Né du simple souhait de faire découvrir des jeux dans l’environnement décontracté d’un pub de la rue Saint-Denis, à Montréal, Randolph est devenu 10 ans plus tard le principal ambassadeur du jeu de société québécois. La Presse est revenue sur le succès du pionnier des bistros ludiques au Québec avec ses deux cofondateurs, le comédien Normand D’Amour et son associé Joël Gagnon.

C’est en jouant à Miller Zoo — tout récent titre de Randolph inspiré des réels défis relevés au parc zoologique de Beauce — que nous avons rencontré les deux hommes, à l’occasion de la soirée organisée la semaine dernière pour célébrer les 10 ans de Randolph, à la succursale de Rosemont. Non seulement la petite entreprise a créé l’une des plus grandes chaînes de pubs ludiques au monde, mais elle est aussi devenue éditrice de quelques-uns des jeux les plus populaires au Québec. Et ses visées ne s’arrêtent pas là, car Randolph s’est alliée depuis un peu plus d’un an au géant français de l’édition Hachette pour percer le marché nord-américain.

« Je pense que l’une de mes fiertés personnelles est d’avoir contribué au renouveau du jeu de société au Québec, nous dit Joël Gagnon en toute humilité. Parce que quand j’étais plus jeune et que je travaillais dans une boutique de jeux, les gens doutaient constamment des conseils qu’on leur donnait. Mais moi, je savais que les jeux avaient changé. On a donc réfléchi à des stratégies qui étaient plus frappantes pour convaincre le monde. »

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

L’offre de restauration est arrivée dans les pubs ludiques un peu par la force des choses : « Les gens venaient jouer de plus en plus tôt, ils venaient donc pour souper, explique le copropriétaire Joël Gagnon. Ça a été un peu la folie d’organiser les cuisines, mais nous avons maintenant un menu de restauration très, très honnête. »

L’idée de Joël Gagnon était donc de proposer un service d’animation-conseil aux clients, tout en leur proposant une offre de bar complète — le service de restauration a rapidement suivi. « Le Randolph a beaucoup aidé à faire en sorte de prendre le jeu de société et puis de rendre ça cool », nous dit sans hésiter Christian Lemay, qui a fondé Scorpion Masqué en 2006 — l’éditeur, qui fait désormais partie du groupe Randolph, est notamment derrière le succès du jeu Zombie Kidz.

Quand ça a ouvert, je voyais le décor, j’ai dit : “Si ça, ça ne marche pas, y a rien qui va jamais marcher.”

Christian Lemay, éditeur

Aujourd’hui, Randolph a sept succursales, non seulement dans la grande région de Montréal, mais aussi à Québec et à Trois-Rivières. Une croissance qui visait à répondre à l’incroyable affluence observée à la succursale originale du Quartier latin, mais qui a été rendue possible grâce au développement du département d’édition de Randolph, démarré en trombe avec la création de L’osti d’jeu, une adaptation québécoise de Cards Against Humanity. « Ça, ici, c’est à cause de L’osti d’jeu, nous dit Normand D’Amour en montrant les installations de la vaste succursale de Rosemont. On a vendu pas loin de 300 000 unités du jeu. C’est un succès phénoménal, c’est clair. »

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Le groupe Randolph a désormais sept succursales ainsi qu’une boutique où l’on trouve une vaste sélection de jeux de société en tout genre.

« Il y a cinq ans, L’osti d’jeu était bien plus populaire que Randolph, ajoute en riant Joël Gagnon. Mais au départ, on n’avait pas de plan, c’est juste qu’on s’est rendu compte qu’il fallait le faire parce que notre clientèle tripait. On a reçu les premières boîtes, ça s’est écoulé en moins d’un mois ! Il a donc fallu mettre sur pied un service de distribution. On a donc dû rapidement se structurer, mais quand on a fait notre deuxième jeu, Jokes de papa, on était prêts. »

Spécificité québécoise

Le souhait de Randolph est maintenant de faire de Montréal un véritable pôle du jeu de société. « C’est ma volonté de faire valoir la particularité québécoise, insiste le jeune entrepreneur. Les Québécois sont foncièrement un peuple de party, notre tradition de jouer dans le temps des Fêtes, ce n’est pas quelque chose d’universel. La vibe de party que l’on a ici nous donne un avantage pour créer des jeux à caractère plus social. Il faut transmettre ça en ambiance, pour que le plaisir soit au rendez-vous autour de la table. »

Avec sa fusion avec Scorpion Masqué et sa participation dans Hachette Boardgames US, Randolph se donne les moyens de diffuser ses créations un peu partout dans le monde. Car l’entreprise se perçoit en effet de plus en plus comme un diffuseur de création. Joël Gagnon, qui a étudié en cinéma, fait justement le parallèle avec le septième art : « Quand j’ai commencé à m’intéresser aux créateurs des jeux, à leurs intentions de création, je me suis rendu compte que ce que je vivais autour de la table n’était pas un hasard, c’était planifié par l’auteur, dit-il avec passion. C’est comme au cinéma, où l’on scénarise un film pour faire vivre des émotions aux spectateurs. Eh bien, c’est la même chose qui se passe dans les jeux ! »

Consultez le site de Randolph