Si les seuls vestiges ayant survécu à l’épreuve du temps sont les souvenirs des mordus de ce rendez-vous télévisuel, le format de 110 % a inspiré grand nombre de producteurs et de réalisateurs.

Quinze ans plus tard, la formule mise de l’avant par les artisans de l’émission est sans doute leur plus bel héritage.

« L’antichambre se veut officiellement l’héritière de 110 %, lance François Gagnon, lui-même souvent invité à se poser dans un des fauteuils bleus de la populaire émission de RDS. La poche bleue se veut une forme de ça.

Mais la plus belle image, tu regardes ce que Noovo fait avec Les débatteurs et c’est un 110 % de l’actualité. Il y a peut-être plus de retenue, mais dans la facture visuelle, c’est ce qui se rapproche le plus de ce que 110 % a été.

François Gagnon

D’après l’œil expérimenté de Paul Rivard, « à L’antichambre, c’est la même affaire, mais c’est différent dans le ton ». « Nous autres, on est allés où personne n’était allé avant. Les ex, à Radio-Canada, ce sont d’anciens ministres qui font des débats, comme en sport où on réunissait d’anciens joueurs et d’anciens coachs. La joute, à TVA, c’est la même chose. La différence, c’est qu’ils ne sont pas autour d’une table. Ça marchait en sport. Pourquoi ça ne fonctionnerait pas en politique et dans les débats sociaux ? Ç’a été précurseur pour ce qui est du ton et ensuite tout le monde l’a refait. Comme Les débatteurs à Noovo… C’est nous autres qui avons sorti le mot “débatteurs”. »

D’une certaine manière, et les trois intervenants l’ont présenté ainsi, les artisans ayant travaillé autour de 110 % ont été des précurseurs. Ça relevait presque du génie. Tous les éléments, dans le contexte de l’époque, étaient réunis pour faire de cette idée saugrenue et simpliste au départ un succès dont on allait s’inspirer pendant des décennies. « Pour moi, 110 % n’a jamais été remplacée, juge Gagnon. L’antichambre est une émission qui est née des suites de 110 %, qui se voulait un peu différente, ouverte au débat, mais plus penchée sur l’information. Il y a un équilibre. Mais le déséquilibre a fait la renommée de 110 %. Et je le dis avec un grand sourire de satisfaction. On était souvent déséquilibrés dans l’amplitude de nos propos, dans la ferveur de nos propos et dans la quête de vouloir absolument avoir raison. »

Michel Bergeron, qui a travaillé pour tous les réseaux, voit bien qu’« on est passés à autre chose, à des émissions de fin de soirée plus calmes ». « Il n’y a jamais de débordement. Les animateurs font bien ça. Je pourrais même dire que c’est plus civilisé. »

Bergeron avance même qu’en raison de ces formats plus polis et du refus de dépasser les contours pour prévenir toute controverse, les émissions ayant pris le relais de 110 % ont en quelque sorte favorisé un adoucissement de la couverture du Canadien de Montréal.

L’ancien entraîneur des Nordiques de Québec et des Rangers de New York ne s’est pas fait prier pour commenter le traitement actuel offert aux membres du Canadien.

Dans notre temps, les coachs se faisaient challenger. Aujourd’hui, je regarde Martin St-Louis, et d’un soir à l’autre, son discours change et tout le monde semble d’accord. C’est tranquille. J’ai l’impression que les journalistes font partie de la gang. Tandis que dans le temps de 110 %, il y avait beaucoup de challenges. C’est sûr que dans le temps, il y avait des chroniqueurs. Avec la façon dont le Canadien joue depuis des années, si on était dans 110 %, c’est sûr que les dirigeants écouteraient.

Michel Bergeron

Et si les dirigeants et les joueurs prétendent toujours ne jamais écouter ou lire l’opinion des experts, Michel Bergeron, François Gagnon et Paul Rivard savaient très bien que leurs propos allaient rejoindre les employés du Canadien.

Dans tous les cas, ils ont certainement trouvé écho dans le cœur des Québécois, qui, 15 ans plus tard, se souviennent encore de cette émission trop culte pour être reprise et trop invraisemblable pour croire que c’est véritablement arrivé.