« Ici, il faut demander et ils sortent ce dont tu as besoin », assure une cliente fidèle, Katrina Bedregal.
« Il y a des petits trésors ici. Ça me fait penser au temps de mes grands-parents », poursuit celle qui vient d’acheter une longue aiguille en métal qui a manifestement du vécu.
Entrer dans la Quincaillerie J.L. Lavoie, c’est faire un voyage dans le temps. Les étagères en bois et les prix des produits écrits à la main nous font sentir comme dans un magasin général. Administré de père en fils depuis trois générations, le commerce existe depuis 102 ans rue Centre, à quelques pas de la station de métro Charlevoix.
« Mon grand-père était vétérinaire. Il soignait les chevaux en arrière dans l’écurie et il a ouvert le commerce comme sideline », raconte Robert Lavoie.
Benoît Lavoie a acheté en 1921 la bâtisse qui rappelle le passé équestre de Pointe-Saint-Charles avec une clôture qui donne sur une cour intérieure. « Pour la grosse somme de 700 dollars », précise son petit-fils.
« Quand j’étais petit, j’habitais en haut. Je descendais et je venais aider mon père, Jean-Louis. Je faisais les livraisons, je plaçais le stock… C’est comme ça que j’ai tout appris. »
La partie « magasin » se résume à une étroite allée centrale. Les rangées devant les murs sur lesquelles reposent d’immenses échelles sont réservées aux employés. C’est sans compter le sous-sol, l’entrepôt derrière et les garages. « Il faut demander et nous, on sait où trouver. »
Ce matin, un client qui venait ici quand il était jeune est parti de Brossard sans m’appeler. Il cherchait des petites pentures pour des portes et il m’a dit : “Je savais que tu en aurais.”
Robert Lavoie
Chaque mètre carré du commerce est pleinement exploité avec des boîtes empilées un peu partout. « Ça ne paraît pas, mais c’est bien de l’ouvrage de tout classer et entreposer ça. Il faut une bonne mémoire pour travailler ici », blague Robert Lavoie.
Réparation et livraison
Il y a quelques années, un grand magasin Dollarama a ouvert pratiquement en face. De la compétition malvenue, étant donné que c’est un secteur commercial plutôt calme, par rapport à la rue Wellington, par exemple. « C’est certain que ça vient chercher de la business, mais ce n’est pas la même qualité », laisse tomber Robert Lavoie.
Et ce n’est pas le même service ! Il faut savoir que la Quincaillerie J.L. Lavoie offre notamment un service de réparation. « On fait un peu de tout. On répare des vitres, des moustiquaires, des aspirateurs, des lampes, même une scie ronde, l’autre fois. On va même à domicile pour des petits calls. »
« En plus, je fais la livraison, renchérit Robert Lavoie. J’ai des clients à Saint-Hyacinthe, à L’Île-Perrot, à Repentigny… »
Vous aurez compris que la quincaillerie n’est pas un travail pour Robert Lavoie : c’est sa vie. « Quand je viens ici le matin, c’est comme si je venais dans mes affaires. J’aime servir des clients, mais c’est certain que je ne compte pas les heures. »
La quincaillerie J.L. Lavoie est spécialisée en peinture et offre un service de couleurs sur mesure. Avant d’épauler son frère Jean-Luc à la quincaillerie puis de prendre le relais, Robert Lavoie a été représentant pour le fabricant FEROX après avoir été gérant tout près dans l’usine de Sherwin-Williams (dont l’édifice historique a été converti en condos).
À l’époque, le service à la clientèle était déjà grandement important pour lui. Il se souvient d’avoir rempli sa voiture de gallons de peinture, un vendredi en fin d’après-midi, pour dépanner un client à Sherbrooke.
L’esprit d’un magasin général
Lors de notre visite, le directeur des ventes du fournisseur d’accessoires de peinture Chidaca, Alexandre Rochette, s’est arrêté sur les lieux pour une commande.
« Existe-t-il encore des quincailleries de quartier d’antan comme J.L. Lavoie ?
— Dans mon réseau, c’est le dernier qui reste avec sa vieille façon de faire », a-t-il répondu.
L’an dernier, un homme a proposé à Robert Lavoie d’acheter sa bâtisse. Il a refusé. Il n’est pas prêt à mettre fin à de loyaux services depuis 102 ans même s’il n’y a pas de relève familiale pour lui succéder.
« Je me sens encore en forme et je ne veux pas prendre ma retraite », dit l’homme qui aurait franchi le cap de la soixantaine selon les taquineries de ses employés.
« J’aime servir des clients », répète-t-il.
Conclusion ? Avant de jeter un objet que vous croyez ne pas pouvoir réparer, allez donc à la Quincaillerie J.L. Lavoie.