Une fois par mois, La Presse, inspirée par le « Questionnaire de Socrate » du magazine Philosophie, interroge une personnalité sur les grandes questions de la vie. Ce dimanche, la journaliste et animatrice Marie-Louise Arsenault, qu’on peut écouter ces jours-ci dans deux séries d’été (Le pouvoir des mots et Passion politique), avant le retour de Tout peut arriver (ICI Première) et Dans les médias (Télé-Québec), cet automne, répond à nos questions.

Qui suis-je ?

Malgré une certaine expérience de vie, c’est encore difficile pour moi de répondre à cette question. Je suis un être en mouvement, constamment interpellée par ce que j’apprends de moi-même au contact des autres. J’essaie de ne pas fixer ce que je suis, ce que je ressens, ce que je pense, je tente de rester ouverte, souple. J’ai passé une bonne partie de ma vie à lire et à écouter la parole des autres. Je suis une éponge.

Que retenez-vous de votre éducation ?

Que l’on continue, si on reste humble et ouvert, à apprendre toute sa vie.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Marie-Louise Arsenault

Sommes-nous libres ?

Autant que nous le désirons, si on a la volonté d’éviter les idées reçues, les dogmes et les conventions. On peut toujours être libre si on a eu la chance d’avoir été éduqué à penser par soi-même. Des écrivains qui ont été emprisonnés et qui ont continué à écrire dans leur cellule, comme le Malien Seydou Badian Kouyaté ou le Kényan Ngugi wa Thiong’o, en sont la preuve. Ils ont toute mon admiration.

La chose la plus surprenante que vous avez faite par amour ?

J’ai aimé.

Un auteur ou un philosophe qui vous accompagne depuis longtemps ?

La philosophe allemande Hannah Arendt, que je lis par morceaux, car elle a une écriture assez aride. Son exploration des rouages du fascisme est très actuelle, alors que les idées d’extrême droite gagnent du terrain partout en Occident. Dans Les origines du totalitarisme (1945-1949), elle écrit : « Pour s’implanter, le totalitarisme a besoin d’individus isolés et déculturés, déracinés des rapports sociaux organiques, atomisés socialement et poussés à un égoïsme extrême. » J’aime bien Spinoza aussi, qui affirme qu’il n’y a de joie que dans le moment présent, dans la qualité de la présence.

Votre démon ?

J’ai très peur de la mort, de la mienne et de celle des êtres que j’aime. Je la connais bien pourtant, ayant perdu mon père à l’âge de 15 ans. Depuis ce temps, je pense à la mort tous les jours.

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, ARCHIVES LA PRESSE

Marie-Louise Arsenault

Le lieu parfait pour créer ou rêver ?

Nager dans un lac du Québec, en juillet.

Un avantage d’être égoïste ?

C’est un miroir attirant à court terme, dans la splendeur de la jeunesse, car ça donne l’illusion d’être puissant, d’être autosuffisant, d’avancer plus vite. Mais sur la durée d’une vie, je n’en vois pas. On finit seul et aigri lorsqu’on est égoïste.

Une idée que vous défendriez contre tout ?

L’éducation et le savoir sont les seules façons d’être libre.

Un rêve (ou cauchemar) récurrent ?

Je rêve que je dois jouer d’un instrument de musique (souvent de la trompette, mon instrument préféré) lors d’un concert. Je sais très bien que je ne sais pas en jouer, mais tout m’y oblige. Le concert, évidemment raté, est une grande humiliation.

Quel autre métier auriez-vous voulu faire ?

Athlète. J’aurais aimé maîtriser un sport, aller au bout de moi-même, avoir le sens de la compétition. Être puissante et agile physiquement.

Ce qui vous indigne dans la vie ?

Le manque d’amour et de compassion. Que la valeur suprême soit l’argent. Que des milliardaires cupides et assoiffés décident du sort de l’humanité en toute impunité, ne payant pas d’impôt, allant au-delà du pouvoir des États, soutenant des guerres, aggravant le sort précaire de la planète par la destruction des milieux naturels et l’asservissement des populations. Que des gens soutiennent des idées dangereuses (qui plaisent parce qu’elles sont des réponses faciles à des situations accablantes comme la pauvreté et la misère intellectuelle), pour la seule soif du pouvoir.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Marie-Louise Arsenault

Complétez la phrase : Si Dieu existe… 

… il se cache dans la beauté d’une forêt, le matin.