Paralysée, elle retrouve l'usage des ses jambes à la suite... d'un accident! Monique van der Vorst a adopté une façon bien à elle de voir les choses et a fait sienne l'une des pensées philosophiques de Friedrich Nietzsche: «Tout ce qui ne me tue pas, me rend plus fort». «Si tu n'aimes pas ta situation, change-la, dit-elle. Si tu ne peux la changer, change d'attitude, mais ne te plains pas.»

S'il suit sa routine habituelle, le père Noël survolera ce soir la banlieue d'Amsterdam où vit Monique van der Vorst, six heures avant d'amorcer sa grande virée au-dessus du Québec.

Malgré ses 27 ans, l'athlète néerlandaise l'attendra avec impatience. Pour lui arracher des mains l'un des cadeaux qu'il lui réserve? Non! Pour le serrer tendrement dans ses bras en appuyant sa belle tête blonde contre sa barbe blanche. Mais aussi, mais surtout, pour lui dire merci. Mille fois merci.

Depuis deux ans, le père Noël a été généreux à l'endroit de sa «petite Monique»: clouée dans un fauteuil roulant depuis le début de l'adolescence, l'ancienne athlète paralympique de niveau international - deux fois médaillée d'argent en vélo à mains aux Jeux de Pékin - a retrouvé l'usage de ses jambes en juillet 2010.

«Après un tel cadeau, tu n'attends plus rien. Voilà que je viens d'obtenir ma place au sein de l'équipe féminine de vélo de la Rabobank. Que je vais avoir l'occasion de rouler, sur deux roues, aux côtés de mon idole et grande championne: Marianne Vos. Je suis une femme et une athlète comblée», a reconnu la «miraculée», avec qui j'ai eu la chance de converser plus tôt cette semaine.

Personne ne peut certifier que c'est le père Noël qui a redonné à Monique van der Vorst l'usage de ses jambes. Ça non. Mais comme aucun médecin n'a encore pu expliquer ce «miracle», personne ne peut le nier non plus.

«Disons qu'il s'agit d'un cadeau du ciel», tranche la jeune femme.

Mais quand on réalise les circonstances qui ont conduit Monique van der Vorst à son fauteuil roulant et celles qui l'en ont sorti, il est sérieusement permis de se demander si le père Noël n'est pas intervenu à un moment donné pour dire: assez, c'est assez!

Série d'accidents

En mars 2010, alors que Monique van der Vorst roule à fond la caisse à l'entraînement sur une route de Majorque, dans les Îles Baléares, son vélo à mains est télescopé par celui d'un autre athlète.

L'accident est sérieux. L'impact est sévère. Deux ans avant la tenue des Jeux de Londres, l'athlète se retrouve une fois encore étendue sur un lit d'hôpital.

Bien que paralysée depuis une opération à une cheville subie à l'âge de 13 ans - opération qui avait mal tourné au point de lui paralyser la jambe gauche, d'hypothéquer son genou droit et de la confiner à un fauteuil roulant - Monique est secouée par des spasmes qui descendent dans ses jambes.

Les médecins n'y comprennent rien.

Car en plus des conséquences désastreuses de cette opération effectuée en 1998, Monique van der Vorst a été victime en avril 2008 d'une collision avec une voiture, lors d'un entraînement à Tampa Bay. Cette collision aurait pu lui coûter la vie. À sa sortie du coma, le verdict était tombé: rupture partielle de la moelle épinière au niveau de la quatrième vertèbre cervicale et paralysie de la ceinture aux orteils.

D'où l'incrédulité des médecins aux Îles Baléares qui la soignent deux ans plus tard. «Je sentais vraiment quelque chose», assure l'athlète, jointe à son domicile aux Pays-Bas.

Le miracle se produit

Transportée des Îles Baléares à sa Hollande natale, la jeune femme est hospitalisée depuis plus de trois mois lorsque le miracle se produit.

«L'inactivité me rendait folle. Et les spasmes m'épuisaient en plus de provoquer des douleurs insupportables. Pis encore, mon corps s'atrophiait au point que je n'avais plus qu'une main qui répondait. Une nuit, je me suis mise à serrer le poing pour regagner un peu de force dans cette main. C'est là que j'ai senti un chatouillement dans un de mes pieds. Les médecins ont fait des tests. Ils ne décelaient rien. Mais même s'ils ne comprenaient pas vraiment ce qui arrivait, ils m'ont encouragée. Ma jambe a bougé un peu, puis un peu plus. Trois mois plus tard, je marchais. J'ai commencé par quelques pas, par me tenir debout 5 minutes, puis 10. J'ai repris l'entraînement aussitôt que je l'ai pu et me voici rendue cycliste professionnelle. Je ne veux plus m'asseoir. Je veux marcher, pédaler, courir. J'ai hâte de compléter un premier marathon en course à pied après en avoir effectué plusieurs en vélo à mains», m'expliquait la jeune femme avec passion et entrain.

Nouvelle vie

Cette histoire, Monique van der Vorst l'a racontée 1000 fois depuis qu'elle s'est remise à marcher. «Je suis prête à la raconter tous les jours s'il le faut.»

Elle n'y manque d'ailleurs pas. Surtout que son embauche au sein de l'équipe Rabobank lui a permis de faire les manchettes aux quatre coins du monde.

«Mon histoire est beaucoup plus connue que moi. Une blonde passe inaperçue ici vous savez. Ce qui est drôle, c'est d'entendre des gens parler de mon histoire sans savoir que je suis juste là, à côté d'eux. Ce matin, j'étais chez un médecin pour compléter tous les tests réclamés par mon équipe de vélo. Vous auriez dû voir la surprise dans son visage lorsqu'il a réalisé qui j'étais.»

Monique van der Vorst savoure tout ce que sa nouvelle vie lui apporte.

«J'étais une enfant très active, mais j'avais peu de souvenirs de moi en train de courir. C'est magnifique de pouvoir le faire. Mais c'est dans les petits détails que je réalise à quel point la vie est facile lorsqu'on a nos deux jambes. Je regarde les gens dans les yeux maintenant. Je peux prendre part à des conversations alors qu'avant, les paroles flottaient au-dessus de ma tête sans vraiment m'atteindre. Et je dois dire que j'ai fait un saut lorsque je me suis vue de la tête aux pieds debout devant un miroir.»

En plus de poursuivre ses études en science des mouvements corporels - un mélange de médecine sportive, de biomécanique et de kinésithérapie - et de s'entraîner plus de 30 heures par semaine, Monique van der Vorst rencontre des groupes - handicapés ou non - à qui elle livre des messages de motivation.

«Je parle de mon aventure. Mais je m'assure aussi de ne jamais offrir de faux espoirs aux handicapés. Je ne veux pas qu'ils se mettent à prier en pensant que ce qui m'est arrivé leur arrivera aussi. Je tiens surtout à leur faire comprendre qu'ils peuvent vivre une vie pleine, entière et heureuse comme je le faisais avant. Qu'ils doivent rester forts mentalement et s'occuper de leur corps pour garder la forme et la santé. C'est la base de tout.»

Un livre intitulé Ik loop! (Je marche) dans lequel Monique Van Der Vorst raconte en détail l'aventure de sa vie sera publié en avril prochain.

D'ici là, elle s'entraînera afin de bien amorcer sa première saison de vélo dans les rangs professionnels. Sera-t-il possible de la voir dans les rues de Londres l'été prochain?

«Ce serait rêver en couleurs. Je suis en grande forme, j'ai une grande force de caractère, mais je dois tout apprendre de la course et des stratégies. Heureusement, je roule au sein d'une équipe merveilleuse. Je vais me donner à fond pour apprendre vite et bien, mais j'évalue mes chances de me rendre à Londres à 1 %, pas plus», a conclu la jeune femme, résignée.

Ça ne veut toutefois pas dire qu'elle n'y sera pas. Car, à bien y penser, les chances que Monique van der Vorst retrouve l'usage de ses jambes étaient de beaucoup inférieures à 1 %.