Martin Grenier n’a jamais cessé de rêver. L’ancien sprinteur a toujours voulu revivre l’expérience olympique. Son objectif est sur le point de se concrétiser, mais dans un rôle différent. Pour ce faire, il devra traverser la planète d’un bout à l’autre.

Contrairement à Félix Leclerc, Grenier ne piétinera pas la lune, mais plutôt la grande muraille de Chine, colonne vertébrale de l’Empire céleste.

Le 15 mai, le Sherbrookois sera à l’amorce d’une épopée de trois mois. Il les passera en Chine, à entraîner les meilleurs sprinteurs du pays. Il s’arrêtera aussi en Italie, pour un court camp d’entraînement. Cette aventure le mènera aux Jeux olympiques de Paris, l’été prochain, 20 ans exactement après son propre baptême olympique à l’épreuve du relais 4 X 100 mètres, à Athènes.

Lorsqu’il a répondu à l’appel FaceTime de La Presse, Grenier venait de terminer une autre journée d’entraînement à l’Université de North Florida, à Jacksonville. Là où il n’a pas plu depuis deux semaines et où chaque journée a fracassé la barre des 30 degrés Celsius. Là où il loue des installations pour superviser « le meilleur groupe de sprint au monde ».

Dans son équipe, le Québécois compte sur deux des trois médaillés à l’épreuve du 100 m des derniers Championnats du monde en Trayvon Bromell et Marvin Bracy, ainsi que Hakim Sani Brown, Gabrielle Cunningham et Christopher Taylor, entre autres.

Tous seront des espoirs de médailles aux Championnats du monde en Hongrie, au mois d’août, et aux Jeux olympiques dans un an.

Il a même travaillé avec des joueurs des Jaguars de Jacksonville, dans la NFL, en début d’année. « Avec le sprint, tu augmentes ta force, ta puissance, ta rapidité. Que tu sois un joueur de hockey, de football ou de baseball. J’aimerais beaucoup aller vers ça aussi. J’aime beaucoup l’athlétisme, mais je me suis fait transmettre des connaissances trop incroyables. »

Ces connaissances lui ont permis d’attirer des coureurs de partout dans le monde, dont neuf Chinois, parmi les meilleurs en Asie. Grâce au succès de son enseignement, la Fédération chinoise d’athlétisme l’a recruté pour préparer l’équipe en vue des Jeux de 2024. « Le mandat est jusqu’à Paris, mais si ça se passe bien, ça risque de s’étirer », précise-t-il, assis dans son canapé.

Un long défi

Grenier a toujours réfléchi en secondes, voire en dixièmes de seconde. En revanche, cette nouvelle aventure se comptera en mois, peut-être en années. Malgré l’ampleur du projet et des changements auxquels il devra s’adapter en allant vivre à Pékin, sur le site olympique, il a accepté l’offre des Chinois sans hésiter : « C’était instinctif. Je n’y ai pas trop réfléchi. »

PHOTO FOURNIE PAR MARTIN GRENIER

L’entraîneur d'athlétisme Martin Grenier (à droite) au travail

Le défi est imposant, peut-être même un peu vertigineux, compte tenu de l’accueil qu’il pourrait recevoir dans ce pays plutôt conservateur et protectionniste, mais « ça va bien aller », se rassure-t-il. « Je ne suis pas quelqu’un de très anxieux, mais je suis conscient des défis que ça représente. »

Les Chinois sont assez distants, ils sont difficiles d’approche, notamment à cause de la barrière du langage. Il y en a dans ma propre équipe qui ne parlent pas un mot d’anglais !

Martin Grenier

Face à cette réalité, Grenier demeure la tête froide. S’il est là, c’est pour gagner. Pour améliorer les performances de ses coureurs. Pour propulser l’athlétisme chinois à un autre niveau. Et ça, il s’en sait capable. « L’objectif est de gagner les Jeux d’Asie et après, de faire une médaille aux Jeux olympiques au 4 X 100 m », précise-t-il.

De Sherbrooke à Pékin

Avant de se déposer au pays du Lotus bleu, Grenier a gagné ses lettres de noblesse aux États-Unis.

Ses performances avec le Vert et Or de l’Université de Sherbrooke lui ont ouvert bien des portes au sud de la frontière. Sa victoire aux championnats universitaires canadiens dès son année recrue aura fini par donner à sa vie une trajectoire complètement inattendue, mais souhaitée. À l’époque, il a reçu des offres d’une dizaine d’universités américaines. Il aura finalement couru en Arizona, en Californie et au Kansas, pour finalement s’installer en Floride. D’abord à Gainesville, puis à Jacksonville.

Grenier se sent à l’aise soit dans ses espadrilles ou dans ses valises. D’ouest en est, il a toujours suivi sa passion. Ancien spécialiste du 100 m, l’Estrien a toujours été guidé par son instinct. Ce dernier le mènera même en Chine. Ultimement, ce passionné d’athlétisme carbure au simple fait de « revivre l’expérience olympique ».

Même s’il restera « un Québécois pour toujours », ça ne lui fait aucun pli de troquer la feuille d’érable rouge pour les cinq étoiles jaunes en compétition. « Quand j’ai des objectifs en tête, je ne les ai pas dans les pieds, dit-il en concluant. Je veux réaliser mes rêves. »