Elle vient de réussir un tour de force aux Championnats du monde juniors de canoë-kayak. Elle n’a que 18 ans, mais son potentiel a de quoi enthousiasmer. Voici Elizabeth Desrosiers-Mcarthur.

Elizabeth Desrosiers-Mcarthur a fait beaucoup d’entrevues dans la dernière semaine, soit depuis son retour d’Italie, où elle prenait part aux Mondiaux juniors de canoë-kayak.

« Ça ne me dérange pas trop, mais c’est sûr que je ne regarde pas les articles », lance en riant l’athlète du Club de Lac-Beauport au bout du fil.

Cet intérêt médiatique survient à la suite de ses résultats sensationnels à la compétition mondiale, où elle a remporté deux médailles : l’argent dans la course individuelle C1 200 mètres et l’or à l’épreuve par équipe C4 500 mètres.

Déjà, on parle d’une grande réussite. Mais là où la réussite devient prouesse, c’est quand on regarde son temps à l’épreuve individuelle : 47,21 secondes. Ce temps, nous fait remarquer son entraîneur Frédéric Loyer, lui aurait donné la 5e place dans la catégorie des femmes chez les moins de 23 ans. Un résultat « relativement compétitif au niveau international senior », donc.

« J’appelle ça le sweet spot. C’est une chose que les athlètes de haut niveau connaissent ; ils sont dans une zone de douleur, et il faut résister et ne pas paniquer pour faire les choses comme elles doivent être faites », explique M. Loyer.

« C’est facile de le dire, mais il faut le faire quand ça compte, quand la pression est maximale. Et c’est dur. Il faut être courageux. »

Un petit bout de femme comme ça, je suis très fier d’elle !

Frédéric Loyer, entraîneur d’Elizabeth Desrosiers-Mcarthur

Cette prouesse est d’autant plus impressionnante qu’Elizabeth avait raté la finale A l’année dernière, lors de sa participation à ces mêmes Mondiaux.

« Ç’avait quand même été une déception, se souvient la jeune femme. Cette année, je suis arrivée en Italie avec le but de faire la finale A. Je savais que je m’étais entraînée fort cette année et que j’avais atteint le prochain niveau. »

PHOTO FOURNIE PAR ELIZABETH DESROSIERS-MCARTHUR

Elizabeth Desrosiers-Mcarthur

Elle a finalement fait bien plus que ça. La voici vice-championne du monde junior.

« Je trouve ça incroyable parce que j’ai fait un meilleur temps de 1 seconde. Je n’avais jamais fait ça de ma vie, j’étais loin de ça ! s’exclame-t-elle avec fierté.

— Qu’est-ce qui fait que ça s’est si bien passé ?

— Je ne sais pas ! Peut-être l’adrénaline. Peut-être le stress. Un mélange de tout ça », répond-elle candidement.

Quand les efforts rapportent

Quand on lui mentionne vouloir écrire un portrait plus large sur son athlète, Frédéric Loyer acquiesce : « Plus important que la performance, c’est le chemin qu’elle a pris pour y arriver », nous dit-il.

Parlons-en donc, de ce chemin.

Chez les Desrosiers-Mcarthur, le sport est un mode de vie. D’abord, le grand frère d’Elizabeth, Jérôme, ainsi que sa petite sœur, Olivia, font tous deux du canoë-kayak. Leur mère, Pamela Mcarthur, a été athlète et entraîneuse de gymnastique pendant des années. Leur père, André Desrosiers, est paraplégique depuis un accident de moto à l’âge de 15 ans et a pratiqué de nombreux sports en fauteuil roulant. Il a notamment fait des marathons et remporté les Jeux du Canada en paracyclisme.

« C’est un gros exemple de persévérance, évoque Elizabeth. Étant athlète, c’est toujours le fun de voir que tes parents ont fait le même chemin que toi. C’est quand même inspirant. »

La native de Lac-Beauport a commencé le kayak à un jeune âge, dans les camps de jour du club de son patelin. « Au début, je détestais vraiment ça », lance-t-elle. Mais les années ont passé et, graduellement, elle s’est découvert un certain talent, voire un talent certain.

À 12 ans, quand elle a transféré du kayak au canoë, elle s’est découvert une passion. En quatrième secondaire, elle entrait en sport-études à l’école de La Seigneurie.

« Même dans ces années-là, je prenais ça vraiment au sérieux. Avant que je sois dans le sport-études, je m’entraînais quelques fois par semaine après l’école. J’aimais vraiment ça bien performer. »

Au fil des années, elle a eu différents entraîneurs. Mais son potentiel, « on l’a vu tout de suite », affirme Frédéric Loyer, qui l’entraîne depuis près de deux ans.

PHOTO FOURNIE PAR ELIZABETH DESROSIERS-MCARTHUR

Elizabeth Desrosiers-Mcarthur en action

« Elizabeth, je crois qu’elle était d’abord douée de nature. Mais la somme de travail qu’il y avait à faire, elle a dû le mettre en place dans ce continuum d’entraînement.

« Ça fait à peu près un an ou un an et demi qu’elle a commencé à prendre conscience que si elle voulait être meilleure, plus forte, il faudrait qu’elle aille le chercher, que rien ne lui serait donné. »

Des propos appuyés par Elizabeth, qui nous parle notamment de ses camps d’entraînement en Floride. « Avec tout ça, tu prends une certaine maturité, soutient-elle. Non seulement t’es presque tout le temps à l’entraînement, t’es pas là pour niaiser. Frédéric aussi m’a beaucoup aidée là-dedans. »

Il y a des hauts et des bas, note-t-elle. Des bas, comme quand elle doit se lever « super tôt » pour aller ramer dans le froid. Des hauts, comme aux Championnats du monde, où elle « réalise que tout le mal qu’[elle] peut avoir pour un entraînement » finit par rapporter.

Une « marge de progression importante »

Aujourd’hui, le canoë est un « mode de vie » pour Elizabeth Desrosiers-Mcarthur. Aux dires de Frédéric Loyer, la jeune femme a une « marge de progression importante », elle qui est davantage une sprinteuse, une « fille d’explosivité ».

« Quand je vous parle de résilience, c’est qu’elle a une technique, une façon de faire bouger son bateau, qui est une signature incroyable pour moi, affirme l’entraîneur français. C’est beaucoup de travail. C’est grâce à tous ses coachs. Elle sait bouger son bateau. »

Elizabeth commencera à compétitionner chez les seniors en mai 2024. Elle prendra part aux sélections olympiques, même si ses chances de percer l’équipe sont très minces.

« Avec toute l’attitude qu’elle a mise en place, je pense qu’elle peut être compétitive et essayer de se frotter aux meilleures, ce serait super. Mais plus vraisemblablement, ce serait plus les Jeux olympiques à venir en 2028, plutôt que [ceux de] 2024 », dit Loyer.

La principale intéressée voit les choses de la même façon ; quand on lui mentionne les Jeux, elle admet ne pas y avoir encore vraiment réfléchi et demeure évasive.

« Écoute… J’envisage de continuer à courser, donc… À suivre », dit-elle d’abord.

« Dans quelques années, si la motivation et que l’amour pour mon sport sont encore là… J’espère. C’est un peu le rêve de tout athlète », ajoute-t-elle.

Voilà une bien sage façon de voir les choses.