La Presse vous propose chaque semaine un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Aujourd’hui : Jean*, mi-quarantaine

Jean est un infidèle en série. Il l’a toujours su : le couple conventionnel, ça n’est pas pour lui. Il l’a essayé des années et enfin, il s’assume. À lui, désormais, la vie moins « conventionnelle ».

C’est du moins ainsi que se résume l’homme d’affaires quadragénaire de Québec, qui nous a donné rendez-vous un petit après-midi caniculaire sur une jolie terrasse ombragée de la capitale nationale, au début du mois. Les cheveux bruns coupés court, avec ses lunettes fumées, son short et son t-shirt, Jean a plutôt l’air d’un athlète que d’un gestionnaire, mais qu’importe. Il se livre sans filtre, avec une certaine lucidité non sans autodérision, vous verrez. « À Québec, surtout, on est tellement conventionnés, et tellement conventionnels », déclare-t-il d’emblée, entre deux gorgées de café glacé. « Dès que je parle de ce que je vis, c’est du jamais-vu ! », dit notre homme nouvellement en couple « ouvert » qui a le don de susciter les « voyons donc ! » et autres « ça ne se peut pas ! ». « Mais... ce n’est pas si pire ! », éclate-t-il de rire.

C’est dès sa toute première relation sérieuse (après une série d’histoires éphémères), à la fin de la vingtaine, que commencent ses fameuses incartades. Pourtant, cette histoire, qui s’étire sur près de 10 ans avec la mère de son enfant, commence en lion. « On a eu des relations super intenses les premières années. » Trois fois par jour, matin, midi ou soir, avec une intensité jusqu’ici inégalée pour Jean. « J’étais pleinement satisfait. » Et puis ? Et puis, madame a eu un enfant, et notre homme s’est mis à voir ailleurs. Une ancienne fréquentation par-ci, une nuit enflammée par-là. S’il s’est senti coupable ? « Mais oui, répond-il sans hésiter. Elle est tellement fine. C’est de l’or en barre ! Je me justifiais par mes besoins... »

Vers la fin de leur vie commune, il entretient même une relation parallèle sur plusieurs mois, avec une employée à domicile. « Oui, je me sentais coupable, répète-t-il, mais c’était plus fort que moi ! »

Jean part ensuite en voyage et rencontre là-bas une énième femme. Vous suivez toujours ? Cette fois, il fait le saut et décide de quitter la mère de son enfant. « Avec elle aussi, c’était super intense ! »

Il passe rapidement sur sa séparation et enchaîne avec cette nouvelle histoire, qui s’étire aussi sur quelques années. « Mais oui, je vois ailleurs. Elle n’est pas capable de supporter ma drive. Tu ne peux pas demander ça à quelqu’un : trois fois par jour ! »

Cela dit, cette fois-ci, il ne le lui cache pas, se confie, « et ça vire en marde... ». Ils suivront même une thérapie de couple, en vain. Ce faisant, Jean réalise tout de même qu’il a développé un « pattern », confie-t-il ici. « Je fais vivre la fille et je m’attends à ce qu’elle ne travaille pas, pour être à mes côtés. Ça fait primate pas mal, réalise-t-il en pouffant de rire, mais je suis un bon gars ! »

En tout, il la trompe une bonne quinzaine de fois. « Mais je n’étais pas bien, je me sentais prisonnier et insatisfait sexuellement. » Il se pose à l’époque la question :

Est-ce que je suis un vieux cochon, ou ce n’est juste pas un bon fit ?

Jean

Puis, au tournant de la quarantaine, il se rend à l’évidence : son nouveau couple ne marche pas davantage, il se sépare une nouvelle fois, et c’est « la délivrance totale ». « Je ne peux pas te nommer le nombre de filles avec qui j’ai couché ensuite », glisse-t-il, radieux. Des filles et des hommes, d’ailleurs. « Sensuellement, un homme, ça ne me dit rien, mais sexuellement, dans l’action, ça m’intéresse », explique le grand amateur du « jeu » sexuel.

« Le couple, j’ai toujours su que ça n’était pas pour moi, enchaîne-t-il. En même temps, j’ai besoin d’être avec quelqu’un, il faut que je sois avec quelqu’un et... j’aime mes conjointes ! »

Toujours est-il qu’il y a plus de six mois, il finit par rencontrer sa blonde actuelle. « Et ça va super bien, je suis en amour ! » Vous n’y croyez pas ? Pourtant, et pour la toute première fois de sa vie, il a été transparent à 100 %, madame l’a accepté comme il est, et il vit depuis dans une relation « ouverte ». Jean va voir ailleurs de son bord, et madame du sien. « Il n’y a jamais eu de cachette, je lui ai dit qui je suis, toute mon histoire, mon passé, quand j’ai trompé, et ce que je veux faire. [...] C’est un fit parfait ! Je voyage avec elle, je l’aime ! »

Et au lit ? « C’est super satisfaisant, répond-il, mais elle n’est pas wild. Elle ne va pas où je vais. » Certes, ils ont été dans des clubs libertins ensemble, même « échangé » avec d’autres couples, mais sa nouvelle amoureuse est résolument moins joueuse que lui. Qu’importe, puisqu’elle le laisse libre tant qu’il veut. « Et puis, elle aussi a un autre gars, elle aussi explore. »

Si ça le dérange ? Contre toute attente : oui. « C’est sûr ! Je tiens à elle ! [...] Je suis bien avec elle ! Elle est adorable. Gentille ! Et elle s’occupe de moi ! » Alors il se raisonne : « Cela ne peut rien m’enlever à moi. Mais c’est sûr que ça me fait quelque chose ! »

Quant à lui, il n’a probablement jamais été aussi actif de toute sa vie. « Je me fais tester souvent ! »

À terme, il pense que son histoire va finir en polyamour. « On va finir par rencontrer quelqu’un d’autre avec qui il y aura une flamme », présume-t-il. Un scénario qu’il n’aurait jamais même envisagé par le passé, mais qui aurait sans doute sauvé son (premier) couple, croit-il. « Mais le “pattern” de la société actuelle, c’est de dire : si tu as une flamme, c’est juste une à la fois ! [...] Si j’avais pu en aimer plusieurs à la fois, je n’aurais jamais laissé la mère de mon enfant. Jamais ! »

C’est précisément pourquoi il a voulu témoigner. Pour offrir un scénario alternatif à des couples potentiellement en questionnement. « Ça se peut, insiste-t-il. Moi, je n’ai jamais été heureux comme là. »

« Il faut arrêter de se soucier de ce que les gens vont penser, croit-il. Les gens jugent, trouvent que ça n’a pas de bon sens, que ça ne marchera pas. Je trouve ça plate. J’ai l’impression qu’ils disent ça pour se rassurer, pour se conforter. » Et lui, cherche-t-il aussi à se « conforter » un tout petit peu en se confiant, ose-t-on ? « En partie, peut-être », concède Jean en riant.

* Prénom fictif, pour protéger son anonymat

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