La Presse vous propose chaque semaine un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Aujourd’hui : Louis*, mi-quarantaine

Louis*, sa femme, sa blonde et son chum vivent en « quad ». Ils n’habitent pas sous le même toit, mais se fréquentent pour toutes sortes d’activités, y compris la sexualité. Et ils s’aiment respectivement, parallèlement. Vous suivez ? Entretien avec un polyamoureux heureux.

Avant de nous rencontrer, l’homme, la mi-quarantaine flatteuse, qui vit cette relation particulière depuis bientôt un an, a d’abord consulté les autres membres dudit « quad » pour avoir leur accord.

Puis, après notre entretien, on comprend qu’il leur a fait part de notre rencontre. À preuve, il nous a relancés deux jours après : « Bonjour, Silvia, est-ce possible de changer de pseudonyme, car autant ma blonde que ma femme n’aiment pas l’idée de faire l’amour à un Claude ! Si c’est possible, elles ont choisi : […] Louis. » On comprend qu’ils sont tricotés serrés, jusque dans l’anonymat !

Louis, donc, est avec sa femme, à qui il a « juré fidélité », depuis 30 ans. « On est des amis d’enfance ! » Ils ont commencé à sortir ensemble à l’adolescence, mais ce n’est pas avec elle qu’il a eu ses premières expériences. « J’ai eu une première vraie blonde juste avant. » Sa première fois ? « Comme toutes les premières fois, rit-il. Bizarre. Tu manques d’expérience ! »

C’est drôle, tu penses que tu es maladroit à l’adolescence, mais la première fois avec une autre femme à l’âge adulte, c’est comme si tu revivais cette première fois…

Louis, mi-quarantaine

Son couple, précise-t-il d’emblée, a toujours été « très amoureux ». Avec sa femme, la mère de ses enfants, « les 365 premiers jours », ils n’ont « pas manqué une journée ! », rit-il. Et les suivantes ? « On a exploré plein de choses, poursuit-il. La lingerie, les objets sexuels, puis les endroits inusités. On a tout le temps été relativement actifs. »

Mi-vingtaine, arrivent les enfants. « À un moment donné, tu tombes dans une routine, mais on a toujours ravivé la flamme. » Comment ? Une fin de semaine ici, un chalet là (merci, les beaux-parents !), ils se créent des moments pour se retrouver. « Et c’est quand tu sors de ton quotidien que tu as les meilleures expériences sexuelles. Versus un mercredi soir à 10 h ! »

Parlant d’enfants : « Ils savent qu’on a une sexualité active, ils nous entendent sûrement ! Les chambres sont toutes à l’étage, mais on ne fait pas exprès ! »

Toujours est-il qu’il y a 10 ans, et au bout de 20 bonnes années de relation (exclusives et fidèles, faut-il le rappeler), ils se sont naturellement mis à parler d’échangisme. « On est capables de discuter de n’importe quoi : heille, ce serait cool si… » L’idée : non pas « changer » leur sexualité (qui a « toujours été très belle »), mais tout simplement la « pimenter ». La discussion reste dans l’air, jusqu’à ce que, assez récemment, ils finissent par s’inscrire sur un site « pour ça ».

On cherche des gens comme nous, qui ne sont pas là pour sauver leur couple. On veut un couple solide.

Louis, mi-quarantaine

Solide, parce que, soyons francs : « C’est quand même confrontant ! »

Ils finissent par se retrouver au lit avec un premier couple, puis un deuxième, duquel on ne saura pas grand-chose. Pour cause : ils veulent l’un et l’autre revoir le premier, c’est réciproque, et ils ne se lâchent plus depuis !

Leur toute première fois, Louis s’en souvient encore : « Ça fait bizarre ! Tu te sens comme un ado. Est-ce que je fais comme il faut ? C’est niaiseux, mais j’ai appris que les femmes ne sont pas toutes faites pareil ! »

Ils avaient loué deux chambres d’hôtel pour l’occasion, poursuit-il. « Puis on s’est ramassés dans une chambre à quatre… » On devine qu’il aimerait en raconter ici davantage, mais le café dans lequel nous sommes attablés est bondé, et les tables voisines ont des oreilles.

Et puis ? « On avait une super vibe », poursuit-il donc pudiquement. Ceci explique sans doute cela : « Les quatre, on avait le goût de se revoir. » Sauf que ce genre de relation ne vient pas avec un mode d’emploi. « On ne savait pas trop comment faire, il n’y a pas de marche à suivre. Mais on veut tous bien faire les choses, sans blesser personne ! » Alors d’emblée, ils décident de se faire un groupe de discussion à quatre. Et à ce jour, question de respect et de transparence, ils communiquent par ce canal. « Si tu veux cruiser l’autre, tu le fais là ! »

De fil en aiguille, ils finissent par se voir pour d’autres activités, une soirée là, un spectacle ici ; « et on ne se voit plus juste dans des chambres d’hôtel ». Mieux, ils sont mutuellement et organiquement tombés amoureux : « Les quatre, on s’est fait prendre au détour ! »

Ce constat n’a pas été évident pour Louis. « Je pense que j’ai été le dernier à l’accepter, dit-il. Ah ouais, je peux aimer une autre femme ? » Que sa femme en aime un autre, étrangement, ne le dérangeait pas tant. « J’étais content pour elle ! J’aime faire plaisir à ma femme. Si elle est bien, je suis bien, je n’ai pas de sentiment de jalousie. » Mais lui ? « J’ai vraiment le droit d’aimer deux femmes ? […] Il a fallu que je me défasse de ce tabou-là. »

Près d’un an plus tard, Louis parle avec aisance de sa femme par ici, sa blonde par là. « À 90 % du temps, on se voit ensemble les quatre [pour des activités]. […] Et sexuellement, on va tout le temps se mélanger, à un moment donné. »

Non, ça n’a rien changé dans son intimité avec sa femme, assure-t-il.

Impliquer une autre personne, ça n’entraîne pas une soustraction ou une division d’amour ! C’est une addition ou une multiplication !

Louis, mi-quarantaine

Si vous voulez tout savoir, oui, ils se racontent parfois les détails de leurs ébats. « S’ils ont fait des affaires cool, mettons quelque chose que je n’ai jamais fait, ça pimente mon imagination : OK, j’ai hâte de voir ça ! »

Le « secret » de leur succès, selon lui ? Entre autres : « Moi et l’autre gars, on s’entend vraiment bien. On est sur la même longueur d’onde. » Un exemple parlant : dernièrement, la femme de Louis a vécu un moment difficile (sans lien avec leur quad). Avant de passer la voir, l’amant a demandé à Louis la permission. « Par respect envers moi, signale-t-il. Je ne prends pas son rôle à lui dans sa famille, il ne prend pas le mien. Sauf qu’on s’aide ! »

Oui, les enfants s’en doutent. « Ce sont de grands ados ! » Mais Louis se questionne tout de même avant de leur en parler ouvertement. « Moi, c’est possible, parce que ça fait 30 ans que je suis avec ma femme, dit-il. Je ne veux pas que ça donne l’impression d’être le “free for all !” »

Sinon, oui, la plupart de leurs amis sont au courant. Et Louis leur explique généralement ceci : « Oui, je vis quelque chose de différent, mais je reste la même personne, résume-t-il. Même si je vis quelque chose… d’exceptionnel ! », conclut-il en rayonnant.

* Prénom fictif, pour protéger son anonymat