Notre journaliste se balade dans le Grand Montréal pour parler de gens, d’évènements ou de lieux qui font battre le cœur de leur quartier.

« C’est la brousse, mais les pois sont prêts à récolter », lance Marie-Claire à ses camarades.

Après avoir désherbé les plants de carottes, c’est le temps de prendre soin des pois verts. Les oiseaux gazouillent alors que le soleil plombe sur le champ. De quoi donner envie d’aller se baigner dans le lac pas très loin.

« Ici, ce n’est pas un coin de Montréal comme les autres. C’est la campagne », souligne – devant notre regard ébahi par le décor rural – celui qui supervise les opérations, Noah Fisher.

Il est en effet difficile de croire qu’une telle enclave bucolique existe tout près de l’autoroute 40.

Nous sommes à Senneville, à l’extrémité ouest de l’île de Montréal, devant le lac des Deux Montagnes et près du parc-nature du Cap–Saint-Jacques.

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Vue aérienne de Senneville.

On retrouve des manoirs somptueux au bord de l’eau, mais aussi quelques terres agricoles, dont celle de la ferme du Roulant, qui accueille trois matins par semaine des bénévoles du Santropol roulant, un organisme qui fournit des repas à domicile à des gens en perte d’autonomie.

Mercredi dernier, Tristian Lee en était à sa première visite à la ferme après avoir fait du bénévolat sur le toit vert de l’organisme. « Ça fait du bien d’avoir les deux mains dans la terre ici », nous a dit le doctorant à l’Université du Wisconsin en sociologie environnementale, qui a voulu passer l’été à Montréal pour mieux connaître ses projets d’agriculture urbaine. « Montréal est un chef de file », assure par ailleurs celui qui plaide pour un plus grand accès à la nature pour tous.

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Tristian Lee

Pour sa part, Marie-Claire Hevor est une bénévole fidèle depuis le début de la saison. Pour l’employée de la Ville de Montréal, ce n’est pas du bénévolat, mais des vacances. Son gestionnaire a accepté de lui donner une journée de congé par semaine pour qu’elle puisse assouvir une envie profonde.

« J’ai ressenti l’appel de la terre. J’en avais besoin », confie celle qui a passé son enfance sur la ferme de ses grands-parents au Togo.

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Marie-Claire Hevor, bénévole à la ferme du Roulant

J’ai fait des recherches sur l’internet et je suis tombée sur le Santropol. Ça répondait parfaitement à ce que je cherchais. Pour moi, c’est une passion de cultiver la terre. C’est indescriptible comme c’est bienfaisant. Je me sens tout simplement bien.

Marie-Claire Hevor, bénévole à la ferme du Roulant

Alors qu’on parle de plus en plus des bienfaits de la nature pour le corps et l’esprit, et de l’accès de plus en plus limité à la terre, c’est réjouissant de savoir que quiconque peut faire du bénévolat à la ferme du Roulant. Il faut savoir que les tâches sont adaptées aux capacités de chacun et qu’il y a un système de covoiturage pour s’y rendre.

Du Plateau à Senneville

Le Santropol roulant a été fondé en 1995 par deux anciens serveurs du Café Santropol.

De repas servis à domicile à une cliente fidèle qui s’était fracturé la hanche est née l’idée de nourrir des gens à mobilité réduite. Dans une perspective d’inclusion sociale, Christopher Godsall et Keith Fitzpatrick y voyaient aussi l’occasion de fournir du travail à des jeunes.

Devenu une figure de proue importante du milieu communautaire de Montréal, le Santropol roulant – qui n’a plus de lien avec le café – occupe depuis 2010 un immeuble qui lui appartient rue Roy. Lors de notre visite, la veille de celle sur la ferme, les bénévoles de la cuisine préparaient du saumon citron et aneth, soit le plat du jour, alors que d’autres butinaient sur les jardins situés sur le toit.

  • Melanie Godel, coordonnatrice des collectes de fonds et des communications à l’organisme Santropol roulant

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    Melanie Godel, coordonnatrice des collectes de fonds et des communications à l’organisme Santropol roulant

  • L’organisme, qui est propriétaire de son propre édifice rue Roy, sur le Plateau Mont-Royal, livre plus de 100 repas chauds du lundi au vendredi.

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    L’organisme, qui est propriétaire de son propre édifice rue Roy, sur le Plateau Mont-Royal, livre plus de 100 repas chauds du lundi au vendredi.

  • En plus de sa ferme, l’organisme a des jardins urbains sur son toit qui donne une belle vue sur la mrurale de Leonard Cohen.

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    En plus de sa ferme, l’organisme a des jardins urbains sur son toit qui donne une belle vue sur la mrurale de Leonard Cohen.

  • Le Santropol roulant, c’est quelque 1500 bénévoles par année pour toutes les activités de l’organisme.

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    Le Santropol roulant, c’est quelque 1500 bénévoles par année pour toutes les activités de l’organisme.

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C’est depuis 2012 que l’organisme peut compter sur sa petite terre agricole de Senneville, grâce à un bail de 25 ans conclu avec des membres de la célèbre famille anglophone Morgan, à qui l’on doit l’Arboretum Morgan de l’Université McGill, la réserve forestière voisine de 245 hectares.

Non seulement la ferme permet au Santropol roulant de renforcer son cycle d’approvisionnement local, mais cela favorise l’éducation sur la sécurité alimentaire. « Il reste juste 4 % de terres agricoles à Montréal », souligne Melanie Godel, coordonnatrice des collectes de fonds et des communications. « On reste la seule popote roulante au Canada qui cultive ses propres légumes. »

Mardi dernier, des enfants d’un camp de jour visitaient la ferme du Roulant. Le 4 août, le grand public est convié à une journée de récolte d’ail. Ce sont de belles occasions de découvrir et d’admirer Senneville, un « village » de huit kilomètres carrés et de 1000 habitants qui fait néanmoins partie des 82 municipalités de la Communauté métropolitaine de Montréal.

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Senneville est prisée par les cyclistes.

À une autre époque, les Montréalais les plus fortunés venaient se réfugier dans leurs maisons de campagne conçues par des architectes de renom comme les frères Edward et William S. Maxwell (à qui l’on doit le Musée des beaux-arts de Montréal et la tour centrale du Château Frontenac).

Soulignons que c’est dans une ferme de Senneville, Le Souffle de vie, que l’on retrouve le seul vignoble de l’île de Montréal.

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Natan Sakajiri, Emerson Koly et Erich Bruening

Grâce au Santropol roulant, tous peuvent avoir un accès privilégié au décor bucolique de Senneville, où la population demeure (très bien) nantie.

Le bénévolat à la ferme permet d’avoir les deux mains dans la terre, mais aussi de rencontrer des gens de tous les profils : des étudiants, des retraités, des pouces verts et même des jeunes qui doivent faire des travaux communautaires. À la fin du quart de bénévolat auquel nous avons participé, tous ont lunché ensemble sous un arbre.

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Le lunch après le quart de bénévolat

« C’est le pouvoir rassembleur de la nourriture », dit Melanie Godel.

Et le pouvoir du milieu communautaire, ajouterait-on.