Un peu comme la bienveillance, on parle beaucoup de résilience. Dans son livre Ces épreuves qui nous façonnent, la psychoéducatrice Sabrina Poulin définit ce concept, donne des exemples concrets et raconte les histoires de personnalités comme Jean-Marie Lapointe, Josée Boudreault et Florence K qui ont surmonté de dures épreuves. Entrevue.

On entend le mot résilience partout, dans toutes les sphères de nos vies, dans le sport, la culture, la politique, la famille. Mais pourquoi utilise-t-on le mot résilience tout le temps ?

C’est un concept mal défini. Il n’y a pas de définition universelle de la résilience, c’est un terme qui peut être utilisé dans toutes sortes de domaines, que soit la psychologie, la physique, l’ingénierie, l’économie, l’informatique, et les définitions peuvent être différentes. Par exemple, en ingénierie, on parle de résilience en référence à certains matériaux qui résistent au choc sans se rompre. En économie, on parle de plan de résilience après une crise financière. Comme on utilise tout le temps le mot résilience, il y a une injonction à la résilience, comme si tout le monde devait être résilient, comme s’il fallait glorifier l’épreuve, ce qui peut ajouter une pression sur les épaules de ceux qui souffrent et qui traversent une épreuve.

Alors, justement, qu’est-ce que la résilience ?

Si on s’appuie sur des études, une personne résiliente a été exposée à une situation perçue comme menaçante pour son intégrité physique ou psychologique. C’est la capacité d’affronter l’adversité. La résilience, c’est d’avoir été capable de s’adapter positivement aux contextes de risque ou de vulnérabilité et d’avoir récupéré son niveau de fonctionnement ou de bien-être d’avant la crise. La résilience peut aller au-delà de la simple capacité d’adaptation et de résistances aux coups durs, car certaines personnes deviennent plus fortes et plus sages grâce à leurs expériences difficiles.

PHOTO JULIA MAROIS, FOURNIE PAR LES ÉDITIONS ÉDITO

Sabrina Poulin

Il peut donc y avoir un « avant » et un « après » le choc ?

Oui. Très souvent, après avoir traversé une dure épreuve, que ce soit un deuil, une maladie grave, un accident, une séparation, une dépression, une faillite personnelle ou un épuisement professionnel, on n’est plus la même personne. On a été fragilisé par un évènement tragique, on a fait face à l’adversité, et il y a quelque chose qui va émerger. Il y a un avant et un après quand on vit un choc ou une situation très perturbante. Quelque chose se transforme en nous à jamais. Il y a des gens qui déclarent que leur tragédie les a aidés à mieux apprécier la vie, à se rapprocher de leur famille et de leurs amis, qu’ils ont trouvé un sens plus profond à leur vie. La résilience, ce n’est pas simplement la capacité d’affronter l’adversité, mais aussi d’acquérir quelque chose à travers ce processus et d’y trouver une valeur au passage de l’épreuve. C’est la possibilité de donner un sens à nos souffrances et de faire des changements dans notre vie et d’avoir de nouveaux projets.

Sommes-nous tous résilients ?

Tout le monde peut être résilient, à sa façon. La réaction face au choc varie d’une personne à l’autre. La résilience peut être développée et optimisée grâce à la mise en place d’actions propres à chacun. Il y a notre tempérament, notre personnalité, nos compétences innées qui vont nous aider à traverser les moments difficiles. Il y a aussi l’importance du réseau de soutien qu’on a autour de soi. Il y a aussi les apprentissages qu’on a tirés de ses expériences passées. Il y a également le moment où l’adversité frappe ; si on est dans une période où on est plus fragile, on aura plus de difficulté à être résilient. C’est un ensemble de choses et un concours de circonstances qui vont faire qu’on sera plus ou moins résilient, mais il est vrai qu’il y a des gens qui ont une incroyable capacité à rebondir, à se reconstruire à travers les épreuves.

Extrait de Ces épreuves qui nous façonnent

« J’aime beaucoup la métaphore de l’huître perlière mise de l’avant par Boris Cyrulnik, médecin, neuropsychiatre et psychanalyste, pour illustrer l’idée de ‟merveilleux malheur” qui caractérise si bien la résilience. C’est-à-dire comment on peut transformer des conditions adverses et douloureuses en expérience potentiellement fructueuse ou bénéfique pour soi ou les autres. Lorsqu’un élément extérieur agressant (un grain de sable) se retrouve à l’intérieur des deux coquilles desquelles le mollusque ne peut s’échapper, celui-ci met en place un mécanisme de défense extraordinaire : il sécrète du calcaire autour du corps étranger qui le blesse, le transformant en une magnifique perle. Cyrulnik conclut toutefois cette analogie en précisant (avec un optimisme réaliste) que malgré l’issue favorable, la beauté ou la grande valeur du résultat final, l’huître continuera de porter en elle l’histoire de sa blessure. »

Ces épreuves qui nous façonnent – Comment développer nos facteurs de résilience

Ces épreuves qui nous façonnent – Comment développer nos facteurs de résilience

Édito

320 pages