Paris illumine sa tour Eiffel. Tokyo, son Skytree. Le rose colore aussi l’automne au Québec, notamment à Montréal, et surtout dans la capitale nationale qui brille d’un éclat émouvant durant le mois associé au cancer du sein.

C’est lors d’un passage à Chicago en octobre 2010 que l’actuelle présidente du Conseil du statut de la femme, alors membre du Conseil d’administration du CHU de Québec, a eu l’idée lumineuse d’habiller Québec d’un voile rose pour la cause. À son retour, Louise Cordeau a joué de ses contacts et convaincu le maire de l’époque, Régis Labeaume, de revoir sa ville sous un autre éclairage.

La première année, 29 édifices se sont illuminés dans le cadre de Québec, ville en rose. Dix ans plus tard, près de 80. « C’est un acte de sensibilisation très important à Québec. Ailleurs, ce sont souvent un ou deux édifices qui s’illuminent pendant 24 ou 48 heures. Ici, plusieurs le font pendant tout le mois d’octobre », relève l’instigatrice du mouvement, tout en convenant de sa partialité : « À ma connaissance, aucune autre ville n’est aussi dynamique sur ce plan. »

PHOTO FOURNIE PAR LOUISE CORDEAU

Louise Cordeau, présidente du Conseil du statut de la femme

Dans les premières années, l’initiative n’a pas échappé aux détracteurs du marketing associé au cancer du sein, qualifié de pinkwashing. Aucune vente d’objet n’est associée à l’évènement, souligne toutefois Louise Cordeau. Ceux qui éclairent leur édifice le font à leurs frais. Certains donnent en parallèle pour la cause, d’autres non.

Sans impact mesurable, à quoi ça sert de teinter l’espace urbain, peut-on se demander.

Ça réchauffe l’atmosphère, ça enjolive la ville, ça donne beaucoup de beauté. C’est un évènement inspirant.

Louise Cordeau, présidente du Conseil du statut de la femme

Et cette beauté réside aussi dans sa symbolique : éclairer est un geste de soutien et de solidarité, un rappel que le cancer du sein fait des victimes tout autour de nous.

Concrètement, 1,3 million de dollars ont pu être récoltés depuis qu’une campagne de financement, « Les porteurs de lumière », s’est greffée au mouvement d’illumination. La totalité de la somme a été versée au Centre des maladies du sein du CHU de Québec pour la recherche et l’achat d’équipement de pointe, notamment des appareils qui permettent de détecter le cancer du sein à un stade plus précoce afin d’éviter des biopsies et des interventions invasives, ou encore des casques réfrigérants qui, pour certains types de cancers du sein, permettent à celles qui le tolèrent de ne pas perdre leurs cheveux durant leur traitement, décrit la présidente et chef de la direction de la fondation du CHU de Québec, Marie-Claude Paré. « Nous, on dit toujours qu’on est là pour le plus, pour ce que l’hôpital et le gouvernement n’ont pas les moyens d’offrir. »

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Le Palais Montcalm, à Québec, l’un des 45 édifices arborant le rose dans la capitale nationale cette année

Faire la lumière sur le cancer du sein

Alimenter le mouvement a été plus dur ces dernières années, constate-t-on au CHU de Québec. On observe également des réponses inégales au fil des ans à la Fondation du cancer du sein du Québec, qui sollicite chaque année différentes entreprises et divers partenaires afin d’éclairer la cause. « C’est normal qu’une campagne s’essouffle un peu avant de revenir », estime la présidente-directrice générale de l’organisme, Karine-Iseult Ippersiel.

Aux hauts et aux bas de la philanthropie s’ajoutent toutefois d’autres facteurs, dit-elle, dont une impression que les cancers du sein sont de ceux dont on se rétablit facilement. « Les gens ont l’impression qu’ils ont donné, que c’est réglé. Ce n’est pas le cas. Les statistiques sont encore choquantes. »

Montréal illuminé
  • Le Stade olympique s’est mis au rose cette année aussi.

    PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

    Le Stade olympique s’est mis au rose cette année aussi.

  • Cette statue du square Dorchester, l’un des monuments et édifices emblématiques de Montréal, se sont illuminés à l’occasion des 25 ans de la Fondation québécoise du cancer du sein, en 2019.

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

    Cette statue du square Dorchester, l’un des monuments et édifices emblématiques de Montréal, se sont illuminés à l’occasion des 25 ans de la Fondation québécoise du cancer du sein, en 2019.

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Avec sa nouvelle campagne lancée cette semaine, la Fondation du cancer du sein du Québec souhaite actualiser les perceptions, entre autres celle que le cancer du sein s’en prend aux plus de 50 ans.

Les femmes plus jeunes ont souvent l’impression que ça ne les touche pas. Elles attendent avant de se faire dépister, ce qui fait que lorsqu’on découvre un cancer, il est souvent à un état plus agressif. Une rééducation s’impose.

Karine-Iseult Ippersiel, présidente-directrice générale de la Fondation du cancer du sein du Québec

Depuis deux ans, la fondation vend des ampoules roses qu’on peut se procurer sur sa boutique en ligne afin de prendre part au mouvement d’éclairage architectural, en illuminant une fenêtre, un balcon, un perron… « Je comprends qu’on puisse se demander à quoi ça sert si ça ne donne rien directement. Pour moi, toutes les campagnes qui peuvent servir à allumer sur le cancer du sein et sur le fait qu’il faut se faire dépister sont importantes. »

Rose et mois d’octobre égale cancer du sein égale dépistage et soutien à la cause : c’est l’équation que souhaite provoquer ce mouvement de rose dans l’urbanité.

« Ce qu’on veut, c’est que les femmes prennent soin de leur corps et qu’elles réagissent, pointe Karine-Iseult Ippersiel : vous avez le droit d’exiger une investigation et vous savez mieux que quiconque quand il y a un changement entre la clavicule, les aisselles et le sein, que ce soit une différence de grosseur ou de forme, une peau d’orange, un écoulement, un sein chaud, un mamelon inversé. Il y a plusieurs autres symptômes que des bosses. »

En savoir plus
  • 1 Québécoise sur 8 reçoit un diagnostic de cancer du sein au cours de sa vie. De ce nombre, 1 femme sur 32 en meurt.
    Fondation du cancer du sein du Québec
    En 2022, au Québec, on estime à 6900 le nombre de femmes qui recevront un diagnostic de cancer du sein et à 1350 le nombre de femmes qui en mourront.
    Fondation du cancer du sein du Québec