La crise climatique provoque des bouleversements voués à prendre de l’ampleur. Comment s’adaptera-t-on au monde qui nous attend ? Si la question vous inquiète, vous faites probablement partie des écoanxieux (yé !). Heureusement, il existe des regroupements pour vous aider à dormir un peu mieux…

« L’écoanxiété n’est pas une maladie, même si elle peut entraîner des souffrances… La vraie pathologie, ce serait le déni ! »

Justin Sirois-Marcil est travailleur social et écothérapeute. C’est-à-dire qu’il offre des rencontres de groupe et des séances individuelles aux personnes qui, comme lui, sont préoccupées par la question écologique. Et on devrait tous l’être, m’explique-t-il d’emblée…

PHOTO VALÉRIE BOIVIN, FOURNIE PAR JUSTIN SIROIS-MARCIL

Justin Sirois-Marcil

L’anxiété ne vient pas nécessairement de la crainte des catastrophes à venir, mais souvent du fait que ceux qui ont les leviers du pouvoir ne font rien. On voudrait que nos gouvernements soient écoanxieux ! Que les propriétaires d’entreprises privées et de multinationales soient écoanxieux !

Justin Sirois-Marcil, travailleur social et écothérapeute

En attendant que ce nouveau mal frappe de plein fouet les hommes et les femmes de pouvoir, Justin Sirois-Marcil s’intéresse aux citoyens qui tentent de composer avec celui-ci. Il est l’un des administrateurs du groupe Facebook Transition écologique et éco-anxiété : groupe de soutien, qui réunit plus de 1800 membres.

Les participants s’y demandent notamment comment trouver un emploi en cohérence avec leurs valeurs, bâtir une maison plus verte, se préparer au futur ou encore vivre avec les deuils et pertes de repères à venir…

De tels lieux d’échanges sont précieux, selon Christina Popescu.

« Il n’y a pas de recette miracle contre l’écoanxiété, m’a expliqué la doctorante en psychologie sociale à l’UQAM, lors d’un entretien. Une des choses qui font du bien, c’est de s’entourer de gens qui pensent comme nous. Entrer dans des espaces avec des personnes qui veulent passer à l’action, ça nous permet d’utiliser la colère de manière positive pour demander des changements. »

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Christina Popescu, doctorante en psychologie sociale à l’UQAM

Parce que l’impuissance hante souvent les écoanxieux. En groupe, elle tend à s’effriter… On réalise qu’il est possible d’espérer et de revendiquer mieux.

Christina Popescu a commencé à travailler sur l’anxiété générée par la peur des changements climatiques en 2017. Principalement parce qu’elle en souffrait elle-même ! Depuis, le terme « écoanxiété » a pris son envol et plusieurs personnes reconnaissent composer avec cet état qui, parfois, devient envahissant.

C’est qu’il peut entraîner de la colère, de la frustration, une perte de motivation envers les tâches quotidiennes, des cauchemars et de l’insomnie, m’explique la doctorante. Puis, nul n’est à l’abri… Bien que, selon la littérature, ce sont surtout les jeunes adultes – dont l’avenir est particulièrement hypothéqué – et les femmes qui vivent avec l’écoanxiété.

Les groupes de soutien leur permettent à tout le moins d’échanger quelques pistes de solution.

« La crise climatique est un problème collectif. On a besoin de savoir qu’on n’est pas seul à le porter sur nos épaules », résume très justement Isabelle Béliveau, directrice générale d’Éco-motion.

La jeune femme a développé de l’écoanxiété lors de ses études en écologie et en environnement. Plus précisément : en découvrant les problèmes systémiques auxquels on fait face et les limites des solutions proposées…

PHOTO MARIE-KIM PICHÉ, FOURNIE PAR ISABELLE BÉLIVEAU

Isabelle Béliveau

« Je trouvais qu’on parlait beaucoup des changements climatiques avec des faits et des statistiques, mais assez peu sous l’angle des émotions qu’ils généraient chez nous ! »

En 2019, elle a donc créé un groupe de discussion pour les étudiants en environnement de l’Université de Sherbrooke. Rapidement, des jeunes d’autres facultés se sont joints aux ateliers.

L’angoisse était plus répandue qu’Isabelle ne le croyait…

Un an plus tard, elle fondait l’organisme Éco-motion, qui rassemble plusieurs professionnels en environnement, en psychologie et en travail social soucieux de trouver des solutions à l’écoanxiété. Depuis, des intervenants du collectif parcourent la province pour animer des discussions de groupe dans les cégeps, universités, entreprises et évènements où on les convie.

Étonnamment, on y voit de plus en plus de retraités, de personnes qui gravitent loin des milieux communautaires ou écolos et de jeunes qui n’ont jamais vraiment eu de conscience écologique, mais qui se demandent maintenant s’ils devraient faire ou non des enfants…

C’est très existentiel. Les plus jeunes nous disent avoir de la misère à imaginer leur futur. Ils ignorent si ça vaut la peine de poursuivre leurs études, par exemple.

Isabelle Béliveau, directrice générale d’Éco-motion

« Alors, en début d’atelier, on décharge ! dit-elle. On reconnaît le trop-plein qui s’accumule en nous depuis des années. Puis, naturellement, les participants commencent à trouver ensemble des façons de se sortir de cette paralysie. Comment réaligner nos actions ? Est-ce qu’il y a des solutions qui émergent ? Des choses qu’on pourrait faire simplement parce qu’elles ont du sens pour nous ? On finit toujours dans l’espoir. »

Justin Sirois-Marcil remarque pour sa part que les personnes qu’il voit en écothérapie – parmi lesquelles plusieurs jeunes adultes et nouvelles mères – sont souvent en mode « lutte ». Elles font des actions quotidiennes dans l’espoir d’un résultat immédiat. Ce faisant, elles risquent un épuisement… Parce qu’on ne perçoit malheureusement pas les effets concrets de notre régime sans viande ou de nos achats sans déchets.

« En tant qu’intervenant, je veux travailler sur le long cours, m’explique-t-il. Je demande d’abord aux gens : de quel monde ne veulent-ils pas et que font-ils pour l’éviter ? Ensuite, que veulent-ils comme monde ? Et que peuvent-ils faire pour qu’il advienne ? Faire advenir quelque chose, c’est différent de lutter contre quelque chose. On crée un projet à long terme. »

Pour trouver un certain apaisement, Christina Popescu recommande pour sa part aux écoanxieux de prendre une pause des réseaux sociaux et de l’actualité, au besoin. Elle suggère aussi de pratiquer des activités qui permettent une autogestion des émotions négatives, comme la danse, l’art, la marche en nature, le sport ou la méditation.

« Et une chose importante qu’on oublie trop souvent : il faut essayer de trouver un sens à ce qui arrive », ajoute-t-elle.

Ah, je veux bien ! Mais comment ?

« On peut tenter d’identifier notre rôle dans tout ça, poursuit-elle. On ne retournera pas en arrière. On ne retrouvera jamais la Terre d’avant. Il faut donc miser sur l’adaptation et la résilience. Sur la collaboration qu’on peut déployer pour créer un nouveau monde et… essayer de trouver l’espoir. »

Consultez la page Facebook du groupe de soutien Transition écologique et éco-anxiété Consultez le site du Collectif Éco-motion