(Montréal) Le temps consacré à un écran est directement associé à une exacerbation des symptômes du trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) chez les adolescents, conclut une étude dirigée par une chercheuse du CHU Sainte-Justine.

L’association est particulièrement importante si le jeune consacre du temps aux réseaux sociaux, à la télévision ou aux jeux vidéo ; aucune association n’a été constatée en ce qui concerne la simple utilisation d’un ordinateur.

Les résultats, écrivent les auteurs, « ont démontré une vulnérabilité commune significative entre des niveaux plus élevés de ces types de temps d’écran et une vulnérabilité générale aux symptômes du TDAH ».

« Le but premier de cette recherche était de vérifier si un jeune, peu importe son niveau de TDAH, augmente sa consommation d’un certain type de médias numériques, est-ce qu’on va observer encore plus de symptômes (de TDAH) dans l’année qui suit ou à plus long terme », a expliqué l’autrice principale de l’étude, la professeure Patricia Conrod.

« Et nous avons démontré cette variance dans le temps au niveau de l’individu : si l’individu change son comportement, nous allons voir un changement dans son état mental lié à la consommation de médias sociaux. »

Ces données découlent de l’étude de quelque 4000 jeunes pendant cinq ans.

La fréquentation des réseaux sociaux avait un effet à plus long terme qui correspondait davantage à une « hypothèse causale », a ajouté Mme Conrod, puisque l’augmentation du temps d’écran se produisait avant que l’on constate une intensification des symptômes de TDAH.

L’utilisation des écrans semblait avoir un impact particulièrement marqué sur l’impulsivité des jeunes.

« Les utilisateurs intensifs de médias sociaux ont montré l’effet le plus fort sur les symptômes du TDAH à travers un comportement impulsif, par rapport à leurs pairs », peut-on lire dans Scientific Reports.

La professeure Conrod et son équipe ont ainsi demandé à leurs jeunes sujets de participer à un test lors duquel ils devaient appuyer, ou non, sur un bouton en fonction du chiffre présenté à l’écran. Le test était conçu pour créer une certaine « habitude » chez le jeune, afin de pouvoir mesurer son impulsivité et sa capacité à se contrôler lorsque survenait soudainement un changement.

Il est bien documenté que cette aptitude se développe chez les jeunes entre les âges de 12 et 17 ans, a dit Mme Conrod, « mais c’est un processus qui joue aussi un grand rôle dans le risque de dépendance, de TDAH et d’autres troubles mentaux et comportementaux ».

« Nous avons démontré que c’est via l’effet sur ce processus cognitif que les médias sociaux ont cet effet sur le TDAH », a-t-elle ajouté.

Il semble donc, disent les auteurs de l’étude, exister une vulnérabilité commune entre une utilisation intensive des écrans et un risque neurocognitif de symptômes de TDAH chez les adolescents.

Il est possible, poursuivent-ils, que les jeunes qui sont vulnérables au TDAH soient attirés par les réseaux numériques qui leur proposent du contenu stimulant que l’on peut consommer avec un minimum de concentration et d’effort.

« Le problème avec les médias sociaux, c’est que c’est de la simulation rapide qui implique très peu d’interaction avec le contenu et très peu d’efforts cognitifs pour interagir, a dit Mme Conrod. Et particulièrement les médias sociaux : tu regardes, tu dis “like or not like”, et c’est tout. Alors je crois que c’est beaucoup d’activités qui contrent le développement de ce processus cognitif qui est nécessaire pour le développement d’un cerveau mature et bien contrôlé. »

La chercheuse espère que ces résultats inciteront le gouvernement canadien à agir pour mieux encadrer les différentes plateformes de réseaux sociaux et l’accès qu’ils offrent aux jeunes, comme c’est le cas dans d’autres pays.

« Il n’y a rien qui se fait au Canada en ce moment, mais c’est important de protéger les jeunes des méfaits des réseaux sociaux », a-t-elle lancé en conclusion.

Les conclusions de cette étude ont été publiées par la revue Scientific Reports.