Il n’y a pas d’âge pour tomber amoureux… d’un sport. Pour se découvrir une nouvelle passion. Pour se dépasser. Et même pour réaliser ses rêves. Parlez-en à Claude Lagueux.

« Félicitations Claude Lagueux ! […] Vous avez obtenu une place de qualification au sein de l’équipe canadienne par groupe d’âge pour les Championnats du monde de triathlon sprint et relais de 2023. »

Cet extrait est tiré d’une lettre qu’a récemment reçue M. Lagueux. Tout en haut apparaît le logo de Triathlon Canada.

« J’étais tellement énervé ! s’exclame le Bromontois au bout du fil. Pendant deux jours, je me suis dit : “Ça ne se peut pas, ce n’est pas moi, c’est impossible !” J’ai de la difficulté à y croire. Je n’ai pas de mots. »

C’est que M. Lagueux a 70 ans. Et sa « folle aventure », comme il l’appelle, n’a commencé qu’il y a quelques années…

À 62 ans, M. Lagueux a pris sa retraite et décidé de commencer à marcher avec son chien Gucci sur la piste cyclable derrière sa demeure. Par curiosité, il a essayé de courir, mais au bout de 20 mètres, il s’est rendu à l’évidence : il n’était pas en forme.

« Alors, j’ai commencé tranquillement à m’entraîner à l’extérieur, en cachette si on veut, parce que ça me gênait un peu de ne pas être très en condition ! »

PHOTO FOURNIE PAR CLAUDE LAGUEUX

Claude Lagueux participera aux prochains Championnats du monde de triathlon sprint et relais.

Un bon matin, il est tombé sur un reportage de La Presse au sujet d’un groupe de personnes âgées qui pratiquaient le tennis, la course ou la nage. « Ça m’avait impressionné. J’ai dit : “Il n’y a rien d’impossible, je vais m’y mettre.” »

Graduellement, M. Lagueux a commencé à courir avec Gucci. Puis, il s’est intégré à un club de cani-cross — du cross-country avec chien —, jusqu’à prendre part à trois compétitions.

Le septuagénaire a ensuite décidé de courir sans son fidèle compagnon. « Parce que là, on ne peut plus mettre la faute sur le chien si on ne fait pas une bonne performance ! »

En compagnie de son gendre Mario Foucault, il a d’abord parcouru 5 km. Puis 10. Au bout de deux ans, M. Foucault, qui était en quelque sorte devenu son entraîneur, l’a invité à faire le demi-marathon de Montréal avec lui.

« Ç’a été assez d’efforts et de préparation, se souvient M. Lagueux. Ça m’a pris une bonne année. Ce n’est quand même pas facile. Il fallait que je m’entraîne régulièrement, mais je l’ai fait avec enthousiasme parce que j’ai beaucoup de plaisir dans le processus. »

De la course au triathlon

Quelques semaines après son premier demi-marathon, M. Lagueux s’est blessé à une cheville. Forcé d’arrêter de courir, il était « un peu malheureux ». Il a donc essayé la natation, puis le vélo ; deux sports qui ne lui créaient pas de douleur. Comme il n’a pas l’habitude de faire les choses à moitié, il a pris part à différentes compétitions de vélo, comme le Gran Fondo des Cantons-de-l’Est.

Maintenant qu’il faisait du vélo assidûment et qu’il nageait, M. Lagueux s’est lancé de nouveau dans sa passion première, la course. « C’est là que quelqu’un m’a dit : “Tu devrais peut-être faire un triathlon !” », relate-t-il dans un rire sympathique.

Accompagné de son mentor Daniel Habel, M. Lagueux a entamé une longue préparation en vue du Triathlon Esprit de Montréal 2020. Il a fait preuve d’une grande discipline. M. Habel a d’ailleurs dû l’avertir de ne pas trop pousser pour ne pas se blesser.

En fait, M. Lagueux a fait toutes les erreurs de débutant, affirme-t-il. « Quand on fait un triathlon comme ça, il faut avoir des barres énergétiques. Moi, j’avais préparé un petit lunch avec un sandwich. Mario m’a dit : “Voyons, tu ne t’en vas pas luncher. Tu t’en vas faire une course. Enlève-moi tout ça !” »

À plusieurs reprises au cours de l’entrevue, l’homme de 70 ans répète, comme pour nous prévenir, qu’il est « un amateur » et non « un vrai pro ». « Mais ça m’amuse, tout ça ! », ajoute-t-il.

La lettre

Au cours des trois dernières années, M. Lagueux a terminé trois triathlons sprints et un olympique. « Je suis peut-être un peu lent, mais ça ne me dérange pas. Je le fais avec le plaisir », souffle-t-il.

Le 17 juillet dernier, il a décidé de s’inscrire au triathlon de Memphrémagog, une course de qualification pour l’équipe canadienne. Surtout pour le plaisir, comme d’habitude. Sauf qu’il a finalement reçu la lettre lui annonçant qu’il peut prétendre à une place chez les 70-74 ans pour les prochains Championnats du monde de triathlon sprint et relais, qui auront lieu à Hambourg, en Allemagne, du 13 au 16 juillet 2023.

« J’ai l’impression d’avoir accompli quelque chose, de me rendre quelque part. Souvent, on dit qu’un objectif, ça donne un sens à la vie. Moi, j’avais un objectif et c’était de participer. »

PHOTO FOURNIE PAR CLAUDE LAGUEUX

« Oui, c’est faisable de faire du sport même si on a 70 ans », dit Claude Lagueux.

M. Lagueux a confirmé sa présence aux Mondiaux, après avoir hésité à y prendre part en raison de différents facteurs qui entraient en ligne de compte, comme les coûts et la préparation, qui sera encore plus grande que d’habitude.

« À 70 ans, il faut que je fasse attention pour ne pas me blesser, rappelle-t-il. […] Il faut que je sois constant, régulier, que mes distances et ma concentration soient là. J’ai une préparation physique, psychologique, technique et tactique. »

En racontant son histoire, M. Lagueux souhaite surtout véhiculer un message : « Oui, c’est faisable de faire du sport même si on a 70 ans. »

D’ailleurs, quand on lui demande s’il a d’autres objectifs dans le sport, le septuagénaire pousse un rire franc et contagieux.

« Pas vraiment ! s’exclame-t-il. J’ai tellement commencé ça pour le plaisir. Je me suis beaucoup fié à mon intuition. Il faut que je respecte aussi mon corps, qui m’en a donné beaucoup depuis huit ans. Si je suis capable d’aller jusqu’[aux Mondiaux], ce serait extraordinaire. Mais je n’ai pas vu plus loin, si ce n’est que de rester en santé le plus longtemps possible. »

Tout part de là, en réalité.