De Saint-Isidore aux arénas de l'Amérique, le champion des mi-moyens de l'UFC a connu une ascension fulgurante. Rencontre avec un gentleman de l'octogone.

Pour un gars qui pratique supposément un sport de brutes, Georges St-Pierre n'a rien d'une brute. Il arrive au rendez-vous dans un élégant habit rayé, offre une poignée de main chaleureuse et s'exprime ensuite avec élégance et clarté. Disons que j'ai déjà rencontré certains joueurs de hockey qui s'exprimaient pas mal moins bien que lui...

Ça tombe bien, Georges St-Pierre commence par me parler de la mauvaise réputation qui semble coller à son sport, les arts martiaux mixtes. Et il commence en m'offrant un exemple pigé dans le merveilleux monde de la LNH.

«Le sport que je pratique est un sport violent en effet, concède-t-il d'emblée. Mais ce n'est pas de la violence gratuite. Marty McSorley qui donne un coup de bâton à la tête de Donald Brashear, ça, c'est de la violence gratuite. Parce que les joueurs de hockey sont payés pour jouer au hockey, pas pour se donner des coups de bâton à la tête. Dans l'UFC, il y a des règles, il y a un respect entre les combattants.»

À peine quelques minutes avec Georges St-Pierre et nous voici déjà dans le vif du sujet. Le Ultimate Fighting Championship a beau avoir le vent en poupe, ses stars ont beau remplir les arénas du continent et faire du fric à la pelle, la mauvaise réputation demeure. En gros, on dit encore des arts martiaux mixtes qu'il s'agit d'un sport de barbares.

Réputation justifiée ou pas?

«Au début, c'est vrai, il y avait des galas qui mettaient en vedette des videurs de club, reconnaît St-Pierre. Encore aujourd'hui, il y a des galas qui ont lieu et qui nuisent à l'image de notre sport... Mais l'UFC, c'est quelque chose de très bien organisé. Il y a des règles à respecter. C'est le circuit d'arts martiaux mixtes le plus reconnu. Ce qu'on fait, c'est très technique. Si t'as juste des qualités physiques, tu ne peux pas réussir là-dedans. Les gars des arts martiaux mixtes sont des gars très éduqués.»

Et c'est Georges St-Pierre, GSP pour les intimes, qui en est la grande vedette. Un gars de 27 ans qui a grandi modestement sur la rive-sud de Montréal, qui a monté les échelons un à un, et qui gagne aujourd'hui environ deux millions par combat.

«Je me souviens, quand j'étais à l'université, j'avais trois boulots en même temps... disons que ça me fait apprécier davantage ce que j'ai accompli», ajoute-t-il d'un ton fier.

***

La belle histoire de GSP commence quelque part au milieu des années 1990. Elle commence avec un petit gars de Saint-Isidore qui allait voir en cachette les premiers galas d'arts martiaux mixtes sur la réserve de Kanesatake, à cinq minutes de chez lui. Tout ça à l'insu de ses parents, bien sûr.

«C'était vers 1997 et mes parents ne voulaient pas que j'aille voir les galas d'arts martiaux mixtes. Ils avaient peur de ça. Ils pensaient que c'était comme des bagarres de rue... Mais moi, j'aimais ça. Ensuite, j'ai étudié en kinésiologie à l'UQAM, mais j'ai tout lâché pour mon premier combat de championnat du monde, en 2004, contre Matt Hugues. Je me suis dit qu'un combat de championnat du monde, ça n'allait pas passer souvent, alors que j'allais pouvoir reprendre mes études n'importe quand.

«C'est avec ce combat-là que ma carrière a débloqué. Même si j'ai perdu, j'ai dominé le combat. Il m'a battu avec une clé de bras, sur une erreur de ma part, mais c'est ce combat-là qui m'a ouvert des portes.»

Peu à peu, Georges St-Pierre est devenu la star d'un sport qui n'a cessé de croître en popularité depuis la création du UFC, en 1993. C'est lui qui a permis d'attirer plus de 21 000 fans au Centre Bell il y a un an, pour son combat de championnat du monde face à Matt Serra. Même les boxeurs les plus populaires de la scène montréalaise ne parviennent pas à écouler autant de billets au domicile du Canadien.

Mais ce n'est rien si l'on compare avec la folie GSP qui sévit aux États-Unis, surtout sur la côte Ouest. Par là-bas, St-Pierre est une immense vedette. Pas capable d'aller au resto, pas capable de faire son shopping en paix. Trop populaire...

«Je suis plus connu aux États-Unis, et c'est normal, poursuit-il. L'UFC est un monde anglophone, alors il y a la barrière linguistique pour le Québec... Sur la côte Ouest, je ne peux pas marcher dans la rue. À Las Vegas, j'ai besoin d'un garde du corps! Ce n'est pas comme ça au Québec, mais ce n'est pas une mauvaise chose non plus. J'ai ma vie privée ici.»

Même s'il est immense aux States, même s'il s'entraîne souvent à New York, Georges St-Pierre habite encore la grande région montréalaise.

«Mon coeur est ici», explique-t-il en souriant.

***

Aucun doute, 2009 se profile déjà comme une grosse année pour Georges St-Pierre. Lors de notre rencontre dans les locaux de TQS, St-Pierre, un habitué des caméras, se préparait à participer à la nouvelle émission d'arts martiaux mixtes, présentée sur les ondes de TQS le vendredi soir. On y offrira aussi des galas du UFC, une première pour une chaîne non payante.

Sur le ring, le retour de GSP est prévu pour le 11 juillet à Las Vegas, dans le cadre d'un combat de championnat des mi-moyens contre Thiago Alves. Son dernier combat, une victoire le 31 janvier face à BJ Penn, s'était conclu dans la controverse, avec le clan Penn qui l'accusait d'avoir eu recours à de la vaseline pour se donner un avantage dans l'octogone.

«Cette histoire est finie, c'est juste Penn qui voulait essayer de me faire mal paraître», explique-t-il.

En attendant, GSP poursuit sa petite routine: six jours d'entraînement par semaine à raison de deux séances chaque jour. Un douloureux programme d'entraînement qui allie, entre autres, la boxe, la boxe thaï, le jiu-jitsu brésilien et la lutte olympique.

Bref, Georges St-Pierre est un gars qui se lève tard et qui se couche tard, mais dans son cas, c'est pour les bonnes raisons.

«Je me lève tard, vers 10h du mat', mais c'est pour que mon niveau d'énergie soit à son maximum en soirée, quand ont lieu les combats, explique-t-il. Quand tu vois Rocky qui se lève à 6h du matin dans le film pour aller s'entraîner, je peux te dire que c'est de la foutaise...»