(Mont-Tremblant) Gabriel Dubeau avait 13 ans quand il a vu, en une fraction de seconde, son père perdre l’usage de ses quatre membres. Dix-sept ans plus tard, le triathlète performe pour deux…

C’était le 8 mai 2006. Marcel Dubeau était allé chercher Gabriel à l’école pour l’amener à son entraînement de hockey sur la Rive-Sud de Montréal. Père et fils venaient de s’engager sur le pont Jacques-Cartier quand une voiture en sens inverse a raté son virage et les a emboutis.

« Il nous a ramassés du côté conducteur. Du côté de mon père », a raconté Gabriel Dubeau à La Presse, samedi à Mont-Tremblant, à la veille de ce qui devait être son deuxième demi-Ironman avant l’annulation de dimanche.

Secoué, le jeune homme a tranquillement repris ses esprits. Il a tourné la tête à sa gauche, vers son père, inconscient. Pendant un instant, il a eu l’impression que c’en était fait. Il a crié, pleuré.

« Papa, es-tu correct ? », a-t-il lâché.

Pour la première fois de sa vie, la réponse était négative.

« Non, ça ne va pas. Il n’y a plus rien qui bouge, appelle ta mère », a répondu M. Dubeau.

À l’hôpital, les médecins ont avisé la famille qu’ils ne craignaient pas pour sa vie, mais qu’ils ignoraient ce qu’il adviendrait de sa mobilité.

« Finalement, il a tout perdu », laisse tomber Gabriel.

Du cou aux pieds, Marcel Dubeau a perdu toutes ses sensations. Son fils, lui, s’en est sorti indemne, mis à part quelques douleurs au cou.

Une persévérance « incomparable »

Du jour au lendemain, Gabriel Dubeau a vu l’homme qui lui a inculqué l’amour du sport perdre l’usage de son corps. « Il a gardé toute sa tête ; c’est là qu’on a été vraiment chanceux », laisse-t-il entendre.

Après avoir passé plusieurs mois à l’hôpital du Sacré-Cœur de Montréal, puis à l’Institut de réadaptation de Montréal et au Centre de réadaptation en déficience physique Lucie-Bruneau, M. Dubeau est revenu à la maison. Il a entamé de la physiothérapie à raison de trois ou quatre fois par semaine. À force de travail et d’efforts, il a réussi à se lever et mettre un pied devant l’autre de nouveau, avec l’aide d’un thérapeute. Des progrès ahurissants.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Gabriel Dubeau

Gabriel sort son cellulaire pour nous montrer des vidéos sur YouTube. On y voit son père debout, concentré à faire quelques pas. « Il dit qu’il ne sait pas ce qu’il fait, mais que sa jambe avance. »

La fierté de Gabriel, devant ces images, est évidente. Au cours des 17 dernières années, son père est devenu pour lui « comme un héros », dixit l’homme de 30 ans.

« La persévérance de cet homme-là est incomparable. […] Il aurait pu baisser les bras. Après l’accident, il a considéré tirer la plug ; il se demandait pourquoi il continuait, il allait dépendre de tout le monde. Mais s’il y a quelque chose dont je suis vraiment reconnaissant envers mon père, c’est bien sa persévérance. »

« Il se serait inscrit avec moi »

Gabriel, qui a fait du hockey une grande partie de sa vie, a commencé le triathlon en 2019. Chaque fois qu’il prend part à une épreuve, son père est une source de motivation.

Quand je commence à avoir mal aux jambes, que j’ai envie d’abandonner parce qu’il fait chaud ou que c’est dur… Cet homme-là le prendrait tous les jours. Il souffrirait pire que ça tous les jours s’il le pouvait.

Gabriel Dubeau, à propos de son père

« C’est le jus [dont j’ai besoin] pour pousser un peu plus loin, pour ne pas abandonner. »

Comme son père, un vrai sportif dans l’âme, n’est plus en mesure de pratiquer aucun sport, Gabriel s’assure de lui raconter ses expériences après chaque évènement sportif.

« Il pose des questions, ça le nourrit. C’est comme s’il le vivait à travers nous. Je sais que s’il était sur ses jambes, il se serait inscrit avec moi au Ironman. »