Christiane Ayotte n'a même pas souri un petit peu en prenant connaissance des aveux de dopage du cycliste Floyd Landis, tôt hier matin. En fait, elle s'est plutôt retenue pour ne pas arracher les touches de son clavier d'ordinateur.

«C'est de la vengeance pure et simple. C'est l'exemple d'une petite personne qui tente de régler ses comptes», rageait Mme Ayotte au bout du fil.

La directrice du laboratoire antidopage de l'INRS se dit profondément dégoûtée par la sortie de Landis qui, après des années de déni, a admis s'être dopé durant l'essentiel de sa carrière lors d'un entretien avec ESPN.com. Dans des courriels obtenus par le Wall Street Journal, Landis accuse aussi une flopée d'anciens dirigeants et coéquipiers de renom, dont Lance Armstrong, Levi Leipheimer et George Hincapie, de s'être livrés aux mêmes pratiques.

Ces déclarations surviennent presque quatre ans après que Landis eut échoué un contrôle antidopage au Tour de France 2006, qu'il avait remporté de façon dramatique. Dans les deux années qui ont suivi, Landis s'est battu bec et ongles pour laver sa réputation, publiant même un livre où il clamait son innocence. Il a aussi sollicité les dons du public pour l'aider dans sa défense, qui lui a coûté deux millions de dollars.

À titre de témoin expert pour les autorités antidopage américaines, Dre Ayotte s'était retrouvée au coeur de la bataille juridique. Le clan Landis avait tout fait pour salir la réputation de la spécialiste québécoise, qui n'avait jamais été confrontée à pareil acharnement. «C'était vraiment sale, s'est-elle rappelé. Ils étaient d'une agressivité rare. Sincèrement, j'avais l'impression d'être devant une mafia. C'est l'une des causes qui m'ont le plus écoeurée.»

Après une décision partagée devant un comité arbitral américain, Landis et ses avocats avaient été vertement rabroués devant le Tribunal arbitral du sport, l'instance juridique suprême dans le sport.

Les propos de Landis, revenu à la compétition en 2009 après une suspension de deux ans, n'apportent rien de neuf, estime Mme Ayotte, soulignant que sa consommation de testostérone synthétique n'avait jamais fait l'objet du moindre doute dans le milieu.

Ironiquement, Landis soutient qu'il n'avait pas consommé de testostérone lors du Tour 2006, bien qu'il en ait pris dans le passé, en plus de l'érythropoïétine (EPO) et des hormones de croissance. Il a aussi eu recours à de nombreuses transfusions sanguines. Landis dit avoir dépensé jusqu'à 90 000 dollars US par année pour sa consommation de produits dopants.

Selon Mme Ayotte, Landis, seul gagnant du Tour de France dépouillé de son titre, est motivé par la vengeance et s'exprime ainsi parce que sa carrière est dans un cul-de-sac. «Ce n'est pas un aveu, c'est n'importe quoi, a-t-elle clamé. C'est un cirque. On est tout le temps tous poches. Quand on l'a attrapé, c'est parce qu'on était mauvais! C'est n'importe quoi. Il ne faut pas l'écouter. Il faut lui dire: tais-toi, va te cacher, on ne veut plus te voir.»

Mme Ayotte se désole que le clan Landis ait tenté de discréditer et de détruire la carrière d'une trentaine de personnes oeuvrant au laboratoire antidopage français de Châtenay-Malabry, à l'origine du contrôle positif de 2006. «Ça me fait de la peine car le directeur, Jacques de Ceaurriz, est décédé il y a quelques mois et n'aura pas la chance d'avoir au moins pu laver la réputation de son laboratoire avec ces aveux-là», a souligné Mme Ayotte.

Sans surprise, Lance Armstrong a rejeté les accusations de Landis, qui fut son coéquipier lors de trois de ses sept victoires au Tour de France. «En ce qui concerne les allégations spécifiques, les affirmations spécifiques, elles ne valent même pas la peine de développer. Je ne vais pas gaspiller mon temps ou le vôtre», a déclaré Armstrong aux journalistes couvrant le Tour de Californie.

Au cours des dernières semaines, Landis a fait parvenir aux dirigeants de fédérations et responsables antidopage des courriels incriminant une douzaine d'anciens coéquipiers et de dirigeants, dont son ancien directeur sportif Johan Bruyneel, grand ami d'Armstrong.

Le président de l'Union cycliste internationale, Pat McQuaid, a déclaré à l'Associated Press que Landis «cherchait à se venger», que ses propos n'avaient «rien de neuf» et qu'il avait «déjà fait ces accusations par le passé».

L'Agence mondiale antidopage a fait preuve de plus d'ouverture. «Nous sommes très intéressés d'en savoir plus sur ce sujet et nous resterons en liaison avec l'Agence américaine antidopage (USADA) et toute autre autorité ayant les compétences adéquates pour aller au coeur des questions posées», a affirmé le président John Fahey à l'Associated Press.