À l’âge de 3 ans, on a dû extraire l’œil droit de Manon Leblanc, à cause d’une tumeur sur sa rétine. Le cancer lui a ensuite pris sa mère, âgée de 41 ans, sa sœur, 28 ans, son beau-père, d’un cancer de la gorge, puis sa belle-mère, d’un cancer du poumon. « Je marche pour me connecter à eux », dit-elle.
Marcher 125 km dans des sentiers pour aider le financement de la découverte de nouvelles thérapies. C’est ce qu’ont fait aux Îles-de-la-Madeleine, du 18 au 25 septembre, 11 personnes dans le cadre des Challenges SRC. Parmi celles-ci, six participants du premier Challenge SRC, celui du chemin de Compostelle, réalisé en Espagne en 2011 avec Stéphane Rousseau, qui devenait alors le porte-parole officiel de la SRC.
La Presse avait alors participé au Challenge espagnol. Stéphane Rousseau l’avait réalisé en hommage à sa sœur Louise, morte du cancer. La marche avait été physique, spirituelle et amicale. Les participants ont conservé, depuis, des relations fortes entre… elles (ce sont surtout des filles !) et avec l’humoriste. C’est pourquoi ils tenaient à participer au dernier Challenge de Stéphane Rousseau.
L’artiste a adoré son rôle de porte-parole, qui est désormais assuré par André Robitaille.
Je suis content qu’André [Robitaille] ait été choisi, car c’est quelqu’un qui s’investit. J’ai vécu de grandes expériences avec ces Challenges.
Stéphane Rousseau
Stéphane Rousseau inspirateur
Chaque fois qu’elle marche, Manon Laurin Baril pense d’ailleurs à Stéphane Rousseau. « Grâce à lui, je fais quelque chose de grand », dit la femme de 63 ans, véritable mascotte de chaque Challenge auquel elle participe, en raison de son humour ravageur. « Avant Compostelle, je n’avais jamais pris l’avion ! Je ne m’étais jamais entraînée à marcher. C’est incroyable, tout ce que m’a apporté le dévouement de Stéphane. »
La Presse a effectivement constaté que Stéphane Rousseau rend l’aventure agréable, malgré l’effort nécessaire, ne manquant jamais une occasion de faire des blagues !
Cela dit, le Challenge des Îles a été difficile physiquement. Il fallait voir les pieds des participants après sept jours de marche…
À plusieurs reprises, Sylvie Rochefort ne pouvait parler, tant elle avait mal aux pieds. Mais elle ne s’est jamais arrêtée. « Nos douleurs, c’est secondaire, dit celle qui a perdu bien des proches à cause du cancer. En marchant, on pense aux gens qui souffrent et qui ont besoin d’être aidés. Mon conjoint Alain et moi, on est heureux d’embrasser cette cause. »
Ce souci de soutenir les malades et leurs proches, Nancy Bastien, âgée de 56 ans, ne l’avait pas avant Compostelle. Elle en est à son sixième Challenge. « En 2011, j’avais besoin d’un défi personnel, mais une fois que tu embarques avec la SRC, tu ne peux plus arrêter, car c’est valorisant d’aider cette cause, dit-elle en boitillant légèrement à cause de ses pieds. Tu vis des moments extraordinaires. Je vais essayer de me rendre à 10 Challenges. »
Marie-José Lefebvre avait aussi marché à Compostelle à la mémoire de sa sœur, morte du cancer. Elle tenait à venir aux Îles-de-la-Madeleine pour rendre hommage aux malades et à leur famille. « C’est dur d’avoir un proche qui a le cancer », dit-elle en haussant la voix, à cause du vent ébouriffant des Îles.
Tu te sens impuissant et la personne malade se sent rejetée, isolée. Même si c’est difficile d’avoir de la peine, il faut rester avec elle, car elle a besoin d’être entourée. C’est ça, la force de l’équipe. Comme pour les Challenges. On est solidaires, même quand on a mal partout. Car à la fin de la journée, on va se reposer. La personne qui a un cancer n’est jamais en repos. Sauf quand elle est en rémission.
Marie-José Lefebvre
Esprit d’équipe
Cet esprit d’équipe que La Presse a constaté durant ses trois jours avec les marcheurs, c’est ce qui a motivé Sylvie Cloutier à faire des Challenges. « Je suis émue de le dire, mais l’amitié qui se développe dans les Challenges me pousse à en faire d’autres, car c’est une belle expérience de vie et on découvre en plus, ici, aux Îles-de-la-Madeleine, des gens merveilleux et généreux. »
« Pour moi, il y a un avant et un après les Challenges, dit Nathalie Breault, qui a perdu un enfant de la leucémie et réalisé cinq randonnées pour la SRC. Ça a donné un sens à ma perte. Comme si j’avais une mission. Je voulais remercier Stéphane, car son implication a eu un impact dans ma vie. Tant que j’aurai la santé, je ferai des Challenges, pour encourager la recherche. »
Mais plus on vieillit et plus le Challenge est épuisant. Christine Marquis – dont la sœur a succombé à 52 ans à un cancer lié à une anomalie génétique – a aujourd’hui 62 ans et la maladie cœliaque. Elle a dû se préparer fort pour ce Challenge. « Mais ça en vaut la peine, dit-elle. En aidant la recherche, on raffine nos connaissances sur le cancer et sur la génétique et on améliore la prévention. »
Comment et pourquoi participer ?
Pour participer à un Challenge SRC, il faut amasser en moyenne 10 000 $. En faisant appel à ses amis, sa famille, son employeur, ses réseaux sociaux ou en organisant des évènements. Une fois la somme réunie, on choisit son Challenge. « Avant la pandémie, c’était à l’étranger. En Italie, aux Canaries, au Pérou ou sur le Kilimandjaro », précise Sonia Chatoyan, responsable du développement et de la gestion événementielle à la SRC, notamment des Challenges, qui accompagnait le groupe avec enthousiasme.
La marcheuse Manon Laurin Baril, ambassadrice bénévole de la SRC, a eu l’idée de Challenges organisés au Québec en temps de pandémie. « Car le cancer n’a pas pris de pause, lui », dit cette femme qui en est à son cinquième Challenge. Les prochains défis auront donc lieu en 2022 dans Charlevoix, sur les monts Chic-Chocs et encore aux Îles-de-la-Madeleine.
Le but des Challenges n’est pas d’aller au bout du monde, mais d’amasser des sous. Ce Challenge des Îles a permis de recueillir 125 000 $ qui permettront d’entamer ou de poursuivre des recherches sur le cancer. Par rapport à l’époque de Compostelle, un cancer du sein a aujourd’hui 85 % de chances de guérison s’il est pris à temps.
Manon Laurin Baril
Manon Laurin Baril dit qu’il faut travailler sur les 15 % qui restent. Elle est persuadée que sa meilleure amie, Lucille, morte du cancer en 2011, s’en sortirait aujourd’hui. « Ça prend beaucoup d’argent pour la recherche, dit-elle. On en a eu la preuve avec les vaccins contre la COVID-19. Quand tout le monde se met ensemble, on est capable de trouver des solutions. »
La Société de recherche sur le cancer a annoncé, la semaine dernière, qu’elle attribuait cette année 80 subventions de recherche d’une valeur de 9,6 millions, un record historique pour l’organisme.
Consultez le site de la Société de recherche sur le cancer