La Presse vous propose chaque semaine un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Aujourd’hui : Alain*, fin trentaine

Alain n’a pas 40 ans, mais il a vécu ce qu’il avait à vivre. Il a eu des aventures à la pelle, connu quantité de trips, même réalisé l’essentiel de ses fantasmes. Aujourd’hui, il le reconnaît : toutes ces années, et avec toutes ces femmes, il ne savait pas vraiment ce qu’il voulait. Maintenant ? Un peu plus.

C’est du moins l’essentiel de ce qu’on retient de notre entretien, le mois dernier, dans un coquet café de Sainte-Rose, au cours duquel le trentenaire aux yeux clairs a surtout posé beaucoup de questions. Des questions sur ses relations, l’engagement, la communication, les attentes, comblées ou pas, et les histoires auxquelles on se résigne, ou dans lesquelles on s’étourdit, et on s’oublie, parfois.

« J’ai vécu les trips que je voulais vivre, réfléchit-il tout haut, les mensonges qu’on se conte, à prôner la physicalité. [...] Je l’ai fait à des centaines de reprises. [...] À me dire que c’est mieux avoir accès à une sexualité avec une femme qui ne m’aime pas comme je voudrais [...] plutôt que rien... » Or, il le sait : « Une relation sexuelle avec quelqu’un avec qui il y a de l’amour, c’est beaucoup mieux du point de vue physique. C’est physiologiquement plus apaisant... » Sous-évalué, l’amour ? « Oui ! », répond-il sans hésiter.

C’est d’ailleurs la raison première pour laquelle notre interlocuteur, malgré son air « désinvolte », a voulu nous rencontrer.

Plus personne ne parle, genre, d’amour !

Alain

Son récit débute avec cette anecdote : « J’ai eu accès à de la porno assez jeune. Je me souviens que j’avais peur de manquer de photos de femmes aux seins en silicone. Je pensais qu’il y aurait une pénurie ! », rit-il. C’étaient les débuts de l’internet. Il devait avoir 12 ans.

Et dans la vraie vie ? C’est plus tard que ça décolle. « Je suis devenu plus beau vers la fin du secondaire. J’ai grandi, je pognais plus, j’avais plus confiance en moi. » Sa toute première fois, c’est dans un bar que ça se passe, autour de ses 16 ans, avec une femme « plus âgée ». Ils couchent ensemble... neuf fois ! « Je n’arrêtais pas, diit-il en riant de plus belle. J’étais un petit garçon ! [...] Pour moi, c’était de l’amour. Pas mécanique. J’étais vraiment content de pouvoir caresser une femme ! [...] Et elle me voulait vraiment, ça m’a vraiment fait de quoi. Je trouvais que j’étais privilégié. » S’ils se sont revus ? « Jamais de ma vie ! »

Après quelques aventures ici ou là sur lesquelles il ne s’épanche pas, Alain se fait ensuite sa première blonde au cégep. Une histoire qui s’étire ici sur quelques mois. Au lit ? « Excellent, dit-il, elle avait un corps ben cool. » À l’université, entre autres explorations, il cite cette fille « brillante et belle », « une fille que j’aimais plus qu’elle ». Mais on devine qu’il n’exprime pas franchement ses attentes. Et on devine juste. « Pour elle, j’étais plus un fuck friend, confirme-t-il. Ça a duré trois ans avec des critères mal définis, on avait différents niveaux d’implication, un manque de communication sur nos attentes réelles... »

Il ouvre ici une parenthèse : « À cette époque, je comptais le nombre de filles avec qui je couchais. » Il devait être rendu à une bonne trentaine, des histoires d’un soir, ici ou là, quand il décide d’arrêter et se met plutôt à cocher une série de critères précis. « Je voulais coucher avec des filles de toutes les couleurs, résume-t-il, différents types de corps, vivre du sexe plus hard, etc. » Ses fantasmes sont clairs, nets, précis. Et il les enchaîne.

C’est poche mais mon plus gros souvenir, c’est un sentiment d’insatisfaction : je ne savais pas ce que je voulais…

Alain

« Je me suis tout le temps dit : par hasard, l’amour va me tomber dessus », poursuit-il. Mais disons qu’il peine à tomber sur ce hasard. Il faut dire qu’à l’époque, « j’ai de la misère à montrer ma vulnérabilité et développer des liens », sait-il. Il multiplie donc ce qu’il appelle ses relations « pas parfaites ». Pensez : une histoire à distance ici, sans critères clairs, des aventures là, etc. Et il continue, ce faisant, de réaliser d’autres fantasmes (« des gros seins, des grosses fesses, je ne sais pas trop comment me sentir par rapport à ça ») jusqu’au jour où il n’en trouve plus. Il les a tous comblés. « Je n’avais plus d’objectifs à essayer, j’avais fait le tour. »

C’était il y a 10 ans. Il est alors surtout rendu ailleurs : « Je voulais des enfants, une relation stable ! » Notre Alain s’embarque donc avec une fille pendant huit bons mois, pour toutes les mauvaises raisons. Certes, la sexualité est « excellente ». « Elle avait des fesses incroyables », prend-il soin de préciser. Mais pour le reste, « c’était malsain, dit-il, je suis resté parce qu’il y avait une relation. Parce qu’une fille disait que j’étais son chum... ». Ni plus ni moins.

Suit une énième relation tordue « pour le sexe », « on » et « off », qui s’étire cette fois sur quelques années. « Elle m’aimait », rationalise-t-il. Lui ? Visiblement moins.

Nouvelle parenthèse : Alain précise ici qu’il a un « style d’attachement pourri », sans doute lié à la séparation de ses parents, son enfance difficile, son primaire peu populaire. « Je sais que je dois m’améliorer, dit-il ici. J’essaye d’avoir une meilleure relation avec moi. J’essaye d’être plus autonome émotivement. »

Probablement que j’utilisais la sexualité pour combler des besoins affectifs ?

Alain

Fin de la parenthèse.

Mi-trentaine, Alain déménage, change de ville, carrément dans cette « optique d’avoir une femme et des enfants ». Il rencontre effectivement une fille « super intelligente » avec « toutes les caractéristiques » qu’il recherche : brillante, posée, rationnelle. Mais de nouveau, « mes attentes ne sont pas claires », laisse-t-il tomber. Et malgré une sexualité de toute évidence et à nouveau très vivante – « on a baisé 15 fois en 48 heures, on n’a fait que ça, toute une fin de semaine ! » –, l’histoire avorte.

C’était il y a deux ans. Depuis ? Alain se « recentre » sur lui, comme il dit. Finies les histoires d’un soir, le tout premier soir. « Je veux essayer autre chose, dit-il. J’ai mis le dating sur pause. [...] Je suis rendu là. Il faut que j’accepte de vieillir bien tout seul. Il faut que j’accepte que je n’aie peut-être pas d’enfants. Je ne peux pas vivre aveuglément dans le physique, à passer d’une fille qui me veut à une autre, parce que ça ne me rend pas plus heureux... » Au moment de notre entretien, il n’avait pas eu la moindre relation sexuelle depuis plusieurs mois. « Je suis semi-détaché, dit-il. C’est moins ma priorité, la sexualité. Je veux plutôt être bien. » S’il l’est ? « C’est un processus continu... »

* Prénom fictif, pour protéger son anonymat

Écrivez-nous pour nous raconter votre histoire