Je m’apprête à recevoir et à donner le cadeau parfait pour la deuxième année consécutive. Et comme le temps des Fêtes invite à la générosité, je propose de vous mettre dans le coup…

Je ne vous ferai pas languir : c’est un livre.

(Mais pas n’importe lequel.)

Pour comprendre l’ampleur du cadeau, il faut remonter à 2013, année où la productrice Marie-Claude Beaulieu a formé un club de lecture virtuel. Marie-Claude, c’est une femme fantastique au sujet de laquelle je pourrais écrire une dizaine de chroniques sans vous lasser… Elle a une énergie peu banale et un sérieux engagement envers tout ce qui rend la vie pas plate.

En grande amatrice de littérature, elle a créé un groupe Facebook pour que son cercle de connaissances puisse faire partager critiques, coups de cœur et réflexions. Dix ans plus tard, plus de 700 amis et amis d’amis ont rejoint son club de lecture.

J’en fais partie depuis deux ans. Et pour la deuxième année, donc, je pourrai profiter du fameux échange de cadeaux du Club. Je vous en explique la mécanique dans l’espoir que vous vous en inspiriez pour répandre, vous aussi, la joie de la lecture…

Chaque automne, Marie-Claude Beaulieu demande qui sont les membres du Club qui veulent participer à l’échange. Entre 45 et 70 d’entre eux répondent présents. Elle récolte leur adresse courriel et organise la pige grâce à un outil en ligne, tel que Pikkado. En novembre, chacun reçoit un message privé indiquant l’identité de la personne à qui il devra offrir un livre usagé.

Et c’est là que le plaisir commence.

C’est une boîte à livres, mais virtuelle ! J’aime recevoir des cadeaux et j’aime aussi beaucoup en donner. C’est bon de prendre le temps d’emballer le livre et de faire le vieux geste d’aller à la poste…

Marie-Claude Beaulieu

Comme les participants se trouvent un peu partout sur le territoire québécois, l’offrande doit être postée. Le seul coût de l’activité est donc celui de l’envoi. Mais avant cette étape, il y a le difficile processus de sélection de l’œuvre.

La plupart des membres du Club de lecture ne se connaissent pas vraiment. Qu’offrir à un inconnu ?

Enfin, on peut espionner la vie virtuelle d’autrui sans se sentir sale !

L’an dernier, j’ai pigé un contributeur très actif du Club. J’ai relu chacune de ses critiques et fouillé son compte Facebook de fond en comble pour m’assurer qu’il n’avait pas déjà un exemplaire de Que notre joie demeure de Kevin Lambert. Je n’étais pas certaine que le roman corresponde à ses goûts, mais je me doutais qu’il saurait l’impressionner. Pour Noël, j’espérais lui donner une expérience littéraire. Il a ensuite parlé d’une « sortie de zone de confort » et d’un « brillant auteur ».

Soulagement.

C’est qu’on doit être sûr de notre choix. Un livre aimé, c’est un objet fragile qu’on ne veut voir qu’entre de bonnes mains…

Et si l’autre ne savait pas l’apprécier à sa juste valeur ? On risque de se défaire d’un bien précieux pour rien. La transaction est lourde de sens.

« Il y a des gens qui ne veulent pas donner leurs livres, confirme Marie-Claude Beaulieu. Moi, je crois qu’il faut que ça circule ! Je ne vais pas offrir un livre plate juste parce que je suis à l’aise de m’en débarrasser. Le plaisir, c’est d’en donner un que j’aime vraiment… »

Selon mon expérience, le jeu en vaut la chandelle. L’an dernier, j’ai reçu de la poésie féministe. Non seulement celle qui m’avait pigée avait cerné mes goûts, mais elle avait aussi su me toucher avec une jolie lettre manuscrite. Et c’est peut-être bien la partie du présent qui le rend parfait : ce n’est plus qu’une affaire de littérature.

Sara Juliette Hins a été particulièrement marquée par une édition de l’échange de cadeaux. La femme qui avait pigé son nom lui offrait un livre et… un avertissement : il faudrait attendre le bon moment pour le lire. Des mois plus tard, Sara plongeait dans une œuvre qui lui allait droit au cœur.

Cette année-là, Amélie Jetté avait compris qu’elle vivait des émotions semblables à celles d’une autre lectrice. Elle ne connaissait Sara Juliette Hins que par les commentaires que cette dernière laissait dans le Club de lecture, mais devinait qu’elles sauraient se reconnaître. Elle venait tout juste d’acheter un nouvel exemplaire de La canicule des pauvres, de Jean-Simon DesRochers (son premier tombait en ruine à force d’avoir été lu), quand elle a pigé le nom de Sara.

« J’ai écrit une carte où je lui parlais du roman, oui, mais aussi des liens qui nous unissaient, au-delà de la littérature. Je me suis sentie liée à quelqu’un que je ne connaissais que virtuellement et ça m’a fait du bien. Ça appliquait un petit baume sur ce que je vivais. J’ai toujours cru que la magie de la littérature, c’est aussi de faire passer cet acte solitaire qu’est la lecture à un échange avec l’autre, et c’est entre autres ce que Marie-Claude Beaulieu nous permet [de faire]. »

Club de lecture ou non, offrir un livre qui nous a habité est une option non seulement pratique en ces temps économiques incertains, mais aussi profondément touchante…

Un amoureux des mots reconnaît la charge que peut porter une œuvre. Si vous lui donnez des pages qui vous ont remué, il saura en prendre soin. En fait, il comprendra que c’est un privilège de pouvoir à son tour tenir une telle histoire entre ses mains.

Et le comble de l’intimité, c’est quand l’exemplaire est annoté ! Si les notes, les passages surlignés et les pages cornées nous permettent de mieux comprendre un proche, là on touche vraiment au cadeau parfait, à mon avis… Sauf qu’un pareil dévoilement, c’est comme l’amour : c’est pas pour les peureux.1

⁠1. Cette chute est une gracieuseté de Vincent Vallières.