Depuis quelques années, la popularité du cheerleading explose au Québec et ailleurs dans le monde. À tel point que des écoles offrent maintenant des programmes de cheerleading pour attirer des élèves entre leurs murs. Ses adeptes rêvent d'en faire un jour une discipline olympique. Et jurent que la forme compétitive du sport n'a plus rien à voir avec les meneuses de claque qui secouent leurs pompons - et leur derrière - sur les terrains de football.

«Vous cherchez Vanessa? Son bureau est à l'étage, c'est une porte rose.»

Les indications semblent claires. Tout compte fait, elles ne le sont pas tant que ça. C'est que chez les Flyers All-Starz, toutes les portes sont roses, sans exception. En fait, presque tout est rose: les portes, les murs, les étoiles sur le plancher, les ours en peluche géants...

On se croirait dans un château de princesse rêvé par une fillette de 5 ans. Nous sommes plutôt dans l'antre des Flyers All-Starz de Pierrefonds, dont l'une des équipes a remporté cette année un titre au championnat mondial de cheerleading à Disney World, en Floride.

Vanessa Jacob-Monet, 25 ans, est présidente et fondatrice du club. L'ancienne cheerleader, qui a fait construire ce gymnase sur mesure en 2010, s'est transformée en femme d'affaires. Et elle ne manque pas de clients. «Ça grossit très rapidement. Je me suis lancée dans l'aventure pour le plaisir, j'ai fini par faire ça à temps plein. J'ai même deux associées.»

La jeune femme surfe sur l'immense vague de popularité dont jouit le cheerleading depuis quelques années. Le nombre de membres de la Fédération de cheerleading du Québec a triplé en cinq ans, passant de 3500 à plus de 10 000. À Montréal, les clubs ont poussé comme des champignons: les Flyers, les SpiriX, les Mystic, les Power Elite...

Le Réseau des sports diffuse des compétitions sur ses ondes. L'engouement est tel que certains établissements scolaires utilisent désormais le cheerleading pour attirer des élèves. C'est le cas du Petit séminaire de Québec, qui offre depuis 2008 un programme de cheerleading en plus de ses programmes de soccer, de football et de basketball.

«Il y a une explosion de demandes. Toutes les semaines, des écoles nous appellent, à la recherche d'entraîneurs qualifiés. C'est si populaire que beaucoup d'écoles ont maintenant deux, trois, même cinq équipes de cheerleading», raconte Roxane Gendron-Mathieu, entraîneuse et responsable du cheerleading en milieu scolaire à la Fédération.

La vague provient des États-Unis, lieu de naissance du cheerleading, où la pratique est aussi en pleine expansion. Elle a déferlé au Canada, mais aussi en Europe, et jusqu'en Afrique et en Asie. L'épicentre de ce tsunami? Hollywood.

Plus que toute autre chose, c'est la comédie Bring It On, en 2000, qui a lancé la folie du cheerleading de compétition partout dans le monde. «Quand j'étais petite, je regardais ce film et je rêvais de devenir une cheerleader», confie Joany Grenon, 13 ans, membre de l'équipe du Buck de l'école secondaire Monseigneur-Richard, à Verdun.

Pour Roxane Gendron-Mathieu, son entraîneuse, peu importe l'origine de cette frénésie: ce qui compte, c'est qu'on réussit de nouveau à convaincre les adolescentes de faire du sport, en cette époque où la plupart d'entre elles sont plus sédentaires que jamais.

Parce que oui, le cheerleading est un sport.





Un entraînement rigoureux

Dimanche matin, huit fillettes de 5 ans s'entraînent au gymnase des Flyers de Pierrefonds. C'est du sérieux. Elles doivent suivre le rythme, se rappeler les routines, exécuter des figures de gymnastique. En arquant le dos vers l'arrière, une petite fille aux boucles blondes perd l'équilibre et tombe sur la tête. Elle se relève et poursuit sa routine en ravalant ses larmes.

À l'autre bout du gymnase, des adolescentes en groupe de quatre en projettent une cinquième en l'air, qui pivote sur elle-même avant d'atterrir dans les bras de ses coéquipières. Les filles doivent se soumettre à un entraînement rigoureux, alliant l'athlétisme, la danse et la gymnastique.

«C'est un sport qui demande beaucoup de force, d'endurance, de coordination et d'esprit d'équipe, dit Catherine Marois-Blanchet, directrice générale de la Fédération. Il y a encore beaucoup de confusion et de préjugés, mais le cheerleading est un sport à part entière, avec ses propres galas, ses propres compétitions.»

La confusion provient évidemment des «autres» cheerleaders, les filles qui secouent leurs pompons (et leur derrière) sur les terrains de football, pour encourager les joueurs et émoustiller la foule. Or, le cheerleading de compétition n'a absolument rien à voir avec les danses plus ou moins lascives de ces professionnelles, jurent les adeptes.

Il reste que la confusion est peut-être maintenue par certaines pratiques. Car si les défenseurs du cheerleading mettent l'accent sur l'athlétisme, la partie «spectacle» du sport rappelle inévitablement la sexualisation de sa forme professionnelle. «Ça prend beaucoup de préparation, parce qu'on veut être parfaites pour la performance», explique Joany.

Beaucoup de préparation, cela veut dire des paillettes, des brillants, des boucles dans les cheveux, des uniformes qui découvrent les épaules et le nombril, des jupes minuscules et du maquillage. Beaucoup de maquillage. Parfois même de faux cils et des perruques...

«C'est sûr que le côté glamour, les paillettes et les jupettes, c'est séduisant pour certaines filles», dit Roxane Gendron-Mathieu, qui avoue avoir elle-même été d'abord attirée par les pompons, à l'âge de 11 ans. «Mais il faut aller plus loin que ça pour aimer le cheerleading, parce que les athlètes reçoivent plusieurs coups par entraînement.»

Déguiser les enfants en poupées roses et maquillées, est-ce le prix à payer pour les voir faire du sport? Peut-être. À Verdun, les 56 cheerleaders (55 filles et 1 garçon) représentent la plus importante cohorte sportive de l'école secondaire Monseigneur-Richard. Pour Roxane Gendron-Mathieu, qui a mis le programme sur pied, c'est toute une réussite.

«J'ai dû me battre contre les préjugés. Au début, l'école voulait faire de nous les meneuses de claque des matchs de football. On nous a même acheté des pompons avant de nous fournir des uniformes! Mais après un an, on a vraiment compris que nous étions sérieuses. Notre équipe est plusieurs fois championne aux niveaux régional, provincial et national.»

La jeune femme a eu les mêmes difficultés à l'UQAM, où elle a grandement contribué à mettre sur pied le programme de cheerleading. «Il faut toujours passer par-dessus le stéréotype, mais à long terme, je pense qu'il n'y a personne qui peut rester borné à dire que nous ne sommes que des idiotes qui se brassent les fesses au bord d'un terrain.»





Photo: Bernard Brault, La Presse

Dimanche matin, des fillettes s'entraînent au gymnase des Flyers de Pierrefonds. C'est du sérieux. Elles doivent suivre le rythme.

Des jupes trop courtes

C'est une vieille tradition dans les écoles secondaires aux États-Unis: les jours de match de football, les cheerleaders portent leur uniforme en classe. Le mois dernier, des écoles de Floride et de Californie ont osé briser cette tradition, en obligeant leurs élèves à porter un pantalon sous leur jupe et un t-shirt pour cacher leur nombril. C'est que la tradition est restée, mais les uniformes, eux, sont de plus en plus étriqués, au point de violer les codes vestimentaires des établissements scolaires. Interrogée par un journal californien, une cheerleader s'est dite «triste et blessée» par cette décision. «Nous portons les couleurs et nous représentons l'esprit de notre école, et on nous traite comme des parias...»





 

Photo: Bernard Brault, La Presse

L'engouement pour ce sport est tel que certains établissements scolaires utilisent désormais le cheerleading pour attirer des élèves.

La fin des meneuses de claque?

Une autre tradition a été brisée aux États-Unis cette année. Pour la première fois en 45 ans, il n'y avait pas de pompons au Super Bowl. Les Steelers de Pittsburgh et les Packers de Green Bay, qui se sont affrontés en février, font partie des six équipes de la National Football League (NFL) sans meneuses de claque. Les Steelers ont dit adieu à leurs cheerleaders en 1970, et les Packers s'en sont débarrassés dans les années 80, après qu'une étude de marché eut indiqué qu'elles laissaient les partisans indifférents. Ce premier Super Bowl sans cheerleaders marquera-t-il le début de la fin pour les pom-pom girls des équipes professionnelles? C'est en tout cas ce que souhaitent bien des commentateurs, pour qui les filles qui se trémoussent pendant les pauses publicitaires renvoient une image profondément sexiste de la femme.





 

Photo: Bernard Brault, La Presse

Beaucoup de préparation, cela veut dire des paillettes, des brillants, des boucles dans les cheveux, des uniformes qui découvrent les épaules et le nombril, des jupes minuscules et du maquillage.

Petite histoire du cheerleading

Le premier cheerleader du monde était un homme. En 1898, Johnny Campbell a attrapé un mégaphone et s'est mis crier «Rah! Rah! Rah!» dans l'espoir d'encourager son équipe, en train de perdre un match à l'Université du Minnesota. Le cheerleading était né. Il a pris plusieurs formes au fil de son évolution. Au début, les équipes étaient entièrement masculines. Cela a changé avec la Seconde Guerre mondiale, quand les filles ont dû remplacer les jeunes hommes partis au front. Aujourd'hui, 90% des cheerleaders sont des femmes. Elles se sont contentées d'un rôle de soutien jusqu'aux années 80, quand le cheerleading est devenu un sport en lui-même, avec ses règles et ses propres compétitions. Plusieurs célébrités ont été cheerleaders dans leur jeunesse, dont Cameron Diaz, Sandra Bullock et... George W. Bush.