Les araignées ont mauvaise presse. Littéralement. La moitié du temps, les médias colportent des faussetés à leur sujet et les articles sont souvent sensationnalistes.

C’est ce que montre une vaste étude internationale, publiée dans Current Biology Magazine, à laquelle a participé André-Philippe Drapeau Picard, préposé aux renseignements entomologiques à l’Insectarium de Montréal.

« J’ai fait partie des nombreux auteurs dans le monde qui ont examiné les articles parus dans les médias au sujet des araignées, indique-t-il. Je l’ai fait pour le Canada francophone. »

Les participants ont examiné ce qui avait été publié sur les araignées entre 2010 et 2020 en utilisant une grille d’analyse pour identifier différents types d’erreurs et pour déterminer s’il y avait sensationnalisme.

Sur les 5348 articles répertoriés, 47 % contenaient des erreurs et 43 % étaient sensationnalistes.

André-Philippe Drapeau Picard, préposé aux renseignements entomologiques à l’Insectarium de Montréal

M. Drapeau Picard précise que les proportions étaient semblables dans les publications du Canada francophone.

Selon l’étude, le pourcentage d’articles sensationnaliste est plus élevé dans les médiaux nationaux et internationaux que dans les médias régionaux.

PHOTO LAURENT DESAULNIERS, FOURNIE PAR L’INSECTARIUM DE MONTRÉAL

Une Cheiracanthium mildei

Or, selon l’étude, plus un article est sensationnaliste, plus il a de chances de contenir des erreurs.

Il y a moins de sensationnalisme et d’erreurs lorsqu’un expert est consulté. Mais attention, pas n’importe quelle sorte d’expert : un spécialiste des araignées. Les médecins ou les exterminateurs ne fournissent pas nécessairement des renseignements exacts sur leur identification ou sur leurs morsures.

Deux hypothèses

Les auteurs insistent sur l’importance de fournir des informations exactes, qui ne diabolisent pas les araignées. En effet, les faux renseignements amènent les personnes et les établissements à dépenser de fortes sommes pour se débarrasser de bestioles inoffensives.

Mais justement, pourquoi sont-elles à ce point mal-aimées ? Pourquoi y a-t-il tant d’arachnophobes ?

« Il y a deux principales hypothèses, affirme M. Drapeau Picard. Selon l’une d’elles, ce serait quelque chose d’inné, d’origine évolutive : nos ancêtres ont appris à avoir peur des araignées pour éviter les morsures potentiellement dangereuses. »

Le problème avec cette hypothèse, c’est que les araignées sont rarement dangereuses.

Sur les 50 000 espèces connues dans le monde, seulement 250 représentent un réel danger pour les humains, et encore, ce n’est pas un danger de mort. Il y a un très petit nombre dont le venin est mortel. Les autres, ça peut envoyer un humain à l’hôpital, il va passer un mauvais quart d’heure, mais il va s’en sortir.

André-Philippe Drapeau Picard, préposé aux renseignements entomologiques à l’Insectarium de Montréal

Pour se rassurer, sur les 700 espèces qu’on retrouve au Québec, aucune ne représente un réel danger pour les humains.

Ce qui est particulièrement intéressant, c’est que dans les régions où l’humanité s’est développée, l’Afrique, le Moyen-Orient, il n’y a pas vraiment d’araignées dangereuses. « Ça fait dire à certains chercheurs que l’hypothèse évolutive ne tient pas la route », observe M. Drapeau Picard.

Il se pourrait que les humains aient d’abord développé une peur du scorpion, un cousin de l’araignée. Il y a justement des scorpions qui peuvent être très dangereux en Afrique et au Moyen-Orient. « L’humanité aurait d’abord eu peur des scorpions et cette peur aurait été transférée aux araignées », indique M. Drapeau Picard.

Selon l’autre grande hypothèse, la peur des araignées serait davantage liée à la culture. « Ce serait acquis, transmis par nos parents, par la littérature, par le cinéma, par les médias. »

M. Drapeau Picard note que ces deux grandes hypothèses ne sont pas mutuellement exclusives. « Il y a une interaction entre la perception que les gens ont et la perception qu’en ont les médias parce que les journalistes sont aussi des humains. Et les médias peuvent se servir de la peur des gens pour aller chercher des clics ou de la pub. »

Il aimerait bien que les gens apprécient les araignées davantage. Si certaines mordent, c’est essentiellement par peur ou pour se sortir d’un mauvais pas. « Mon père s’est fait mordre par une araignée qui était entrée dans un t-shirt qu’il avait mis à sécher sur la galerie. L’araignée s’est sentie prise au piège. »

Apprendre à apprécier les araignées

M. Drapeau Picard soutient que les araignées ont une grande utilité. « Ce sont des alliées, en agriculture par exemple, étant donné qu’elles mangent beaucoup d’insectes ravageurs. » À l’intérieur des maisons, elles mangent aussi de petits insectes désagréables comme les mouches à fruits.

PHOTO ANDRÉ-PHILIPPE DRAPEAU PICARD, FOURNIE PAR L’INSECTARIUM DE MONTRÉAL

Les araignées sont de grandes gourmandes.

Les araignées demeurent quand même méconnues. « Il y a moins de recherche à leur sujet que les papillons, par exemple, qui sont plus charismatiques. »

M. Drapeau Picard rappelle qu’il existe différentes approches thérapeutiques qui peuvent désensibiliser les gens qui les craignent — la réalité virtuelle, par exemple. Et même l’écoute de films.

« Il y a une étude qui montre que les gens qui sont arachnophobes le sont un peu moins après avoir écouté Spiderman. »

Consultez l’étude sur la désinformation sur les araignées (en anglais)
En savoir plus
  • Voraces
    Les araignées mangent de 400 à 800 millions de tonnes de nourriture par année à l’échelle mondiale.
    source : Insectarium de Montréal