Tous les plus grands groupes de musique de l’histoire ont atteint l’extase grâce à l’unicité de chacun de leurs membres. L’équipe féminine canadienne de natation est un peu comme ça. Elle revient des Mondiaux de Budapest avec une récolte historique, alors qu’elle est en train de vivre les meilleurs moments de son histoire.

« On vit les meilleures années de la natation canadienne », estime Benoit Huot, ancien nageur, multiple médaillé paralympique et analyste à Radio-Canada.

Le Canada a récolté 11 médailles, dont 3 en or, bon pour le quatrième rang au tableau des médailles. Une semaine que Huot décrit comme étant « au-delà des attentes ».

Après leurs six médailles gagnées aux Jeux olympiques de Tokyo il y a dix mois, les nageurs canadiens poursuivent sur leur lancée, surtout du côté féminin. Précisément parce que cette équipe a réuni tous les éléments pour gagner.

C’est comme un band. Les très bons groupes sont toujours au sommet pendant 10 ou 15 ans et ça s’estompe, parce que des membres quittent. En natation, ce sont les athlètes qui prennent leur retraite. Tout a commencé en 2015-2016 pour ce noyau et elles se sont suivies.

Benoit Huot

Ce noyau est mené de main de maître par Penny Oleksiak et Kylie Masse. Les nageuses de 22 et 26 ans ont encore brillé aux Mondiaux. Oleksiak a remporté quatre médailles aux relais, tandis que Masse est devenue championne du monde pour la troisième fois de sa carrière, en plus d’avoir amassé deux autres médailles.

Se sont greffées au cours des dernières années Maggie Mac Neil, Taylor Ruck, Rebecca Smith, Kayla Sanchez et Summer McIntosh, entre autres. « Summer va nager après Paris, mais c’est possible que certaines se retirent après 2024. Alors c’est hyper motivant, et je crois que les filles aimeraient garder ce momentum, et la majorité d’entre elles s’entraînent ensemble au quotidien à Toronto. »

D’ailleurs, Huot croit que le succès des nageuses canadiennes s’explique grâce à l’encadrement fourni aux athlètes au Centre de haute performance à Toronto.

Le paralympien était toutefois un peu inquiet avant le début des Mondiaux, puisque l’équipe n’allait pas être menée par Ben Titley, prolifique entraîneur-chef de la formation dont le contrat n’a pas été renouvelé par Natation Canada en mars. C’est grâce à lui que les Oleksiak, Masse et McIntosh sont parvenues à atteindre les plus hauts sommets. « Ben Titley est un magicien. Le genre de gars qui amène une étincelle dans un programme d’entraînement », estime Huot. Cependant, son remplaçant, Ryan Mallette, a fait un excellent travail depuis son entrée en poste. Huot craint toutefois que l’absence de Titley se fasse ressentir à moyen terme pour des nageuses d’expérience.

La force tranquille

Kylie Masse compte quatre médailles olympiques et huit en championnats du monde. Elle a tout gagné, sauf l’or olympique. L’Ontarienne n’est peut-être pas la plus volubile ou la plus connue, mais elle demeure la nageuse la plus constante au pays, voire de la planète. La spécialiste des épreuves de dos mérite plus de reconnaissance, pense Huot.

PHOTO PETR DAVID JOSEK, ASSOCIATED PRESS

Kylie Masse a remporté l’or au 50 m dos.

C’est la force tranquille de cette équipe de natation. Elle est toujours présente. Il y a peu d’athlètes, tous pays confondus, qui ont une constance comme Kylie Masse.

Benoit Huot

Masse est la pièce maîtresse de cette équipe, par son expérience, mais aussi par sa manière d’aborder son sport : « C’est l’une des plus travaillantes. Je crois que même si elle est tranquille, Kylie est le noyau central de cette équipe. C’est elle qui rassemble tout le monde et qui inspire les autres filles. C’est tout un modèle et un exemple pour cette équipe. »

La jeune prodige

Summer McIntosh avait fait écarquiller bien des yeux lorsqu’elle avait participé aux Jeux de Tokyo à l’âge de 14 ans. Elle a récemment impressionné tout le monde en devenant championne du monde et quadruple médaillée à seulement 15 ans.

PHOTO PETR DAVID JOSEK, ASSOCIATED PRESS

Summer McIntosh a remporté l’or au 400 m quatre nages samedi, établissant par le fait même un nouveau record du monde junior.

« Elle a pris du coffre dans les 10 derniers mois. Elle était menue et toute petite à Tokyo. Elle est encore très jeune et très petite, mais elle est beaucoup plus solide du haut du corps. On dirait qu’elle a grandi, elle a pris confiance dans la dernière année et c’est ce qui la démarque », explique Huot.

McIntosh est un diamant brut. Le genre de talent qui ne passe qu’une fois par génération. Elle a abaissé plusieurs marques mondiales et même si elle n’a pas encore fini l’école secondaire, elle rivalise avec les meilleures nageuses de la planète. « On souhaite qu’elle soit là pour les 10 prochaines années. »

Grâce à elle et aux autres membres de l’équipe qui viennent de franchir la vingtaine, l’avenir de la natation canadienne, c’est maintenant.