La gymnaste québécoise Laurie Denommée a gagné le bronze à l’épreuve par équipes des Championnats du monde de Liverpool, une première pour le Canada, qui se qualifie pour les Jeux olympiques de Paris.

La présence de Laurie Denommée aux Championnats du monde de gymnastique de Liverpool est presque devenue un gag récurrent dans l’équipe canadienne.

À sa première sélection pour les Mondiaux en 2018, l’athlète de Saint-Eustache s’était blessée à une cheville la veille de son départ au Qatar, ce qui l’avait empêchée de prendre part à la compétition.

Après une longue réadaptation, la pandémie et les Jeux olympiques de Tokyo, où elle avait dû se contenter du rôle de remplaçante, Denommée croyait bien connaître son baptême au plus haut niveau l’an dernier, aux Mondiaux de Tokyo.

Mais une infection à la COVID-19, plusieurs semaines avant l’évènement, a bouleversé les plans. Comme ses tests de détection revenaient toujours positifs, elle a requis un avis médical certifiant sa non-contagion. En vain, puisque les autorités japonaises ont refusé son entrée au pays une journée avant son vol.

Les pilules ont été dures à avaler. « Je n’ai jamais abandonné, et j’ai bien fait », s’est félicitée la jeune femme lors d’une conversation virtuelle depuis l’Angleterre, mercredi après-midi.

C’est comme s’il fallait vraiment que mes premiers championnats du monde soient une belle expérience. Dans le fond, ça a été des hauts et des bas pendant quatre ans. Mais ça a valu la peine.

Laurie Denommée

À la demande du journaliste, Denommée a saisi la médaille de bronze reçue la veille à l’issue de la finale du concours par équipes et l’a montrée à la caméra.

Avec la triple olympienne Ellie Black et les recrues Denelle Pedrick, Emma Spence et Sydney Turner, 17 ans à peine, la Québécoise a procuré au Canada une toute première médaille à cette épreuve.

Ce podium historique assure également au pays une place aux Jeux olympiques de Paris en 2024. Cette qualification hâtive permettra aux gymnastes canadiennes de souffler aux prochaines compétitions de sélection comme les Mondiaux de 2023 et les championnats panaméricains de 2024.

« On va prendre ces compétitions comme de la pratique. On va essayer de nouvelles choses. C’est moins de pression de ce côté-là. »

Rien à perdre

Classées de justesse pour la finale à huit pays, les Canadiennes se sont élancées avec le sentiment de n’avoir rien à perdre.

« Notre but était vraiment juste de s’amuser, a assuré Denommée. On se disait : “On ne peut pas être pires que huitièmes. On va seulement faire ce dont on est capables.” »

Après une bonne prestation en qualifications (22e), la gymnaste de 22 ans a lancé le bal au sol, son agrès favori, en finale.

« Peu importe l’appareil, c’est dur de passer première. Tu veux bien démarrer la compétition pour que les autres filles aient moins de pression. C’est quand même beaucoup de pression, mais j’aime beaucoup le sol et j’ai confiance en ce que je fais. Je voulais donc montrer ce dont j’étais capable et aussi avoir du fun »

Mené par Black, le Canada a réussi 12 exercices constants sur 12, profitant de chutes et d’erreurs de pays mieux classés pour se hisser jusqu’à la troisième place derrière les États-Unis et la Grande-Bretagne. « Je pense que pas mal tout le monde était surpris, a raconté Denommée, qui s’est limitée à sa prestation au sol en finale. Autant nous que les autres pays. »

PHOTO BEN STANSALL, AGENCE FRANCE-PRESSE

Laurie Denommée sur le podium (deuxième à partir de la droite)

Les célébrations ont été riches en émotions. « Je n’y croyais pas ! Même encore aujourd’hui, je n’y crois pas vraiment. Je vois la médaille, mais je ne comprends pas. J’étais super contente, vraiment fière de toute l’équipe. Tout le monde a travaillé fort. On s’encourageait, on se soutenait tout le long de la compétition. »

C’est juste un moment incroyable. Jamais je n’aurais pensé vivre ça, surtout pas à mes premiers championnats du monde.

Laurie Denommée

De quoi mettre en perspective ses déceptions des dernières années. « Je ne pense pas que ça les efface. Ça m’a même beaucoup marquée. Ça m’a fait beaucoup de peine quand c’est arrivé. Mais je suis rendue ici aujourd’hui grâce à ça. Ça m’a motivée et forcée à continuer. »

La qualification pour Paris n’est pas une garantie pour les gymnastes sur le plan individuel. Les entraîneurs attendront évidemment 2024 pour sélectionner les cinq athlètes les plus performantes à l’approche des Jeux.

« Les prochaines années, ce sera vraiment de bien faire en compétition et d’essayer de montrer que j’ai ma place dans l’équipe », a conclu Denommée.

Un nouvel entraîneur

Denommée a eu à surmonter un autre obstacle à deux mois des Mondiaux : le départ de son entraîneur Frank Kistler, devenu coach de l’équipe féminine suisse. Le Français d’origine la dirigeait depuis 2015 au club Mégagym, à Blainville. La médaillée d’argent au saut aux Jeux du Commonwealth s’est tournée vers Claude Pelletier au club Wimgym, dans l’Ouest-de-l’Île. « Dès que je suis arrivée, je leur ai dit : “Je veux faire les championnats du monde”. Ils m’ont bien aidée là-dedans et on s’est bien préparés. »

Un milieu « plus sain »

À 22 ans, Denommée s’estime dans la moyenne d’âge des meilleures gymnastes au monde. À une certaine époque, la tendance favorisait les adolescentes : « En 2012 ou en 2016, tu avais ton pic de performance à 16-17 ans. Le sport est devenu un plus sain, un peu moins intense. On essaie de vraiment plus protéger les gymnastes et les athlètes, qui sont capables de rester dans le sport plus longtemps. Il y a quelques années, je t’aurais dit que je suis très vieille… » Dans la même veine, un nouveau phénomène a été observé à Liverpool : les gymnastes de la NCAA, circuit où le nombre d’heures d’entraînement est plafonné à 20 et où les contraintes techniques sont moins élevées, continuent à s’illustrer au plus haut niveau. Les États-Unis en comptaient trois dans leurs rangs, de l’inédit. Deux des cinq Canadiennes aux Mondiaux évoluent également dans le circuit universitaire américain. « D’habitude, elles vont là plus vers la fin de leur carrière, mais on dirait que ça change un peu, a souligné Denommée. Les gymnastes commencent à voir que c’est possible de faire les deux. C’est le fun. » Elle fait de son côté un baccalauréat en kinésiologie à l’Université de Montréal et projette ensuite de faire une maîtrise en nutrition sportive.