(Québec) Dix ans se sont écoulés entre les débuts de Jean-Simon Desgagnés à la course à pied et sa huitième place aux Championnats du monde au cours de l’été. Le spécialiste du 3000 m steeple a maintenant 10 mois devant lui pour se transformer en médaillé olympique.

« J’ai 25 ans. Théoriquement, je ne suis pas encore à mon pic. C’est motivant », lâche l’athlète rencontré au PEPS de l’Université Laval.

Le campus est la deuxième maison de Desgagnés. C’est ici qu’il s’entraîne la plus grande partie de l’année, lorsqu’il n’est pas en camp d’entraînement dans les montagnes de l’Arizona. C’est aussi ici qu’il étudie la médecine.

Tous les sacrifices, toutes les heures autour de la piste ont porté leurs fruits en août dernier lorsque Desgagnés a fini 8e au 3000 m steeplechase lors des Championnats du monde.

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Desgagnés aux Championnats du monde d’athlétisme, qui ont eu lieu à Budapest en août dernier

Un exploit « qui ne sort pas de nulle part », selon les mots de son entraîneur, Félix-Antoine Lapointe, et qui lui assure pratiquement une place aux Jeux olympiques de Paris l’été prochain.

L’épreuve du steeplechase reste méconnue au Québec, ce qui surprend compte tenu de l’habitude qu’ont les Québécois de contourner des chantiers ou des cônes orange.

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Jean-Simon Desgagnés

Comment j’expliquerais le steeple dans un souper de famille ? C’est un 3000 mètres où à chaque tour il y a cinq haies à franchir, et l’une d’elles est une rivière d’eau !

Jean-Simon Desgagnés

Desgagnés a grandi entre Québec et Saint-Ferréol-les-Neiges dans une famille de sportifs. Il a joué au football et au hockey tout son secondaire.

« Rapidement, j’ai compris qu’au foot, au basket ou au hockey, je n’allais pas être dans les meilleurs. Autant par ma taille que par mes habiletés, je n’étais pas dans le top. J’ai arrêté au cégep parce que le niveau n’était plus adéquat pour moi. »

Comme pour pas mal de jeunes adeptes des sports d’équipe, la course était alors pour lui « la punition », le truc qu’on fait sans entrain parce qu’on doit le faire. Un prof d’éducation physique au secondaire trouve quand même qu’il a du talent. Desgagnés s’inscrit à quelques courses sous ses encouragements, puis obtient de bons résultats.

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Jean-Simon Desgagnés et son entraîneur Félix Antoine-Lapointe

Au cégep, il abandonne le football et le hockey et se joint à l’équipe d’athlétisme. Les résultats s’enchaînent rapidement. « Après deux ans d’entraînement sérieux, j’ai gagné les 3000 m et 5000 m au championnat canadien junior. »

Puis il commence à s’entraîner avec le Rouge et Or. « J’étais au cégep et je voyais les gars de 22 à 25 ans qui s’entraînaient, qui tripaient, qui avaient du fun… Avant, pour moi, la course, c’était la punition des sports d’équipe. J’ai été inclus dans la gang. J’ai adoré ça. Je suis tombé en amour avec le sport. »

Et le sport le lui a bien rendu.

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Jean-Simon Desgagnés saute dans la rivière à Budapest.

« On se permet de rêver »

L’entraîneur de Desgagnés le dit sans cachette, le coureur a dépassé les attentes avec sa huitième place en finale à Budapest. « Notre objectif était de nous qualifier parmi les 16 en finale. C’était un objectif réaliste, mais ambitieux », raconte Félix-Antoine Lapointe, entraîneur-chef des équipes du Québec à Athlétisme Québec.

Desgagnés est somme toute rapide sur toutes les distances du demi-fond. Il a réussi en janvier 2022 à courir le mile en moins de quatre minutes, ce qu’à peine une poignée de Québécois sont parvenus à faire.

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Portrait du coureur Jean-Simon Desgagnés

Mais avec ses habiletés techniques, c’est vraiment au steeple qu’il se démarque. Son entraîneur pense que son passé au football, au basketball et au hockey l’aide dans cet aspect.

Desgagnés se démarque aussi par sa constance. Chaque année, il affûte ses jambes, abat ses temps. Il attribue ce succès en partie à son entraînement en gymnase, réalisé auprès de l’ancien préparateur physique d’Alex Harvey, Charles Castonguay.

« Je suis un peu moins blessé que la moyenne. Je suis chanceux d’avoir un corps comme ça, mais je pense que c’est aussi le travail que je fais dans le gym. Je passe entre six et huit heures par semaine à faire des exercices de renforcement, de physio », explique le coureur.

« Ce ne sont pas des choses qui me permettent de courir plus vite nécessairement, mais ça me permet de courir 365 jours sur 365 depuis 7 ans. »

Cette année, l’athlète a toutefois dérogé à sa lente et inexorable progression avec des résultats… au-delà des attentes.

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Félix-Antoine Lapointe croit que Jean-Simon Desgagnés n’a pas encore réalisé son plein potentiel.

Aux Championnats du monde de 2022, il avait fini 36e. Passer de 36e à 8e au monde en un an, on ne voit pas ça souvent.

Félix-Antoine Lapointe, entraîneur de Jean-Simon Desgagnés

Les deux hommes ont aujourd’hui 10 mois pour se préparer pour Paris. Avec son exploit en Hongrie, Desgagnés est désormais classé au 12e rang mondial au 3000 m steeple. Les 36 meilleurs obtiendront une place aux Jeux.

Ce classement offre en quelque sorte un coussin au coureur. Il n’aura pas besoin de livrer un nombre exagéré de courses d’ici l’été dans l’espoir d’améliorer son classement. Il pourra se consacrer entièrement à sa préparation, aux camps en altitude, à ses études en médecine.

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Jean-Simon Desgagnés passe de six à huit heures par semaine à faire des exercices de renforcement.

« On doit apprendre des bons coups qui lui ont permis de finir 8e aux Mondiaux et améliorer les petits détails pour que cette 8e place se transforme en 5e ou même en 3e place à Paris, lâche l’entraîneur. On se permet de rêver. »

Et à 25 ans, Desgagnés peut même espérer à un second cycle olympique. « Je suis excité par les Jeux de Paris. Mais ça ne s’arrêtera pas là, il est encore jeune, fait valoir Félix-Antoine Lapointe. S’il trouve les moyens de concilier le sport et ses études en médecine, il pourrait être encore meilleur en 2028. »