(Milan) Le nouveau directeur artistique de Gucci, Sabato de Sarno, a dévoilé vendredi à Milan une collection intemporelle, classique et féminine pour son tout premier défilé, censé relancer les ventes de ce fleuron du groupe de luxe français Kering.

Loin des excentricités auxquelles son prédécesseur Alessandro Michele avait habitué les fashionistas, le créateur napolitain de 40 ans a dévoilé sa vision devant un parterre de « VIPs », parmi lesquelles les vedettes américaines Julia Roberts et Ryan Gosling ainsi que le musicien britannique Mark Ronson, qui a signé la musique du défilé.

Il s’agit donc d’un retour aux sources du patrimoine de la marque florentine : du cuir sous toutes ses formes, qu’il s’agisse de jupes au genou fendues à l’avant ou de mini shorts portés taille basse, de blousons monochromes ou aux rayures verticales, de top brassière ou de nuisettes. Une hyper présence qui n’a d’ailleurs pas plu aux défenseurs de la cause animale, qui ont réussi à intervenir à la fin du défilé en brandissant la pancarte « Ban exotic skins » (« Interdisez les cuirs exotiques »).

Cette collection pour le printemps-été 2024 fait aussi la part belle aux manteaux, les pièces préférées de De Sarno, comme celui qui a ouvert le défilé, à la coupe masculine minimale dont la fente à l’arrière est bordée du ruban gros-grain caractéristique de la maison.

La palette de couleurs passe du gris au bleu marine, du noir au blanc et ce rouge bordeaux, véritable fil conducteur de cette collection intitulée « Ancora » (« Encore »), du nom d’un vieux succès de l’icône italienne Mina. Sans oublier une touche flamboyante de vert pistache.

« L’histoire de tout, encore, un tout qui s’exprime cette fois à travers la joie », a résumé De Sarno.

Météo capricieuse

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L’acteur Ryan Gosling était présent au défilé.

À la dernière minute, Gucci a été obligé de déplacer le défilé pour cause de pluie attendue sur la capitale lombarde. À l’origine prévu en plein air, le défilé s’est finalement déroulé au Gucci Hub, son QG en périphérie de Milan.

Jusqu’ici inconnu du grand public, habitué à travailler dans l’ombre, De Sarno, nommé en janvier, est loin d’être un novice : après un passage chez Prada et Dolce & Gabbana, il a passé 14 ans chez Valentino, où il a gravi tous les échelons pour devenir directeur des collections hommes et femmes et bras droit de Pierpaolo Piccioli.

Le départ en novembre 2022 d’Alessandro Michele, qui avait conduit la maison au sommet avec sa vision éclectique, excentrique et maximaliste, avait laissé un vide et suscité beaucoup d’interrogations.

D’autant que parallèlement l’organigramme de Gucci a lui aussi été bouleversé : Marco Bizzarri, le PDG de tous les succès, à la tête de la maison depuis 2015, doit quitter son poste après ce défilé et sera remplacé provisoirement par Jean-François Palus, directeur délégué de Kering et l’un des collaborateurs les plus proches du PDG de Kering François-Henri Pinault.

Alessio Vannetti est aussi rentré au bercail au poste de vice-président directeur responsable de la marque, quelques années après être passé de Gucci à Valentino.

« Nouveau chapitre créatif »

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Cette collection pour le printemps-été 2024 fait aussi la part belle aux manteaux, les pièces préférées du nouveau directeur artistique Sabato de Sarno, comme celui qui a ouvert le défilé, à la coupe masculine minimale dont la fente à l’arrière est bordée du ruban gros-grain caractéristique de la maison.

Le bureau de style a également été en partie renouvelé pour laisser place à la garde rapprochée de De Sarno.

« Beaucoup de choses se passent en même temps chez Kering : la tentative de relance de Gucci, la modernisation de l’organisation Gucci, une nouvelle équipe dirigeante du groupe Kering, de nouvelles acquisitions dans la mode et la beauté », constate pour l’AFP Luca Solca, Senior Research Analyst, Global Luxury Goods chez Bernstein.

Pour lui, « le changement de loin le plus important est le nouveau chapitre créatif de Gucci. S’il fonctionne, Kering fonctionne. Gucci a besoin de nouvelles idées et d’un nouveau chapitre. Leur mise en pratique permettrait d’augmenter le chiffre d’affaires et les bénéfices, comme le souhaite Pinault ».

La pression est donc très forte, alors que Gucci, marque phare de Kering, représente plus de la moitié de son chiffre d’affaires.

Le groupe de luxe Kering a accusé au premier semestre une baisse de 10 % de son bénéfice net, à 1,785 milliard d’euros, plombé par Gucci dont les ventes ont reculé de 1 %, à 5,128 milliards d’euros.

« Le potentiel de Gucci, à mon avis, est supérieur à 15 milliards d’euros », a cependant estimé François-Henri Pinault lors de la publication de ces chiffres.

Combien de temps faudra-t-il pour mesurer l’effet De Sarno ? « On ne sait pas encore avec quelle efficacité et avec quelle ampleur Sabato De Sarno pourra ouvrir une nouvelle saison pour Gucci », estime Luca Solca. « Nous recevrons les premiers signaux concrets sur la validité commerciale de la nouvelle collection fin 2024. Laissons-lui un peu de temps. »