Emblématique des années 1980, la permanente se taille à nouveau une place dans les salons de coiffure, cette fois majoritairement auprès de la gent masculine. Coup d’œil sur cette tendance assumée.

Bacil Marcelo, 27 ans, a longtemps cherché LE produit magique qui donnerait un peu de tenue à ses cheveux lisses. Jusqu’à ce qu’il trouve la solution, l’an dernier, en furetant sur les réseaux sociaux : c’est d’abord une permanente qu’il lui fallait.

Un samedi matin de février, au studio Hair Anatomy, dans le Vieux-Montréal, Bacil Marcelo se fait poser des bigoudis par le coiffeur Jay Alfonso – sa troisième permanente depuis septembre. Jay appliquera ensuite un produit pour défaire la structure du cheveu, puis un autre pour la fixer en position bouclée. Exactement comme on le faisait dans les années 1980. « À Toronto, beaucoup plus de gens le font, raconte Bacil, qui a quitté la Ville Reine pour Montréal l’an dernier. Ici, je ne savais pas trop à quel salon aller… »

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Le coiffeur Jay Alfonso fait une permanente.

Au Québec, la permanente au masculin s’installe graduellement depuis quelques années, selon Jay Alfonso, qui en fait sa coiffure signature. « Au début, j’avais peut-être cinq clients qui venaient pour ça, mais aujourd’hui, je vois de nouveaux visages toutes les semaines ou toutes les deux semaines », dit-il.

Le style séduit majoritairement les jeunes hommes, mais aussi bon nombre d’adolescents, qui demandent souvent la populaire coupe taper (dégradé dans le bas de la tête, long sur le dessus).

Les jeunes veulent une coupe style champignon.

Jay Alfonso, coiffeur au studio Hair Anatomy

Bacil, pour sa part, opte aujourd’hui pour un look à mi-chemin entre les coupes taper et mulet – oui, oui, cette légendaire coupe qui a fait la gloire du Longueuil des années 1980 et qui fait elle aussi un retour en force.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Bacil Marcelo montre le résultat final.

C’est le côté polyvalent du cheveu bouclé qui plaît à Bacil, mais aussi son côté pratique. « On sort de la douche et on est prêt à partir », résume-t-il. « Quand on a des cheveux droits comme les miens, on doit les sécher pour leur donner une direction, appliquer le bon produit, parfois les fixer… Avec des boucles, on n’a pas besoin de s’en faire », renchérit Jay Alfonso, qui utilise TikTok pour promouvoir la tendance.

Les réseaux sociaux contribuent beaucoup à populariser la chose, avec des coiffeurs comme Jay qui y publient leurs créations. Des tiktokeurs diffusent aussi des vidéos d’eux avec des bigoudis, des images « avant/après » ou encore des astuces pour entretenir les cheveux bouclés. Bref, le mot-clic #menperm est en vogue.

Jay Alfonso attribue l’origine de la tendance aux vedettes de K-Pop, en Corée, nombreux à avoir arboré une tignasse frisée ou ondulée dans la dernière décennie. Des joueurs de soccer naturellement frisés, comme Neymar ou encore Harvey Elliott, y sont sans doute pour quelque chose aussi, tout comme l’acteur Timothée Chalamet, porte-étendard de la bouclette négligée.

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Harvey Elliott

Une mode très « assumée »

À l’autre bout de l’autoroute 20, Sophie Cadorette voit elle aussi arriver la tendance. Elle est propriétaire du salon de coiffure Imagin’hair, à Lévis, et d’une école de coiffure privée. Et depuis trois ans, dit-elle, les examens de permanente des élèves se font à 80 % sur de jeunes garçons.

Alors qu’elle faisait naguère trois permanentes par année, Sophie Cadorette a vu passer jusqu’à trois clients par semaine il y a un an, un an et demi. « Les garçons arrivaient en salon et, sans trop savoir comment ça se faisait, ils demandaient “la coupe frisée”, relate-t-elle en riant. On ne peut pas vraiment les couper frisé, mais on peut les faire friser ! » Encore à Noël, dit-elle, son équipe a posé des bigoudis à une douzaine d’adolescents.

PHOTOS TIRÉES DU COMPTE TIKTOK @JOEYGRACEFFA

Sur TikTok, de jeunes hommes publient des vidéos de leur permanente.

C’est très assumé. Je pensais qu’ils allaient se trouver drôles avec les rouleaux sur la tête, mais non, c’est sérieux. Les garçons, ils se trouvent beaux.

Sophie Cadorette, propriétaire du salon de coiffure Imagin’hair

Elle aussi, elle les trouve beaux : « Ça donne des looks plus soignés », dit-elle, soulignant que les boucles sont plus relâchées qu’elles ne l’étaient dans les années 1980.

Sophie Cadorette sourit en pensant à son enfance. Sa sœur et elle avaient aussi une permanente au milieu des années 1980, et une coupe assez semblable, d’ailleurs. « C’est la preuve qu’on ne réinvente rien ! », dit celle qui est néanmoins charmée par ce retour. « C’est le fun, pour les gars, d’avoir une tendance qui leur est propre », conclut-elle.