Après avoir décortiqué la culture des régimes, la créatrice culinaire végétalienne et ancienne ergothérapeute Caroline Huard (Loounie) se penche sur celle du bien-être dans la deuxième saison de l’émission balado À plat ventre. Si le bien-être est une bonne chose en soi, c’est la pression de performance qui l’entoure et ce qu’on tente de nous vendre pour l’atteindre qu’elle dénonce.

A priori, le bien-être est positif. Tout le monde y aspire. Pourquoi remettre en question la culture du bien-être ?

J’ai constaté qu’il y a une différence entre ce que la science nous dit et ce que nous vendent les industries du bien-être. On nous vend l’idée que si on mange les bonnes choses, si on a recours à tel supplément ou à tel produit et si on pratique telle activité, on peut pratiquement garantir son bien-être et sa santé individuelle. Mais quand on regarde les données disponibles, on voit que la santé et le bien-être sont influencés en partie par nos choix et nos comportements individuels, mais aussi par beaucoup de facteurs sur lesquels on n’a pas de contrôle comme individu. Or, les industries du bien-être nous vendent l’idée contraire, ce qui est faux. Ça nous amène dans une roue perpétuelle, toujours à la recherche de mieux. La conséquence peut être qu’on va acheter des produits, donc on va avoir gaspillé notre argent, perdu notre temps, mais ça peut avoir des conséquences plus graves comme le développement de troubles alimentaires et amener d’autres problèmes de santé mentale et un sentiment continuel d’échec. Ce n’est pas l’importance de prendre soin de soi que je remets en question. Il y a une distinction à faire entre la culture du bien-être et la culture toxique du bien-être. Il faut pouvoir départager ce qui est toxique de ce qui ne l’est pas. L’objectif est que les gens se mobilisent dans les bonnes choses.

Avez-vous déjà adhéré aux pratiques véhiculées par l’industrie du bien-être ?

Vraiment. Pour moi, ça a été une façon de me forger. Ça faisait beaucoup partie de mon identité à ce moment-là. Les gens qui me connaissaient ou qui me suivaient sur les réseaux sociaux auraient pu dire : « Ah oui, c’est la fille qui boit des jus verts et qui a une alimentation impeccable. Elle fait du sport, elle médite, elle fait du yoga. » C’était pour moi une façon d’être socialement acceptée, d’avoir une certaine valeur dans le regard des autres. Il y a certaines de ces pratiques qui font encore partie de ma vie parce qu’elles me font du bien pour vrai, indépendamment du regard des autres. Faire du yoga, par exemple. Mais maintenant, je le fais pour le bienfait que ça m’apporte. Une chose qui me fascine est que j’ai une formation en sciences. J’ai un regard critique souvent sur les choses qui nous sont présentées, mais je suis quand même tombée dans les pièges. Je me disais : « Il n’y a pas d’études derrière, mais je n’ai rien à perdre. Je vais l’essayer, d’un coup que c’est la clé qu’il me manque pour que je sois épanouie. »

PHOTO CHANDAN KHANNA, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Séance de yoga sur une plage de Miami

Tout n’est pas nécessairement mauvais dans les pratiques qui nous sont proposées, alors que devrait-on faire pour favoriser notre santé et notre bien-être ?

Le déterminant numéro un de santé et de bien-être des populations, c’est le statut socio-économique, l’argent. Quand j’ai demandé, entre autres, au chercheur Benoît Arsenault [professeur agrégé au département de médecine de l’Université Laval et chercheur à l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec] quelle est la chose qu’on pourrait faire pour améliorer la santé et le bien-être de la population, sa première réponse a été : « Il faudrait hausser les revenus de base pour beaucoup de gens. » Sur le plan individuel, c’est de bien manger, bouger, ne pas fumer, ne pas trop consommer d’alcool et de drogues, bien dormir, puis avoir des relations saines et des outils pour gérer le stress.

Au terme de votre démarche, votre définition du bien-être a-t-elle évolué ?

Aujourd’hui, pour moi, le bien-être, c’est quand je réussis à être dans un état qui me permet de vaquer aux occupations qui sont importantes pour moi. C’est d’avoir assez d’énergie pour cuisiner les choses qui me font du bien, voir les amis que j’aime, c’est avoir assez d’énergie, de motivation et de calme pour pouvoir prendre part à des activités nouvelles qui me challengent et être capable de me reposer quand j’en ai besoin. Ce qui a surtout changé dans ma définition du bien-être, c’est que j’apprends à faire le deuil d’un idéal, à accepter le fait que ça ne va jamais être parfait. Ça peut faire partie de mon bien-être d’avoir des journées où je suis fatiguée, où mon moral est moins bon. C’est d’accepter que, quand je me sens comme ça, je ne ressens pas le besoin d’aller acheter quelque chose de nouveau ou d’essayer quelque chose de nouveau pour que tout disparaisse.

Les deux saisons d’À plat ventre sont offertes sur l’application OHdio de Radio-Canada.

Les propos ont été édités à des fins de concision.