Karen Paquin a fait son lit. Cette saison, ce sera le rugby à 15 et la Coupe du monde. Quitte à faire une croix sur le rugby à 7 et l'argent qui vient avec.

Membre importante de l'équipe canadienne de rugby à 7 médaillée de bronze aux Jeux olympiques de Rio, l'athlète de 29 ans s'est retrouvée devant un choix à son retour au pays. Son entraîneur John Tait lui a indiqué qu'elle ne pourrait partager son temps entre les deux versions du sport comme elle le souhaitait.

«L'entraîneur du 7 souhaite une coupure assez franche entre le rugby à 7 et le rugby à 15», a expliqué Paquin plus tôt cette semaine.

Si elle s'engageait avec l'équipe à 15 en vue d'une participation à la Coupe du monde en Irlande l'été prochain, elle ne pourrait donc rejoindre le programme à 7 au sein duquel elle s'entraînait à Victoria depuis 2013. Du coup, elle n'aurait pas non plus droit à l'allocation mensuelle de Sport Canada et au supplément de revenu désormais fourni par Rugby Canada, ce qui représente une somme totale d'environ 30 000 $.

Les JO ne présentant pas de rugby à 15, le sport ne reçoit pas de soutien des organisations subventionnaires comme le Comité olympique canadien, À nous le podium et B2Dix.

À contrecoeur, Paquin a dû choisir. Elle n'a pas hésité, même si elle considère la situation comme un «non-sens». Elle est la seule joueuse canadienne à avoir pris part aux 20 tournois des Séries mondiales, le circuit de compétitions le plus relevé.

Depuis le deuxième rang du Canada à la Coupe du monde de 2014, elle veut cependant reprendre du service avec le 15. La défaite en finale contre l'Angleterre lui est restée «un peu sur le coeur». Elle sent qu'elle a «encore quelque chose à prouver» avec un groupe renouvelé qui a retrouvé sa deuxième position au classement international.

Le rugby à 15 représente aussi parfaitement le côté «familial» et «inclusif» qu'elle a toujours vanté de son sport, où chaque individu, petit ou costaud, vite ou lent, peut trouver sa place.

La Coupe du monde de Dublin et Belfast (8-26 août) est la prochaine grande échéance internationale. À court terme, il était donc tout naturel pour la native de Québec de prioriser le 15 plutôt que le 7 et les JO de Tokyo en 2020.

«De par sa nature, le rugby est un sport où tu ne sais pas combien de temps tu pourras continuer à jouer. Il est peut-être plus important pour moi de me concentrer sur la prochaine grande compétition plutôt que de tout laisser en plan pour quelque chose qui est dans quatre ans.»

Elle dit être la seule joueuse à avoir pris cette décision. En 2014, les Canadiennes avaient pu participer aux deux projets en parallèle. John Tait, entraîneur-chef de l'équipe à 7, a fait savoir que ce ne serait plus possible dans ce cycle olympique. Karen Paquin a écouté ses arguments, sans se laisser convaincre.

«On a un avis différent sur le fait que le rugby à 7 et le rugby à 15 peuvent être complémentaires, explique-t-elle. Ce sont deux sports, mais les règlements et les habiletés requises sont les mêmes, que tu pratiques l'un ou l'autre.»

Elle fait valoir qu'un passage dans le programme à 15 représente une plus-value pour le 7. «À mes yeux, c'est comme ça que tu deviens meilleure. En jouant des matchs, en étant en contact avec des entraîneurs différents, en évoluant dans une structure différente. C'est en sortant de ta zone de confort que tu apprends. Il y a une petite période d'adaptation quand tu reviens, mais après, tu deviens 10 fois meilleure.»

Tait, avec qui elle entretient «une belle relation», lui a proposé de s'installer à Victoria de janvier à juin. Elle retrouverait alors son financement, mais devrait en revanche faire une croix sur le 15 durant cette période, un aménagement qu'elle a refusé. L'entraîneur n'était pas disponible pour une entrevue mercredi, a fait savoir un porte-parole de Rugby Canada, qui n'a pas répondu à une relance hier.

Karen Paquin espère encore faire changer les choses. «Cette espèce de coupure entre deux sports qui devraient travailler main dans la main est pour moi un non-sens.»

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Hospitalisée

Peu après son retour des Jeux olympiques, Karen Paquin s'est retrouvée d'urgence sur une table d'opération après une crise d'appendicite aiguë. «J'ai été chanceuse parce que j'ai enduré la douleur quatre jours avant d'aller à l'hôpital, a-t-elle raconté. Ils l'ont pris juste à temps avant que ça devienne une péritonite, ce qui aurait été beaucoup plus grave.» Trois semaines après une appendicectomie, elle a repris l'entraînement très doucement lundi.

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Égalité?

Au lendemain de Jeux olympiques marqués par des prestations dominantes de la part des Canadiennes, Paquin se désole que le sport féminin n'occupe pas plus d'espace dans les médias et la psyché collective. Elle veut en faire l'un de ses chevaux de bataille dans les prochaines années, avec l'espoir d'inspirer les jeunes filles, nombreuses à abandonner le sport au début de l'adolescence. «D'après ce que je constate, quand on présente du sport féminin à la télé, les gens aiment ça, a-t-elle souligné. Tellement de gens m'ont dit qu'ils ont adoré voir du rugby féminin. Ils ont aimé ça et on parle d'un sport qu'ils ne connaissent même pas. [...] Pourquoi n'en présente-t-on pas plus entre les Jeux olympiques?»