Julie Bérubé veut nous aider à combler notre « déficit nature ». Sa solution ? Inviter enfants et parents à jouer dans le bois... ou entre deux craques de trottoir.

« L’éducation par la nature peut se vivre partout, explique la fondatrice d’Enraciné. C’est une approche plus qu’un lieu. » Concrètement, il s’agit de périodes d’immersion en nature lors desquelles on valorise le jeu, l’exploration, l’éveil à l’environnement et la saine prise de risques.

Toutes des affaires qui se perdent un peu, avec le temps.

Depuis 2021, l’enseignante de 28 ans organise des sorties pour les 5-12 ans pendant ou après l’école, des activités pour petits en CPE et des moments parents-enfants, à Baie-Comeau.

S’il existe des ressources de ce type dans plusieurs régions du Québec, l’éducation par la nature était encore peu connue sur la Côte-Nord. Pour Julie Bérubé, elle a pourtant de quoi outiller magnifiquement les familles...

Le jeu, c’est une activité sérieuse pour les enfants ! Elle est essentielle pour leur développement. Et il y a un déficit nature tant chez les enfants que chez les adultes. Avec l’éducation à la nature, on apprend à la connaître pour mieux la préserver.

Julie Bérubé

Ce qui me touche dans cette approche, c’est la liberté conférée aux enfants.

Par exemple, l’enseignante entame ses sorties par une période de jeu libre. « Il y en a qui construisent un abri pendant que d’autres cherchent à identifier les plantes avec un guide d’interprétation ou se reposent, couchés sur de la mousse. » Si elle remarque que plusieurs s’intéressent aux insectes, elle peut alors lire une histoire à ce sujet et demander aux participants ce que ça leur inspire... S’en suivra peut-être une chasse aux bestioles ou la confection d’une maison pour les protéger de la pluie.

PHOTO FOURNIE PAR JULIE BÉRUBÉ

Julie Bérubé entourée de « ses » enfants...

C’est dans ce processus que les jeunes apprennent à communiquer leurs désirs, écouter, coopérer. Qu’ils apprennent à apprendre, aussi.

« En tant qu’adulte, on a tendance à vite donner les réponses aux enfants, réfléchit la fondatrice d’Enraciné. En éducation en nature, on souhaite plutôt les laisser chercher... S’ils veulent savoir comment attacher quelque chose, je vais leur demander ce qu’ils en pensent. Parfois, je vais finir par leur apprendre à faire un nœud, mais d’autres fois, ils ne trouveront la réponse que dans quinze minutes ou deux semaines. Et c’est correct ! »

Bien souvent, c’est la nature qui se fait professeure « avec ses changements, sa résilience, sa complexité, sa force, son calme, ses écosystèmes et son rythme », estime Julie Bérubé... 

Et il semble que devant cette autorité, la magie opère. Les enfants s’engagent dans leurs activités et la discipline est rarement requise.

Julie Bérubé est si émue par ce qui se déploie en forêt qu’elle souhaite également en faire profiter les parents. Elle a récemment orchestré quelques sorties pour familles, question que les adultes prennent le temps de se plonger dans la nature et l’imaginaire de leur progéniture.

Parfois, certains s’étonnent devant la témérité de leurs enfants. Julie Bérubé les encourage alors à les laisser s’atteler à des défis qui sont à la hauteur de leurs capacités.

PHOTO FOURNIE PAR JULIE BÉRUBÉ

Julie Bérubé profite du moment pour faire la lecture aux tout-petits.

« Marcher en équilibre sur un tronc, utiliser des outils, grimper dans un arbre, tout ça est permis ! Je ne leur dis pas de le faire, mais si ça vient naturellement, je vais leur montrer comment y arriver de manière sécuritaire. L’enfant qui réalise des défis pourra éventuellement les vivre seul. Ici, il apprend à se protéger en analysant ses émotions et ses capacités. »

Bien des parents en ressortent impressionnés par les aptitudes de leurs petits aventuriers. Ces activités en nature – encadrées ou non – peuvent consolider des relations et même nous faire cheminer à titre d’adulte, croit Julie Bérubé.

On apprend à ne pas imposer notre vision, à ne pas avoir réponse à tout, à ralentir, observer et s’émerveiller. À voir différemment nos proches.

La fondatrice d’Enraciné a même créé un guide pour les parents qui souhaitent faire des leçons à l’extérieur. Si l’aide aux devoirs est source de défis pour bien des gens, Julie Bérubé remarque que c’est plus plaisant lorsqu’on le fait sous une petite brise. Dans son cahier numérique (en vente sur la page Facebook de l’entreprise au coût de 5 $), elle propose différents jeux pour travailler le vocabulaire, les chiffres et les sons tout en bougeant.

Ce qui compte, au fond, c’est de sortir.

C’est difficile de prendre une pause et d’aller en nature. Mais c’est bénéfique pour tout le monde. C’est s’arrêter dans l’instant présent et créer des moments magiques avec les enfants.

Julie Bérubé

Elle sourit avant d’ajouter : « Bon, ça arrive qu’ils s’ennuient et c’est confrontant, mais ils ont besoin de s’ennuyer pour devenir créatifs et ensuite s’occuper par eux-mêmes. »

Je me dis qu’à la veille des vacances scolaires, l’éducation par la nature peut être source d’inspiration pour réinviter le loisir dans notre quotidien. L’enseignante acquiesce.

« Et ça se fait partout ! Il y a de la nature dans une craque de trottoir. Ou vous pouvez juste aller marcher sans chercher à vous rendre du point A au point B. Votre enfant veut s’arrêter pour grimper dans un arbre ? OK ! L’idée, c’est d’offrir de la sécurité et un espace pour laisser les enfants être des enfants. La nature est un terrain de jeu aux possibilités infinies. Tu peux tout faire avec une branche ! C’est une épée, une canne à pêche, une cuillère... »

En voyant Julie Bérubé mimer ces différents outils, je me demande à quel âge on oublie la polyvalence d’une simple branche. Puis, je me rassure : il n’est peut-être pas trop tard pour redécouvrir les mondes qui se cachent dans notre cour.

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