Les initiatives vertes pour améliorer l’environnement se multiplient à petite et à grande échelle, partout dans la province. Deux fois par mois, nos journalistes vous présentent des idées pour vous inspirer.

« Petit gars de ville », Guy Chabot dit ne pas avoir été « éduqué à l’écologie ». Jusqu’à ce qu’il achète une terre à Granby, s’y installe et que les nouvelles sur l’accélération des changements climatiques commencent à l’alarmer. L’urgence d’agir l’a incité à faire don d’une partie de sa terre à un organisme de conservation.

« S’il vous plaît, appelez-moi sur l’heure du souper, car je suis souvent dans ma forêt », nous demande Guy Chabot. « Sa forêt » se trouve sur le terrain qu’il a acheté en 1976 à Granby. Il y a construit sa maison, y exploite une érablière familiale de 400 entailles et entretient sa forêt avec les conseils d’ingénieurs forestiers. Au bout de cette terre se trouve une tourbière d’une grande richesse écologique. Un milieu humide où il a rarement mis les pieds.

« ll y a toutes sortes d’histoires sur des gens qui perdaient des vaches là-dedans ! raconte-t-il au cours d’un entretien téléphonique. La tourbière est vraiment profonde. Il y a jusqu’à 70 pi (21 m) d’épais de tourbe. »

PHOTO JESSY BROWN, ARCHIVES LA VOIX DE L’EST

Guy Chabot

Ce n’est que plusieurs années après l’avoir acquise qu’il a pris conscience de sa grande valeur écologique. « J’ai appris avec le temps quelle valeur ça pouvait avoir pour notre survie, l’humain. »

« Un milieu exceptionnel »

Selon l’inventaire qui a été réalisé, on y retrouve une centaine d’espèces fauniques et 125 espèces floristiques, dont certaines sont susceptibles d’être désignées comme menacées ou vulnérables, notamment la paruline du Canada, la salamandre sombre du Nord et le noyer cendré.

« C’est un milieu exceptionnel », constate Frédérick Chir, coordonnateur de projets à la Fondation pour la Sauvegarde des écosystèmes du territoire de la Haute-Yamaska (SETHY). « Les tourbières amènent des biens et des services écosystémiques à l’homme et à la nature. Elles peuvent atténuer les effets des changements climatiques et des inondations, filtrer l’eau, capter les gaz à effet de serre. »

Pour préserver cette biodiversité, Guy Chabot a signé, il y a une douzaine d’années, le contrat moral de protection proposé par l’organisme. C’est l’une des options qui s’offrent aux propriétaires terriens souhaitant perpétuer la conservation de leur pan de nature.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Guy Chabot et Frédérick Chir explorent la terre de M. Chabot.

Puis, il a voulu pousser la démarche plus loin en faisant don de ses 13,5 hectares de tourbière à la SETHY. La transaction, notariée, s’est concrétisée en avril dernier après quatre années de démarches et d’études pour évaluer la valeur écologique et marchande du terrain. Chiffré à 57 000 $, ce don permettra à M. Chabot de recevoir un reçu aux fins d’impôts.

« Ce n’est vraiment pas le côté pécuniaire que je cherchais », précise l’homme de 75 ans.

Je souhaitais faire quelque chose de bien pour mes enfants et mes petits-enfants. Il faudrait leur laisser quelque chose qui a de l’allure un petit peu. Je veux leur montrer que même si je ne récupère pas tout et que je ne fais pas toutes les affaires comme il faut, au point de vue écologique, au moins, j’aurai fait ce geste-là.

Guy Chabot

Ce qu’il souhaite aussi, c’est de profiter de la tribune que lui offre son geste pour éveiller la conscience « parce qu’on s’en va vers un mur et il n’y a personne qui prend ça vraiment au sérieux, dénonce-t-il. On dirait qu’on est aveugles face à ce qui se passe, mais d’année en année, on voit bien que les canicules sont plus nombreuses, les pluies sont plus abondantes, plus drastiques. C’est ce qui m’a motivé à faire ce geste-là ».

Influenceur à sa manière

Maintenant, Guy Chabot souhaite convaincre ses voisins de l’imiter. Environ une vingtaine de propriétaires se partagent le territoire de la tourbière, dont la superficie totale est estimée à au moins 200 hectares, selon Frédérick Chir.

« C’est une grosse tourbière, souligne-t-il. Ce qui est fou, c’est que c’est à 10 minutes du centre-ville. C’est incroyable ! C’est indéniable qu’il faut protéger ça. »

Si les dons écologiques demeurent rarissimes — il s’agit du troisième que reçoit la SETHY —, les Québécois sont de plus en plus sensibles à l’importance de protéger les milieux humides. Selon une étude réalisée par la Chaire de recherche du Canada en économie écologique de l’Université du Québec en Outaouais, 83 % des Québécois se disent préoccupés par la perte de ces milieux et 84 % estiment que le gouvernement du Québec devrait en faire plus pour les protéger.

Depuis l’adoption de la Loi concernant la conservation des milieux humides et hydriques, en 2017, 11,9 km⁠2 de milieux humides ont été détruits au Québec en échange de compensations totalisant 75 millions de dollars.

D’où l’importance du geste de M. Chabot qui, espère Frédérick Chir, sera une bougie d’allumage pour d’autres propriétaires de la tourbière Saint-Charles.

« Peut-être qu’on sera deux, puis trois, puis quatre et que ça fera quelque chose de bien, espère Guy Chabot. J’espère voir ça avant de mourir. »

Lisez « Les Québécois prêts à débourser 280 millions pour protéger les milieux humides »

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