Match Group, la société mère de Tinder, entend remettre au goût du jour la populaire appli de rencontres afin qu’elle réponde davantage aux attentes de sa nouvelle cible, la Gen Z. Au programme : un abonnement haut de gamme à près de 500 $ par mois, Tinder Vault, et de nouvelles fonctionnalités dérivées de l’intelligence artificielle. À l’aune de ces changements, comment envisager l’avenir du dating numérique ?

Dès l’automne, l’abonnement payant Tinder Vault devrait s’ajouter à ceux déjà offerts par l’application Tinder. Il offrira des services exclusifs qui permettront aux membres d’« obtenir des matchs de meilleure qualité plus rapidement, tout en rendant leur expérience plus amusante », selon Bernard Kim, PDG de l’entreprise. Une version bêta a déjà été testée par une poignée d’utilisateurs et d’utilisatrices et a connu du succès auprès de la tranche d’âge ciblée : 70 % des cobayes favorables à l’offre exclusive avaient moins de 30 ans.

Cette nouvelle proposition émerge dans la foulée de ce que certains appellent l’« économie de l’abonnement ».

De plus en plus d’applications gratuites misent désormais sur les abonnements payants pour maximiser leurs profits. X (Twitter) et Instagram permettent par exemple ce type de services à valeur ajoutée, notamment à travers leur programme de vérification monétisé, qui promet à leurs membres d’accroître la visibilité et la portée de leur présence en ligne.

Si le prix de Tinder Vault peut en faire sourciller plus d’un, il est pourtant en phase avec celui d’autres services de dating élitistes, comme The League, une appli que Match Group a acquise en juillet 2022. Au sein de cette ligue de célibataires privilégiés, un abonnement peut friser les 400 $US… par semaine.

Discrimination tarifaire ?

Si l’amour n’a pas de prix, cette multiplication de suppléments de luxe devrait tous nous inquiéter, dans la mesure où les applications de rencontre structurent désormais pour le meilleur et pour le pire nos vies amoureuses. Ce type de suppléments (pas abordables pour la plupart du monde) profite aux riches et les avantage dans la course à la séduction, en leur proposant notamment de meilleurs choix et en rendant leur profil plus visible, donc plus découvrable. Inversement, l’horizon romantique des moins fortunés pourrait se rétrécir à mesure que les algorithmes les déclassent pour privilégier les membres payants. Il n’est pas loin le jour où notre âme sœur sera verrouillée sous un paywall !

Un boost à saveur d’intelligence artificielle

Puisque la seule mention du terme « intelligence artificielle » suffit à couvrir d’un vernis d’innovation toute activité, Tinder a aussi annoncé vouloir profiter des plus récentes technologies en matière d’IA pour mitiger les désagréments encourus avec l’appli. La société espère par exemple limiter le stress des utilisateurs et utilisatrices contraints de choisir leurs six meilleures photos pour construire un profil attrayant. Elle veut mettre à leur disposition un outil d’intelligence artificielle qui sélectionnera pour eux les clichés qui ont le potentiel de maximiser leurs matchs.

Une IA générative à la ChatGPT proposant aux utilisateurs et utilisatrices de rédiger des bios personnalisées à leur place est déjà au banc d’essai au Canada et aux États-Unis.

En facilitant le processus de création de profil, ces fonctionnalités valorisent l’efficacité. Mais en nous permettant de déléguer des tâches moins agréables à une machine, elles traitent aussi la quête amoureuse comme un travail et explicitent le côté laborieux de l’expérience Tinder. Pas étonnant qu’on parle aujourd’hui de dating burnout.

L’architecture des applis

Si les rencontres elles-mêmes peuvent conduire à une forme d’épuisement, j’ai toujours trouvé pénible de rédiger mon profil sur une appli. Cette procédure s’apparente au remplissage d’un questionnaire et nous force à faire rentrer dans des cases une identité multiple et complexe. Sur Tinder, les passions censées nous définir sont ainsi prédéterminées, par exemple, « les montagnes », « le vin » ou encore « Harry Potter ». Cette standardisation semble pourtant le prix à payer pour que notre identité soit algorithmiquement lisible et qu’elle circule avec aisance sur la plateforme.

Quant à savoir si l’IA et l’avènement d’un abonnement luxueux vont vraiment contribuer à rendre l’expérience plus intéressante, cela reste à voir. Le vent de fraîcheur qui souffle sur l’appli n’assure en rien l’avenir du géant numérique, mais signale plutôt un écosystème de plus en plus compétitif. Alors que l’offre se diversifie et que les attentes du public changent, l’entreprise doit se renouveler.

En fait, c’est peut-être l’architecture même des applis de rencontre qui devra être repensée. La plupart de celles sur le marché partagent le même format : un profil avec des photos. Mais la présentation de soi aux autres n’est pas obligée d’adopter ce modèle prescriptif. Snack, une nouvelle appli de rencontres conçue pour la Gen Z, propose quant à elle aux utilisateurs et utilisatrices de se présenter en partageant des mèmes et des vidéos, sans qu’ils aient à rédiger de bio ! Quand les utilisateurs et utilisatrices balaient par inadvertance leur écran, un message d’erreur s’affiche : « Swiping is old af » (« Swiper, c’est vraiment dépassé »).