Les profs en ont trop sur les épaules et les élèves, eux, en ont gros sur le cœur. Est-il encore possible de cultiver l’optimisme ? En cette fin d’été au fort quotient d’écoanxiété, j’ai envie de vous présenter Valérie.

« Cette rentrée est plus délicate parce que les changements climatiques, on les vit maintenant ici. C’est inquiétant et on peut le dire aux élèves, mais il faut aussi les amener à se demander : qu’est-ce que cette prise de conscience peut apporter ? C’est possible d’axer ça vers le rêve et d’imaginer ce qu’on aimerait que notre monde devienne… »

Valérie Fortin enseigne la musique à l’école Paul-Germain-Ostiguy, à Saint-Césaire, depuis 16 ans. En 2021, elle s’est jointe au tout nouveau comité pour la transition écologique de l’établissement, composé de collègues, d’élèves et de membres de la communauté.

Dès le jour 1, le comité a été encadré par une conseillère du Lab 22, le laboratoire d’innovations sociales et environnementales qui accompagne les écoles secondaires ayant signé le Pacte de l’école québécoise, qui favorise l’écoresponsabilité.

« Je suis comme une cheffe d’orchestre qui les aide à se structurer pour faire une transition écologique durable, m’explique Philippine Loth, la conseillère qui assiste le groupe. Des profs parlent d’environnement depuis les années 1970, mais si on n’a pas la chance d’être dans leur classe, on n’en entend peut-être pas autant parler. On travaille maintenant à ce qu’à la fin de la scolarité, ça fasse partie des valeurs intrinsèques des élèves. »

Cette année, le Lab 22 accompagnera 45 écoles dans neuf régions du Québec. Paul-Germain-Ostiguy a été l’une des premières à se lancer dans l’aventure.

Les grandes consultations de l’an 1 ont permis au comité de l’établissement de cerner les besoins des élèves et de créer un plan d’action. On voulait verdir, revoir l’offre alimentaire et mieux gérer les matières résiduelles. L’année dernière, des enseignants dévoués ont donc aidé les élèves à planter 135 arbres et arbustes sur le terrain de l’école, à tester des salades-repas pour choisir celles qui figureraient au menu de la cafétéria, à suivre et offrir des ateliers pour trier les déchets, et à exploiter une friperie.

C’est là que j’ai trouvé en quoi je pouvais être utile.

Valérie Fortin

C’est la sensibilisation des élèves qui a interpellé la professeure de musique. Elle a compris que sa mission était de les inspirer à être partie prenante des réflexions et des solutions « en leur exposant les problématiques actuelles, mais aussi en leur présentant des initiatives encourageantes ».

Grâce à elle et à l’ouverture du corps professoral, les élèves ont reçu la visite de différents professionnels, l’an dernier. La biologiste Lyne Morissette leur a par exemple expliqué comment nos sacs de plastique se retrouvent dans l’océan. Ils ont eu droit à des randonnées en montagne et des sorties en canot. Ils ont appris à maîtriser le ukulélé sous un arbre. Surtout, ils ont le loisir d’avoir des discussions franches avec leurs enseignants.

« Je leur dis comme la nature me fait du bien, illustre Valérie, mais je leur admets aussi que les incendies de forêt m’ont rendue triste. Que j’ai dû dire pour la première fois à mes enfants que ce n’était pas une bonne idée d’aller jouer dehors à cause de la qualité de l’air… Sauf que j’utilise ça pour leur montrer qu’ils ont du pouvoir et que l’action peut aider à canaliser leur angoisse. »

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Valérie Fortin enseigne à ses élèves les rudiments du ukulélé.

L’an dernier, lors de son concert de fin d’année, la chorale qu’elle dirige a chanté Ensemble, de Jay Scott. Les jeunes avaient le micro, ils pouvaient en profiter pour faire entendre leurs préoccupations. Y est jamais trop tard pour agir avant la fin du monde.

(Et évidemment, aucune bouteille de plastique n’a été vendue, des élèves distribuaient des verres d’eau.)

« Des élèves se demandent comment on va s’en sortir, m’explique Valérie Fortin. C’est beaucoup à absorber et il y a beaucoup à régler, on le sent même comme adulte. Il faut les aider à comprendre ce monde et les accompagner. Être des modèles. »

Mais n’est-ce pas une responsabilité supplémentaire pour des profs déjà épuisés, aux prises avec une pénurie de main-d’œuvre et des conditions de travail parfois (souvent) aberrantes ?

Philippine Loth, du Lab 22, voit les choses d’un autre œil : « On peut faciliter la tâche des enseignants en leur proposant trois ressources en fonction du cursus qu’ils offrent, par exemple. »

Valérie Fortin s’estime chanceuse d’avoir accès à ces outils et à du temps prévu à l’horaire pour réfléchir à la transition écologique : « Ça nous aiderait que ce soit inscrit plus clairement dans les programmes, mais ça s’en vient. La Coalition Éducation Environnement Écocitoyenneté a pondu une stratégie très intéressante et des gens travaillent fort pour qu’elle soit appliquée. En attendant que ça vienne de plus haut, je me demande chaque jour ce que je peux faire de la base… »

L’écouter m’apaise, sans me laisser croire que tout est gagné. Je la trouve lucide, bien qu’optimiste. « On ne parle pas plus d’environnement pour amener de la lourdeur, poursuit-elle. Peut-être que les changements qu’on a à amorcer vont créer un terrain plus vert, des cours plus souvent offerts à l’extérieur et davantage d’importance accordée aux idées des élèves. »

Valérie remarque que les adolescents ont parfois l’impression – avec raison – que ce qui se passe n’est pas de leur faute. « Il ne revient pas qu’à eux de trouver des solutions, mais il leur revient d’en faire partie. Je crois à la contagion. Des gens ont fait en sorte que le Lab 22 soit créé. D’autres ont fait en sorte qu’il vienne à l’école. Ça a fait en sorte que je m’implique, ce qui fait en sorte que d’autres personnes s’impliquent aussi. Ce genre de contagion peut susciter de l’espoir… L’école, ce n’est pas toujours pour améliorer son futur. Des fois, c’est pour améliorer les choses dès maintenant. »

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