Olivier Jean revient de loin. En août 2007, le patineur de vitesse québécois s'est blessé gravement lors d'une chute à l'entraînement. Sous l'impact, la lame de son patin a sectionné un tendon près de sa cheville, le condamnant à une longue convalescence qui lui a fait manquer presque toute la saison de courte piste. «J'ai eu un bon cinq jours d'alcool et de dépression en sortant de l'hôpital», se remémore-t-il en souriant.

Quatorze mois ont passé et, à l'évidence, l'athlète de 24 ans ne porte aucune séquelle de sa mésaventure. Le mois dernier, à Vancouver, aux sélections nationales en vue des deux premières épreuves de la Coupe du monde, il a gagné deux courses et terminé deuxième au classement général, derrière Charles Hamelin.

 

«Mon objectif n'a pas changé, dit l'étudiant en kinésiologie à l'Université de Montréal, qui avait été la révélation canadienne lors de la saison 2006-2007. Je veux être champion du monde et je veux gagner aux Jeux olympiques. Je veux être sur la plus haute marche du podium à Vancouver en 2010.»

Les performances du patineur, qui se démarque par sa grande taille et ses longs dreads, ne surprennent pas le directeur du programme courte piste de Patinage de vitesse Canada, Yves Hamelin. «Il a repris la compétition en avril avec un engagement total. Il a travaillé avec un psychologue sportif et une nutritionniste et il a fait un travail très minutieux pour se présenter en très bonne condition physique en septembre.»

Pour Jean et le reste de l'équipe canadienne, le compte à rebours vers les Jeux commence officiellement aujourd'hui, à Salt Lake City, où se déroule d'ici à dimanche la première des six Coupes du monde de la saison. Une saison cruciale, au cours de laquelle l'équipe canadienne tentera d'affiner sa préparation en vue des JO, où les attentes seront plus grandes que jamais. Le Comité olympique canadien, qui vise la première place au tableau des médailles, a fixé un objectif de six podiums aux patineurs courte piste.

«La priorité cette année sera d'établir un modèle d'entraînement auquel on n'aura que de petits ajustements à apporter l'an prochain, dans les mois précédant les Jeux», dit l'entraîneur de l'équipe masculine, Derrick Campbell.

Histoire de profiter au maximum de «l'avantage de la glace», l'équipe nationale multipliera les visites à Vancouver d'ici février 2010. Déjà, un camp d'entraînement estival a été organisé au site de compétition olympique, le Pacific Coliseum, où ont également eu lieu les sélections nationales.

«Ça permet surtout de se familiariser avec l'aréna et la ville et d'y être à l'aise, explique Olivier Jean. Tu prends le feeling de l'endroit, tu sais où aller pour prendre une pause relaxation, où t'étirer. Ce sont des détails importants.»

Bonne nouvelle chez les garçons: tout le monde est santé. Olivier Jean a retrouvé la forme, Charles Hamelin a survolé les épreuves de sélection, avec cinq victoires en six courses, et François-Louis Tremblay, ralenti l'an dernier par une coupure à la jambe en début de saison, pète le feu lui aussi. Michael Gilday, patineur originaire des Territoires du Nord-Ouest qui s'entraîne à Calgary, et les Québécois Rémi Beaulieu et François Hamelin (le frère de l'autre) seront aussi sur la ligne de départ à Salt Lake.

Le portrait est moins rose du côté féminin. Kalyna Roberge, Tania Vicent et Amanda Overland, les trois patineuses canadiennes les plus expérimentées, manquent à l'appel en raison de blessures.

Roberge a subi un claquage du fléchisseur de la hanche et souffre de maux de dos, tandis que Vicent a dû recevoir une injection de cortisone à la hanche, au début du mois, pour éviter la réapparition d'une blessure subie il y a deux ans. Leurs cas seront réévalués le 1er novembre et il n'est pas exclu qu'elles participent aux troisième et quatrième Coupes du monde, plus tard cet automne.

La saison d'Overland, par contre, est fichue: victime d'une déchirure d'un cartilage de la hanche similaire à celle qui avait gâché la saison 2006-2007 de Vicent, elle a été opérée plus tôt cette semaine. Le dommage s'est avéré moins important qu'on ne l'avait craint, mais elle ne renouera pas avec la compétition avant l'an prochain.

Les volumes d'entraînement, à la hausse depuis quelques années, pourraient-ils expliquer la multiplication des blessures à la hanche chez les patineuses canadiennes? Chose certaine, le problème est devenu suffisamment fréquent pour que Patinage de vitesse Canada songe à embaucher un spécialiste de l'Université de Montréal pour étudier la question.

Ce serait une bonne initiative. Car la meilleure façon pour les patineurs courte piste de rater la cible exigeante qu'on leur a fixée pour les Jeux de 2010 serait assurément de se présenter à Vancouver avec une moitié d'équipe.