allemand, l'Arctic.

Au total, le capitaine Bernier a fait 12 expéditions arctiques en 19 ans, et même 15 ans si on exclut la Première Guerre mondiale. Il a passé huit hivers complets dans le Grand Nord.

Issu d'une lignée de capitaines, il a fait son premier voyage aux commandes d'un navire à 17 ans, en 1869, pour apporter du bois en Irlande. Deux ans plus tard, il a rencontré au Massachusetts l'explorateur nordique Charles Francis Hall, qui lui a communiqué la passion de l'Arctique. Détail amusant, le capitaine Bernier s'est servi des talents d'un faussaire hébergé dans sa prison pour établir les cartes de ses expéditions. Il a même reçu un nom inuit, Kapitaikallak, «le p'tit gros capitaine».

 

D'autres conflits territoriaux sont à prévoir

Le ministère des Affaires étrangères du Canada n'exclut pas qu'il y ait d'autres disputes territoriales avec les États-Unis en Arctique. Les deux pays ont un différend concernant la mer de Beaufort, entre l'Alaska et le Yukon, une région potentiellement riche en hydrocarbures. Hier, dans une conférence de presse de fonctionnaires canadiens et américains à propos d'une mission commune de cartographie des fonds marins de l'Arctique qui vient de partir en mer, Allison Saunders, responsable du dossier au ministère canadien des Affaires étrangères, a fait le point sur les disputes territoriales du Canada en Arctique. «Il est prématuré de dire ce qui va se passer», a déclaré Mme Saunders, en réponse à une question sur la possibilité d'autres disputes que celle qui concerne la mer de Beaufort. Mme Saunders a aussi indiqué que des missions canadiennes de cartographie aérienne, menées plus tôt cette année au-dessus d'un territoire revendiqué par la Russie, n'ont pas occasionné de réactions officielles de la part des Russes.