Deux circuits professionnels nord-américains ont fait des annonces importantes récemment en lien avec la lutte contre le dopage à l'hormone de croissance.

Le commissaire de la Ligue canadienne de football (LCF), Mark Cohon, a fièrement fait le bilan d'une première saison de tests sanguins en annonçant qu'une vingtaine de joueurs avaient été contrôlés pour détecter la présence de l'hormone de croissance synthétique.

Alors que de nombreux témoignages laissent soupçonner un usage répandu de ce produit dopant dans le sport professionnel nord-américain, la LCF reste le seul circuit majeur à avoir adopté une politique de contrôle en cours de saison. Pourtant, si Cohon assure que «les tests sanguins sont des éléments essentiels d'un programme antidopage sérieux», ce n'est encore qu'une toute petite proportion des joueurs - 20 sur environ 450 - qui ont été contrôlés et les tests n'ont été imposés qu'à l'entraînement.

«C'est encore peu, c'est vrai, mais il s'agit néanmoins d'un grand pas en avant», a souligné Tony Fiorentino, responsable du dossier au Centre canadien pour l'éthique dans les sports (CCES), l'organisme qui gère l'ensemble des stratégies antidopage au Canada.

«Les circuits professionnels et surtout les associations des joueurs ont toujours été réticents à autoriser les tests sanguins. En prenant le leadership dans ce domaine, en indiquant de façon non équivoque qu'ils entendaient s'attaquer au problème, les dirigeants de la LCF ont vraiment été des pionniers.»

Changement de culture

Le baseball majeur, longtemps à la traîne en raison notamment de la présence de Donald Fehr à la tête de l'Association des joueurs, vient d'autoriser à son tour les tests sanguins. Si ces tests ne seront d'abord réalisés qu'avant et après la saison, leur nombre - 1200 - propulse le baseball aux avant-postes de la lutte contre le dopage.

«Il faut comprendre qu'il s'est fait environ 3000 tests sanguins l'an dernier partout dans le monde, a rappelé la directrice du laboratoire de l'INRS, Christiane Ayotte. Le baseball majeur permet d'augmenter ce total d'environ 40% d'un seul coup!»

Le directeur général de l'Agence mondiale antidopage (AMA), David Howman, a reconnu la semaine dernière en téléconférence que les circuits professionnels nord-américains évoluaient, lentement, mais véritablement, sur la question du dopage. Le baseball majeur, en particulier, est devenu un partenaire intéressé.

«L'arrivée de Michael Weiner en 2009 (en remplacement de Fehr) a permis de débloquer la situation, a souligné Howman. L'introduction de contrôles sanguins dans la nouvelle convention collective est très significative. Nous pouvons enfin dire que le baseball majeur prend une position de pointe dans la lutte antidopage. C'est très important pour leur crédibilité... et pour la nôtre.»

»Le moment était venu»

Selon Christiane Ayotte, l'ensemble des responsables de la lutte antidopage savaient que le début des années 2010 serait un tournant. Inévitablement, des contrôles plus rigoureux, avec des tests sanguins, allaient être inclus dans les conventions collectives en cours de négociation.

«On savait que les grands circuits professionnels n'avaient plus le choix et que ça s'en venait, a noté Mme Ayotte. La question était de savoir qui bougerait le premier et on a été surpris quand les dirigeants de la NFL ont indiqué leur intention d'introduire des tests sanguins. Pas étonnant qu'ils aient reculé sous la pression des joueurs... La NBA étant en lock-out, c'est le baseball majeur qui a pris les devants.»

La NFL avait effectivement prévu un programme plus musclé, mais il a été mis sur la glace quand les joueurs en ont fait une condition dans le processus de renouvellement de leur convention collective. Les pressions sont toutefois fortes sur les deux parties pour régler la question rapidement. David Howman a d'ailleurs déclaré récemment à New York: «Leur position (de l'AJLNH) n'est pas fondée sur la science. Il est toujours préférable de se soumettre à un test que de le refuser, car on donne alors l'impression qu'on a quelque chose à cacher...»

Dans la NBA, une entente de principe est intervenue la semaine dernière, mais le programme antidopage fait partie des éléments «secondaires» qui n'ont pas encore été négociés.

C'est l'équipe du Dr Ayotte qui a été choisie pour administer le programme du baseball majeur et faire les 1200 tests durant les camps d'entraînement et après la saison. «Cela représente un gros changement de culture pour le baseball, a expliqué la spécialiste. Les athlètes amateurs sont habitués aux tests antidopage, pas les joueurs de baseball.

«En commençant au camp d'entraînement puis après la saison, on aura le temps de former tout le monde. Avec 1200 tests, c'est un gros programme. C'est certain qu'on va se revoir après la saison pour discuter des résultats et apporter les ajustements nécessaires. Cela dit, il faudrait vraiment faire la fine bouche pour critiquer les efforts du baseball majeur.»

Faire peur aux coupables

Le Dr Ayotte est plus sévère à l'endroit de la NFL et surtout de l'association des joueurs, qui a émis des doutes sur la fiabilité des tests. «Leur position est peu crédible, estime-t-elle. Les tests ont démontré leur fiabilité, à l'intérieur bien sûr des limites scientifiques connues.

«C'est ridicule d'exiger une étude spécifique de la population (en sous-entendant que les joueurs de football ont des caractéristiques biologiques différentes des celles des autres athlètes). À la limite, les joueurs de la NBA sont dans une situation différente - certains présentent effectivement des caractéristiques liées à des désordres hormonaux -, mais pas les joueurs de football.

«Le blocage actuel est affaire de politique et je ne doute pas qu'on trouvera une solution bientôt parce que tous les intervenants, même les dirigeants de l'Association des joueurs de la NFL, vont comprendre qu'ils n'ont pas le choix.»

Pour déceler le dopage à l'HGH, le test doit être réalisé rapidement et le vrai défi des spécialistes consiste à travailler de façon plus «intelligente». «Pour être efficaces, les tests doivent faire peur, souligne le Dr Ayotte. Quand on constate que même de jeunes athlètes québécois succombent à la tentation du dopage - comme on l'a vu récemment -, c'est qu'ils n'ont pas peur des tests.

«C'est en testant de façon plus ciblée, en se donnant les moyens de faire peur aux coupables, qu'on pourra faire progresser la lutte contre le dopage à l'hormone de croissance et aux autres produits de ce type.»