Il y a près de 20 ans émergeait la première vague de spas nordiques au Québec. Depuis, la province est devenue un chef de file en la matière. Des équipes d’ici dont on vient chercher l’expertise de partout en Amérique du Nord œuvrent à la conception de ces lieux où tout est mis en œuvre dans les moindres détails pour notre confort et notre mieux-être.

Vous fermez le moteur de votre voiture. Déjà, en empruntant le chemin qui vous conduit au spa, un premier soupir de détente émane de votre personne. La stratégie mise en place pour faire en sorte que vous décrochiez est opérationnelle.

« L’espace-temps est dilaté dès les premières minutes. À l’arrivée, on est déjà appelés à se connecter à la nature », explique l’architecte Pierre Thibault, qui a conçu les derniers agrandissements du spa La Source, à Rawdon, où 80 marches sur plus de sept étages conduisent au bâtiment. Cette zone tampon permet une première coupure avec le quotidien.

L’expérience se poursuit à la réception où une berceuse sensorielle et un point de vue sur les beautés du site annoncent le parcours à venir. Le client, mis en confiance, pourra ensuite laisser ses tracas au vestiaire pour mieux poursuivre dans un environnement conçu pour son évasion.

PHOTO FOURNIE PAR LA SOURCE BAINS NORDIQUES

Construit à flanc de montagne, La Source mise sur son décor naturel de roc et de forêt.

Fabriquer la détente

« Je dis toujours à la blague qu’un spa, c’est un Disneyland pour adultes », lance Pierre Mierski, de la firme Lemaymichaud qui, depuis 10 ans, a travaillé sur une douzaine de spas au Québec et ailleurs, dont les quatre Strøm et le Nordik de Chelsea. « Vous pouvez prendre un bain chaud chez vous et relaxer. Dans un spa, on veut créer un environnement unique où chacun trouve une forme de bien-être à sa façon. »

La nature est intimement liée à cette opération détente. À défaut de travailler à partir d’un site exceptionnel, on amènera des éléments naturels dans l’écosystème créé.

S’il pleut, je veux qu’on la vive, cette pluie, mais dans le confort. Dans un spa, on joue constamment sur l’interstice entre le dehors et l’intérieur, le chaud et le froid, l’intimité et l’espace.

Pierre Mierski, architecte de la firme Lemaymichaud

Accosté en milieu urbain, l’ancien bateau-théâtre du Bota Bota offre des points de vue spectaculaires sur le centre-ville, le Vieux-Port et le fleuve. « Dans ce genre de projet, l’architecture devient une machine à voir », décrit Jean Pelland, de Sid Lee architecture, qui a travaillé à la conception de l’établissement sous le chapeau de la firme Nomade. « Une grande partie du bien-être vient du fait d’être en contact avec un environnement unique. »

Cette porosité avec l’environnement permet non seulement la contemplation, mais aussi l’orientation des regards vers l’extérieur plutôt que vers l’autre. Générer l’impression que chacun est seul au monde sur un site accueillant 300 personnes est un exercice réfléchi avec minutie.

PHOTO MORGANE CHOQUER, LA PRESSE

Installations du Bota Bota, spa sur l’eau

Le cocon dans ses détails

La notion d’intimité est un aspect incontournable de la conception d’un spa. « Quand un client entre dans une pièce, il doit avoir l’impression d’être le premier à y mettre le pied », souligne le copropriétaire de La Source, Patrice Lalancette.

Rien ne doit être vibrant ou criard dans cette bulle enveloppante, relève Pierre Thibault « Pas de source de stress et d’agitation pour les sens. »

  • Un couloir partiellement immergé permet de circuler d’un bâtiment à l’autre au Strøm de Québec.

    PHOTO ADRIEN WILLIAMS, FOURNIE PAR LA FIRME LEMAYMICHAUD

    Un couloir partiellement immergé permet de circuler d’un bâtiment à l’autre au Strøm de Québec.

  • Le Strøm du mont Saint-Hilaire s’arrime à son cadre champêtre.

    PHOTO ADRIEN WILLIAMS, FOURNIE PAR LA FIRME LEMAYMICHAUD

    Le Strøm du mont Saint-Hilaire s’arrime à son cadre champêtre.

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Les spas sont des « bibittes complexes », des « machines à part », dépeignent encore leurs créateurs. Environ 40 % du spa est visible au public, selon Pierre Mierski. Le reste se déroule en coulisses où s’activent bon nombre d’employés. « On prévoit des portes secrètes et des corridors cachés. Il y a toujours cette double circulation pour que le côté bucolique de l’expérience ne soit jamais brimé. »

Le lien entre nature, bien-être et écologie peut par ailleurs être trompeur. La consommation énergétique des spas est particulièrement élevée. La recherche pour améliorer cet aspect avec des énergies moins polluantes ou y pallier avec une valeur ajoutée — le recyclage d’un bâtiment ou la préservation du site, par exemple — est constante.

À ces défis s’ajoute un contexte particulièrement rude, notamment pour les matériaux soumis à une humidité et des écarts de température extrêmes. « Au Québec, on a probablement le pire climat pour concevoir des spas. Quand on a un projet en Arizona, on est morts de rire ! », souligne Pierre Mierski en évoquant l’expertise acquise par les artisans d’ici au fil des années dans ces conditions difficiles.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Le Spa Balnea, ouvert en 2005

Trouver l’unicité

« Quand j’ai commencé, il y avait peu de compétition. Il faut maintenant se démarquer », soutient Denis Laframboise, dont le Balnéa fut parmi les premiers à proposer l’expérience scandinave. Le spa de Bromont annonçait récemment un investissement de 10 millions dans la réfection de ses installations. Il souhaite en outre s’afficher comme destination multiactivités écoresponsable avec une plus grande capacité d’hébergement, l’ajout d’une microferme, de serres et de jardins.

Pour rehausser l’offre auprès d’une clientèle de plus en plus exigeante, la restauration devient un incontournable, tout comme l’offre de soins : deux volets par ailleurs particulièrement lucratifs.

On ne peut plus être aussi monolithiques qu’on a pu l’être à l’époque où on a conçu nos premiers spas.

Jean Pelland, de Sid Lee architecture

Bien des surprises sont toutefois à prévoir. On trouve ici des spas comme nulle part ailleurs, avec des formules de jour et des sites exceptionnels. « Ce qu’on voit au Québec demeure toutefois la pointe de l’iceberg de ce qui se fait en Europe, relève Pierre Mierski. Des spas commencent à importer des expériences d’ailleurs. C’est une planète de possibilités ! »